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Par Pestoune le 13 Avril 2021 à 20:55
Quelquefois la forêt,
comme un corps fragile,
te demande d'ouvrir
en grand ta fenêtre,
tu obéis, avec la
complicité du jardin,
tu lui dis d'approcher,
qu'elle peut compter
sur ta joie où vibrent
encore des oiseaux que
l'âge n'a pas obscurcis
et qui plantent dans
ta mémoire comme
les grandes mains
d'un crépuscule
sans blessures.
Richard Rognet
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Par Pestoune le 2 Avril 2021 à 20:41
Véronique
Quand j’étais jeune dit le poète
Je me sentais juste Je croyais
Qu’il y avait un côté des Justes
Un chœur de lin blanc dont j’étais
J’ai vieilli
J’ai compris que des Justes
Des Indignés
Il y en a toujours sur la scène
Un demi-chœur de chaque côté.
Maintenant je n’ai plus rien à défendre
N’étant ni des leurs ni des leurs
Je n’ai pas le cœur à chanter les Principes
Avec le lyrisme du couperet
Quant à l’honneur les armées se l’annexent
Tant leur en faut qu’il ne m’en resterait
Je ne suis rien Je suis homme
Je suis l’homme tel qu’il se fait
N’importe quel homme
Sans Principes sans Honneur
Anonyme
Ma face est ma patrie
Ma face au lieu de toute injustice
De tout sacrifice
Là où sont seuls victimes et bourreau
Sans leurs grands hommes
Ni leurs grands mots
Où le bourreau se voit dans la victime
Où la victime a honte pour le bourreau
Honteux l’un de l’autre Honteux de moi-même
De mon pays et de mon espèce
Et des grands hommes
Et des mots.
O ma Véronique, ô ma honte
Tends-moi ce drapeau souillé
Ce drapeau de n’importe quel peuple
Pour essuyer la sainte face
La même face
De la victime
Et du bourreau.
Pierre Emmanuel
« Evangéliaire » édition du Seuil
Ste Véronique est la femme qui a essuyé le visage du Christ, lorsque celui-ci montait avec sa croix au Golgotha, recueillant ainsi l'image de la Ste Face sur son Linge.
J'ai rencontré pour la 1ère fois ce poème de Pierre Emmanuel au collège en 3ème. Il m'a aussitôt frappé pour son opposition entre bourreau et victime. Chacun de nous peut devenir bourreau et victime à la fois. Personne n'est exempt de faire du mal, et personne n'est protégé des blessures. Bien sûr de prime abord, ces vers ont été écrit contre les temps de guerre où chacun est l'ennemi de l'autre et pourtant chacun n'est qu'un homme avec son histoire, sa famille, ses amours, ses peines. Je n'ai jamais oublié ce poème, au point de me souvenir encore de la majorité des vers. J'espère que ces quelques vers vous marqueront autant qu'ils l'ont fait pour moi.
Je vous invite à lire cette méditation sur le voile de Véronique de Mgr Alexis Leproux, Vicaire général du diocèse de Paris
"
Son voile recouvre le visage de la Charité, y recueillant les marques du sang, de la couronne et des crachats. Ce voile, Véronique le garde précieusement. Comme le suaire retrouvé au tombeau, ce voile est une icône de paix. Il a reçu les traits du visage parfait, un visage certes blessé, humilié et frappé, un visage défiguré mais qui est aussi celui de la bonté parfaite. Sous les injures et sous les coups, pas un instant ce visage ne s’est crispé d’un mouvement de colère ou de haine. On ne trouve, sur ce tissu sacré, aucune marque de révolte, aucun indice de désespoir. Implacable dans sa lutte contre l’esprit du mal, cet homme, Dieu lui-même, est venu chez les siens, rempli de l’Esprit Saint. Il a tenu ferme, résisté aux attaques de l’ennemi. Il demeure indéfectiblement lui-même, confiant et courageux, source de bonté pour ceux dont il prend soin.
Il ne cesse, en ce jour douloureux, de contempler, de soigner et de guérir. Ses bourreaux sont même ceux dont il prend le plus grand soin. Il les regarde avec une espérance qui ne déçoit pas, une intercession sans relâche. Il ne s’agit pas d’un soin visible et immédiat, mais de ce soin qui bouleverse les profondeurs de l’âme, une attention du cœur capable de changer le monde : « Vraiment, cet homme était fils de Dieu » ! Son regard transmet une lueur inédite à ce jour triste et violent. A qui ploie sous le fardeau, sa présence donne le repos. A qui peine sur le chemin, son silence ouvre une communion. Il y a ceux qui s’acharnent contre lui, ceux qui s’enfuient inquiets, ceux qui se tiennent à distance, témoins impuissants de sa persécution. A tous, il annonce les prémices d’un nouveau monde.
