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    Pain de Leïla Zhour

     

     

    Dans une saveur de faim dure

    Le pain essaime des arômes d’ivresse

     

    J’ai dans ma bouche le craquement doux

    L’or des hauts fourneaux

    Où des hommes en blanc font fleurir le blé

     

    Dans la saveur des faims sauvages

    Le pain est dur et doux

    Blond dans la main lourde de l’envie

    Noir sous les doigts meurtris de la misère

    Mais pain

    Toujours

     

    Hier le pain

    Hier la faim

    Pain tempête des désirs affolés

    Pain torrent des jeunesses ivres de lendemains

    Pain aux saveurs jamais combles

    Mais pain d’hier, oui

    Gravé en rides aiguës

    Tout contre mes lèvres

     

    Dans la ronde du temps

    Des céréales dansent

     

    Paysages de craquelures poudrées

    Effluves de printemps

    Sel des étés

    Chaque bouchée éperonne le souffle

    Chaque bouchée nourrit de chaud les hivers

    En souffrance

    Nourrit de feu les nuits de faim

     

    Pain fort des plaisirs infinis

    Pain frêle des éternités fugaces

    Pain qui délivre une bonté de paumes ouvertes

    Jusqu’au dur de l’attente

     

    La main plie

    Geste brut

    Sur la brisure du pain

     

    Dans mon poing

    Le premier plaisir

    Sans mot

    Sans voix

    Un geste sans hâte vers toi

    J’ouvre les doigts

     

    Goûte la multiplicité du pain

    Sa grâce dorée

    Mords son baiser de vie.

     

                                Leïla Zhour – Dans l’envers du silence Ed L’Ours Blanc

     

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    Sur une fracture de banquise

    L’ourse grandit dans la constellation des peines

    Astre patience de longues dérives

     

    Fissures, craquements

    Elle passe sous l’eau sombre du ciel

    Et des turbans d’aurores empoussiérées

    Lui font un loup dans l’étrange carnaval des pôles

     

    L’ourse décompte

    En âge de mémoire

    Elle sait la nuit sans âge

    Qui se résorbe

    Sous la trace embleuie de ses pas

     

    Blanche pourtant

    Elle se rêve ourse des chasses stellaires

    Où chaque morsure inventerait une pure liberté

    Elle se reflète jusqu’au plus lointain du regard

    Cette part obscure et si étroite encore d’elle-même

     

    Au long d’une fissure de givre

    L’ourse poursuit une longue randonnée

    Et les étoiles

    Drapées d’un vent de lumière silencieuse

    Rêvent aussi sa course lente

     

    Elle va si bas

    Si lourd

    Et douce pourtant

    Dans l’onde des séismes nocturnes

    Jusqu’au chevet des grands glaciers de sel

     

    L’ourse griffe le temps du sombre

    A l’hypogée des songes anciens

    Elle va comptant les cris et les silences

    Ombre parmi le blanc multiple des rives polaires

    Et lourde, oui

    Lourde et douce de tous les siècles

     

    Elle recèle

    Décèle

    Pour tous

    Au plus clair des cathédrales de glaces

    La carte pâle des cheminements sans fin

    Le miroir effacé chaque matin

    Mais présent à chaque fêlure

    A chaque dispersion des voix et des vents

    Cette fracture

    Une vie sauvage sous le pas lent de l’ourse blanche

     

                                                    Leïla Zhour – Dans l’envers du silence

     

    L’ourse – Leïla Zhour

     

    Ce très joli poème est dédié à mon meilleur ami Alain. Merci pour ta présence, ton aide, ton soutien. Merci pour cette amitié rare, de celle qui ne se produit qu'une fois dans une vie.

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    Sans le paysan,  aurais-tu du pain ?

    C'est avec le blé qu'on fait la farine;

    L'homme et les enfants, tous mourraient de faim,

    Si dans la vallée et sur la colline,

    On ne labourait et soir et matin.

     

    Sans le boulanger, qui ferait la miche ?

    Sans le bûcheron, — roi de la forêt, —

    Sans poutres, comment est-ce qu'on ferait

    La maison du pauvre et celle du riche ?

     ... Même notre chien n'aurait pas sa niche I

     

    Où dormirais-tu dis, sans le maçon ?

