• Akhenaton (IAM): "La peur ambiante a mis le cerveau sur pause" (entretien)

     

    (...) 

    C'est l'économie qu'on vante et qu'on canonise

    Les forêts se couchent et les animaux agonisent

    Devant la télé, chacun veut sauver la Terre

    Et ça pleure quand on prend dix euros sur le salaire

     

    Alors le poison est dans l'air, il en tue cinquante mille

    Mais c'est plus simple de fixer la peur sur le Covid

    Ce qui nous arrive, ce n'est pas étonnant, c'est logique

    C'est la course-poursuite, où l'économie tue l'écologie. 

    (...) 

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  •  

    La joie et le reste - Livre de Baptiste Beaulieu

     

    Cendrillon, Belle, Blanche, 

    Elles t'ont bien préparées. 

    Pour lui tu te feras docile, 

    tu courberas l'échine, 

    tu deviendras une bonne bonne

    qui donne tout, 

    ton cœur, ta vie, ta douceur,

    et te persuades jour après jour 

    que la merde où tu nages

    a l'odeur du bonheur. 

     

    Cendrillon, Belle, Blanche,

    tu es bien préparée

    tu es pieuse en amour

    et veux sembler heureuse

    des heures et des heures

    même les plus creuses

    bien cacher tes pleurs

    aux ours, aux fées, aux hirondelles, 

    à nos enfants

    et à leurs professeurs

    et surtout aux amies. 

    Devenir un grand corps vide

    et n'avoir pour regard 

    qu'une absence translucide. 

    Un jour tu échoueras

    sur le divan d'un psy

    aux grands yeux de hibou. 

    Tu lui demanderas

    où ta vie est passée

    et il te fera comprendre

    à sa manière très tendre

    à sa manière bien chère

    qu'hélas, il est trop tard. 

     

    Blanche, Belle, Cendrillon,

    elles t'ont ben préparée. 

    D'abord lui plaire, 

    lui donner coup sur coup

    trois enfants, du plaisir

    et des tartes au citron. 

    Être une bonne bonne

    sans joie, sans souliers, sans salaire, 

    puis perdre tes dents, 

    être un ver tortillé hameçonné

    qui sourit, se ment. 

     

    Puis ce jour viendra, 

    quand il faudra mourir

    sans avoir eu de bal, 

    sans avoir eu de prince, 

    tu tiendras dans la main

    sa paire de chaussettes sales. 

     

    La joie et le reste (extrait) Baptiste Beaulieu

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  • La joie et le reste (Extrait)  Baptiste Beaulieu

     

    Mais qu'il est laid notre monde ! 

    Laid !

          Laid !

                Laid ! 

     

    Mais laid de chez laid, quoi ! 

    Et en plus de ce qu'on voit, 

                  Il y a ce qu'on entend ! 

    Mon Dieu mais qu'ils sont laids

    nos bavardages

    mais qu'ils sont laids 

    nos commérages ! 

    Laids !

            Laids ! 

                    Laids ! 

    Et en plus de ce qu'on voit, de ce qu'on entends, 

           il y a ce qu'on goûte ! 

    Mon Dieu que c'est mauvais

    le goût de la honte

    et celui de la tarte aux regrets. 

    Mauvais !        Mauvais !        Mauvais ! 

    Et en plus de ce qu'on voit, de ce qu'on entend et de ce qu'on goûte

    il y a ce qu'on touche ! 

    Mon Dieu que c'est douloureux

    ce coin de porte contre mon doigt de pied ! 

    Douloureux !       Douloureux !       Douloureux !

    Aïe ! 

    Mais chienne de vie, quoi ! 

     

    La joie et le reste (Extrait)  Baptiste Beaulieu

     

    Mais qu'il est beau notre monde ! 

    Beau ! 

           Beau ! 

                 Beau !

    Mais beau de chez beau quoi ! 

    Et en plus de ce qu'on voit, 

                 il y a ce qu'on entend ! 

    Mon Dieu qu'elle est belle 

    la musique ! 

    Belle ! 

           Belle ! 

                  Belle ! 

    Et en plus de ce qu'on voit, de ce qu'on entend, 

               il y a ce qu'on goûte ! 

    Mon Dieu que c'est bon

    la tarte au citron ! 

    Bon !       Bon !       Bon ! 

    Et en plus de ce qu'on voit, de ce qu'on entend et de ce qu'on goûte, 

    il y a ce qu'on touche ! 

    Mon Dieu que c'est doux

    ce petit creux dans ton petit cou ! 

    Doux !       Doux !        Doux ! 

    Oh ! 

     

    Mais vive la vie, quoi ! 

     

    La joie et le reste (Extrait)  Baptiste Beaulieu

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  • Je contemple souvent le ciel de ma mémoire - Marcel Proust

     

     

    Le temps efface tout comme effacent les vagues
    Les travaux des enfants sur le sable aplani
    Nous oublierons ces mots si précis et si vagues
    Derrière qui chacun nous sentions l’infini.

    Le temps efface tout il n’éteint pas les yeux
    Qu’ils soient d’opale ou d’étoile ou d’eau claire
    Beaux comme dans le ciel ou chez un lapidaire
    Ils brûleront pour nous d’un feu triste ou joyeux.