Seul, dans la nuit de sa prison, il porte les prisonniers de tous les temps, les criminels et les pécheurs. Sans défense, à l’aube de ce jour sanglant, il met un terme aux ténèbres du mensonge. Seul encore, au milieu de faux-témoins et de soldats, il se fait artisan de paix. Elevé sur le bois, il remet sa vie pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance. Jamais il ne se résigne à ne plus aimer. Jamais, et surtout pas en ce dernier jour de sa vie, il ne renonce à transmettre la vie. Sa bonté est son être même, la communiquer sa mission constante. Et tels ces soignants et ces infirmiers, ces médecins des âmes et des corps, tels ces personnes consacrées aux plus fragiles d’entre nous, cet homme révèle la dignité de toute personne, celle dont on prend soin envers et contre tout, celle qui ne compte pas ses forces pour servir et soigner. En ces jours inédits pour notre petite planète, en ce jour singulier où l’on vénère la Croix du Christ, la bonté sans mesure continue de briller sur notre fragile humanité."
https://www.paris.catholique.fr/meditation-pour-le-vendredi-saint.html
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Par Pestoune le 29 Mars 2021 à 20:55
J’ai trouvé dans un livre un vieil œillet fané,
Un pauvre œillet tout sec aux sépales rigides,
A la couleur grise, aux nuances livides,
Qui m’a fait très longtemps dans ma chambre rêver.
Mes doigts l’ont effleuré avec un geste pieux :
J’ai senti naître en moi le respect compassé
Que nous font éprouver les choses du passé,
Délicats souvenirs du temps de nos aïeux.
Cet œillet a peut-être une histoire touchante :
Il fut, à mon avis, donné par une amante
Par un beau soir de juin à son beau cavalier.
J’ai trouvé dans un livre une fleur d’autrefois
Qui m’a fait très longtemps dans ma chambre rêver
De rubans et de fleurs, de sources et de hautbois.
Roger FAIVRE
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Par Pestoune le 19 Mars 2021 à 20:55
Premier printemps de Louis DUPLAIN (poète ouvrier horloger comtois)
Mars enfin revenu, c’est le premier beau jour :
Flore au fond des taillis prépare ses corbeilles,
Et, le long du ruisseau qui tout fraîchement court,
Le bourgeon d’or du saule attire les abeilles.
Le soleil au vallon sourit avec amour :
Les mares sous l’osier étincelle, vermeilles,
Et le fermier joyeux monte d’un pas moins lourd
Vers le haut du jardin où s’étagent ses treilles.
Les ébéniers dorés et les blancs aubépins
Semblent l’air triste et grave des sapins
Dont mai va peindre en vert tendre le bout des branches ;
Tous les oiseaux sont fous, merle, geai, sansonnet,
Et je ne dirai pas dans mon chaste sonnet,
Ce qui se passe au bois sous l’œil des pervenches !
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Par Pestoune le 13 Mars 2021 à 20:46
Il y a les rafales du temps que le vent épouvante. Les feuilles mortes tiennent un concert de castagnettes. Les arbres dansent en squelette. Tu glisses les ciels dans leur carton, tu alignes les routes dans l'étuis, et dans une boîte tu jettes les bruits.
Sur le seuil déjà, la valise avale le présent, la chaise est là, la table ronde, la lampe lape les dernières ombres, l'absence allonge ses membres dans le fauteuil, le miroir vide la pièce, la fenêtre regarde à l'intérieur. - Quoi bouge ? Tu éteins la lumière dans l'escalier -t u laisses de côté tout ce que tu ne connais pas - tu tires la porte derrière toi - tu quittes tout ce que tu n'as pas vécu, comme une conversation arrêtée au milieu. Que des gestes de crépuscule ! Des visages demeurent froissés dans la corbeille de l'oubli en attendant qu'un sourire les déplie. Tu regardes obstinément devant toi. Aucune vie ne t'appelle plus qu'une autre, sinon la vie.
Pars.
Où circulent-elles, les paroles que tu n'as pas atteintes, qui ne t'ont pas touché ? - Est-ce toi, lecteur, qui les prononces ? comme le poème du poème, dont nous regrettons peut-être, chacun d'un côté des mots, qu'il ne soit pas écrit. -
Tu voudrais savoir qui attend déjà à l'autre bout de la voix. Il y a là un bonheur embusqué. Dans tes bagages, la louange le dispute à la nostalgie. Nostalgie inguérissable liée à nul lieu, mais que perpétue chaque départ. Louange toujours renaissante, parce que la vie fait feu.
L'écriture ravale la réalité, les mots en sont la crête émerveillée.
Au-revoir.
A quel titre rester ?
Au-revoir.
Rien ne t'appartient.
Au-revoir.
Il est temps : la pluie vient.
Yves-Jacques BOUIN
extrait de "Le poème qui n'en finit pas de commencer toujours"
Ed de la Renarde Rouge
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