    C'est si bon d'avoir sa chaude maison

    Où l'on est à table, ensemble, en famille !

    Qui cuirait la soupe, au feu qui pétille,

    Sans le charbonnier qui fît le charbon ?

     

    Sans le tisserand, qui ferait la toile ?

    Et sans le tailleur, qui coudrait l'habit ?

    Il ne fait pas chaud à la belle étoile !

    Irions-nous tous nus, le jour et la nuit,

    Et l'hiver surtout, quand le nez bleuit ?

     

    Aime le soldat, qui doit te défendre !

    Aime bien ta mère, avec son cœur tendre !

    C'est pour la défendre aussi qu'il se bat.

    Quand les ennemis viendront pour la prendre,

    Que deviendrais-tu sans le bon soldat ?

     

    Aimez les métiers, le mien et les vôtres !

    On voit bien des sots, pas un sot métier;

    Et toute la terre est comme un chantier

    Où chaque métier sert à tous les autres,

    Et tout travailleur sert le monde entier.

     

                                         Jean AICARD

     

    Sans le paysan, aurais-tu du pain ?  de Jean AICARD

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    Toi qui m'as tout repris jusqu'au bonheur d'attendre,

    Tu m'as laissé pourtant l'aliment d'un coeur tendre,

    L'amour ! Et ma mémoire où se nourrit l'amour.

    Je lui dois le passé ; c'est presque ton retour !

    C'est là que tu m'entends, c'est là que je t'adore,

    C'est là que sans fierté je me révèle encore.

    Ma vie est dans ce rêve où tu ne fuis jamais ;

    Il a ta voix, ta voix ! Tu sais si je l'aimais !

    C'est là que je te plains ; car plus d'une blessure,

    Plus d'une gloire éteinte a troublé, j'en suis sûre,

    Ton coeur si généreux pour d'autres que pour moi :

    Je t'ai senti gémir ; je pleurais avec toi !

     

    Qui donc saura te plaindre au fond de ta retraite,

    Quand le cri de ma mort ira frapper ton sein ?

    Tu t'éveilleras seul dans la foule distraite,

    Où des amis d'un jour s'entr'égare l'essaim ;

    Tu n'y sentiras plus une âme palpitante

    Au bruit de tes malheurs, de tes moindres revers.

    Ta vie, après ma mort, sera moins éclatante ;

    Une part de toi-même aura fui l'univers.

    Il est doux d'être aimé ! Cette croyance intime

    Donne à tout on ne sait quel air d'enchantement ;

    L'infidèle est content des pleurs de sa victime ;

    Et, fier, aux pieds d'une autre il en est plus charmant.

     

    Mais je n'étouffe plus dans mon incertitude :

    Nous mourrons désunis, n'est-ce pas ? Tu le veux !

    Pour t'oublier, viens voir ! ... qu'ai-je dit ? Vaine étude,

    Où la nature apprend à surmonter ses cris,

    Pour déguiser mon coeur, que m'avez-vous appris ?

    La vérité s'élance à mes lèvres sincères ;

    Sincère, elle t'appelle, et tu ne l'entends pas !

    Ah ! Sans t'avoir troublé qu'elle meure tout bas !

    Je ne sais point m'armer de froideurs mensongères :

    Je sais fuir ; en fuyant on cache sa douleur,

    Et la fatigue endort jusqu'au malheur.

     

    Oui, plus que toi l'absence est douce aux cœurs fidèles :

    Du temps qui nous effeuille elle amortit les ailes ;

    Son voile a protégé l'ingrat qu'on veut chérir :

    On ose aimer encore, on ne veut plus mourir.

     

    Toi qui m'as tout repris... de  Marceline DESBORDES-VALMORE

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    On voit tout le temps, en automne,
    Quelque chose qui vous étonne,
    C’est une branche, tout à coup,
    Qui s’effeuille dans votre cou.

     

    C’est un petit arbre tout rouge,
    Un, d’une autre couleur encor,
    Et puis, partout, ces feuilles d’or
    Qui tombent sans que rien ne bouge.

     

    Nous aimons bien cette saison,
    Mais la nuit si tôt va descendre !
    Retournons vite à la maison
    Rôtir nos marrons dans la cendre.

     

                                                                               Lucie DELARUE-MARDRUS

     

    L’automne de   Lucie DELARUE-MARDRUS

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