    Les uns joyaux volés de leur écrin vivant
    Jetteront dans mon cœur leurs durs reflets de pierre
    Comme au jour où sertis, scellés dans la paupière
    Ils luisaient d’un éclat précieux et décevant.

    D’autres doux feux ravis encor par Prométhée
    Étincelle d’amour qui brillait dans leurs yeux
    Pour notre cher tourment nous l’avons emportée
    Clartés trop pures ou bijoux trop précieux.

    Constellez à jamais le ciel de ma mémoire
    Inextinguibles yeux de celles que j’aimai
    Rêvez comme des morts, luisez comme des gloires
    Mon cœur sera brillant comme une nuit de Mai.

    L’oubli comme une brume efface les visages
    Les gestes adorés au divin autrefois,
    Par qui nous fûmes fous, par qui nous fûmes sages
    Charmes d’égarement et symboles de foi.

    Le temps efface tout l’intimité des soirs
    Mes deux mains dans son cou vierge comme la neige
    Ses regards caressants mes nerfs comme un arpège
    Le printemps secouant sur nous ses encensoirs.

    D’autres, les yeux pourtant d’une joyeuse femme,
    Ainsi que des chagrins étaient vastes et noirs
    Épouvante des nuits et mystère des soirs
    Entre ces cils charmants tenait toute son âme

    Et son cœur était vain comme un regard joyeux.
    D’autres comme la mer si changeante et si douce
    Nous égaraient vers l’âme enfouie en ses yeux
    Comme en ces soirs marins où l’inconnu nous pousse.

    Mer des yeux sur tes eaux claires nous naviguâmes
    Le désir gonflait nos voiles si rapiécées
    Nous partions oublieux des tempêtes passées
    Sur les regards à la découverte des âmes.

    Tant de regards divers, les âmes si pareilles
    Vieux prisonniers des yeux nous sommes bien déçus
    Nous aurions dû rester à dormir sous la treille
    Mais vous seriez parti même eussiez-vous tout su

    Pour avoir dans le cœur ces yeux pleins de promesses
    Comme une mer le soir rêveuse de soleil
    Vous avez accompli d’inutiles prouesses
    Pour atteindre au pays de rêve qui, vermeil,

    Se lamentait d’extase au-delà des eaux vraies
    Sous l’arche sainte d’un nuage cru prophète
    Mais il est doux d’avoir pour un rêve ces plaies
    Et votre souvenir brille comme une fête.

     

    Marcel Proust 

     

    Et pour ceux qui aiment mieux écouter que lire, cette version mise en musique et chantée 

     

    https://www.youtube.com/watch?v=YDYlbX_Yjoo

     

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  • Ils cassent le monde  - Boris Vian

     

     

    Ils cassent le monde 

    En petits morceaux 

    Ils cassent le monde 

    A coups de marteau 

    Mais ça m'est égal 

    Ca m'est bien égal 

    Il en reste assez pour moi 

    Il en reste assez 

    Il suffit que j'aime 

    Une plume bleue 

     

    Un chemin de sable 

     

    Un oiseau peureux 

     

    Il suffit que j'aime 

     

    Un brin d'herbe mince 

     

    Une goutte de rosée 

     

    Un grillon de bois 

     

    Ils peuvent casser le monde 

     

    En petits morceaux 

     

    Il en reste assez pour moi 

     

    Il en reste assez

    J'aurais toujours un peu d'air 

    Un petit filet de vie 

    Dans l'oeil un peu de lumière 

    Et le vent dans les orties 

    Et même, et même 

    S'ils me mettent en prison 

    Il en reste assez pour moi 

    Il en reste assez 

    Il suffit que j'aime 

    Cette pierre corrodée 

    Ces crochets de fer 

    Où s'attarde un peu de sang 

    Je l'aime, je l'aime 

    La planche usée de mon lit 

    La paillasse et le châlit 

    La poussière de soleil 

    J'aime le judas qui s'ouvre 

    Les hommes qui sont entrés 

    Qui s'avancent, qui m'emmènent

    Retrouver la vie du monde 

    Et retrouver la couleur


    J'aime ces deux longs montants 

    Ce couteau triangulaire 

    Ces messieurs vêtus de noir 

    C'est ma fête et je suis fier 

    Je l'aime, je l'aime 

    Ce panier rempli de son 

    Où je vais poser ma tête 

    Oh, je l'aime pour de bon 

    Il suffit que j'aime 

    Un petit brin d'herbe bleue 

    Une goutte de rosée 

    Un amour d'oiseau peureux 

    Ils cassent le monde 

    Avec leurs marteaux pesants 

    Il en reste assez pour moi 

    Il en reste assez, mon cœur

     

     Boris Vian a écrit ce poème fort alors qu'il savait que sa fin était proche, inéluctable.  Il y traite de l'angoisse de la destruction, de la brutalité, de la mort mais aussi de l'amour qu'il porte à la vie. Les descriptions du pire vont crescendo jusqu'à la dernière strophe où il finit par une note d'espoir peut être ? d'ouverture ? de fatalisme ? 

     

    Voici une version de ce poème, déclamé 

    https://www.youtube.com/watch?v=89BWowo5fq0

     

     

    Et cette autre version mise en musique et interprétée par Jean-Louis Aubert. A chacun sa sensibilité. J'ai une préférence pour la version déclamée 

     

    https://www.youtube.com/watch?v=PSDa1zYV8oo

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