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Par Pestoune le 15 Mai 2024 à 20:33
peut-être
qu'on tombe amoureux d'une silhouette
de l'empreinte que l'autre laisse dans l'air après son passage
de la manière dont sa présence déforme le monde
peut-être qu'on tombe amoureuse
de la délicatesse avec laquelle l'autre saisit ce qui l'entour
les objets les êtres les idées
nous
je ne peux pas croire que ce sont juste nos sens
qui tombent amoureux
je refuse de penser que nous ne sommes que de la chimie
que ce sont nos phéromones qui se reconnaissent
ou nos ADN qui se complètent
moi c'est d'une langue
que je suis tombée amoureuse
de toi
ce sont les intonations que tu utilises
pour regarder le monde
tes phrases comme des bras
avec lesquelles tu enlaces
les objets les êtres les idées
nous
c'est la folle liberté de ton vocabulaire
que j'ai tout de suite désiré aimer
on nous raconte qu'on tombe
mais ce sont des conneries
pourquoi dans certaines langues on tomberait
tandis que dans les autres on s'enamoure
on s'en drape on se roule dedans on s'en fait un costume de fête
de l'amour
non ce n'est pas en amour qu'on tombe... sinon
on ne tomberait pas
on grandirait on s'élèverait on se renforcerait
l'amour n'est pas un trou
c'est un manteau d'hiver
une paire d'échasses
un périscope - du moins
ça devrait l'être
si on chute quelque part
c'est dans un pays étranger
un état où la langue de l'autre ressemble tant à la nôtre
qu'on croit ne plus être seul
enfin
à occuper ce territoire (....)
Coline Pierre
extrait de "Une grammaire amoureuse"
aux éditions l'Iconopop
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Par Pestoune le 12 Mai 2024 à 20:55
Qui n’aime pas
Qui n’aime pas l’eau pure a le cœur peu sincère.
Qui n’aime pas le pain mal juge de la terre.
Qui se calfeutre et n’aime pas le vent
N’aura pas l’aventure et n’aura pas l’espace,
Ni les pleurs du départ, ni son destin devant,
Celui-là passe et ne sait pas qu’il passe.
Qui n’aime pas le feu hait la vie ou la craint.
Flamme mouillée et brûlure de joie.
Qui forge les grands troncs et cisèle les brins,
Les poissons de métal, les oiseaux plume à plume,
Les fauves, les serpents pour qu’ils mangent et soient,
Et les fusées d’insectes qui s’allument.
Qui n’aime pas la nuit n’aime pas la pensée,
Abîme à des triangles d’astres suspendus,
Où les parfums de l’herbe et les vies trépassées
Tressaillent, et le monde aux dedans défendus.
Qui n’aime pas la mer jamais n’aima le rêve.
Stupeur des ports qui balancent leurs mats,
Déchéance éternelle et gloire de la grève,
Perle conçue aux sources des climats.
Qui n’aime la pudeur jamais n’aima.Lanza del Vasto
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Par Pestoune le 14 Avril 2024 à 20:55
Un escargot
Se croyant beau, se croyant gros,
Se moquait d'une coccinelle.
Elle était mince, elle était frêle
Vraiment, avait-on jamais vu
Un insecte aussi menu !
Vint à passer une hirondelle
Qui s'esbaudit du limaçon.
- Quel brimborion! s'écria-t-elle,
C'est le plus maigre du canton
Vint à passer un caneton.
- Cette hirondelle est minuscule,
Voyez sa taille ridicule
Dit-il d'un ton méprisant.
Or, un faisan aperçut le canard et secoua la tête :
- Quelle est cette minime bête ?
Au corps si drôlement bâti ?
On n'a jamais vu plus petit
Un aigle qui planait, leur jeta ces paroles
- Êtes-vous fous ? Êtes-vous folles ?
Qui se moque du précédent
Sera moqué par le suivant.
Celui qui d'un autre se moque
À propos de son bec, à propos de sa coque,
De sa taille ou de son caquet,
Risque à son tour d'être moqué.
Pierre Gamarra
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Par Pestoune le 16 Mars 2024 à 20:55
Le vent de Mars est insouciant :
Il joue aux billes avec les gouttes
Parfois même il les sèche toutes
Sans savoir que c’est du diamant.
Le vent de Mars est insouciant :
Quand il bouscule les jonquilles
Comme s’il s’agissait de quilles
Il gâche l’or qui est dedans.Jean Orizet
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Par Pestoune le 20 Février 2024 à 20:55
Le soleil maintenant allonge son parcours ;
L’aube plus tôt sourit aux bois impénétrables ;
Mais l’air est toujours vif, l’autan rugit toujours
Parmi les rameaux nus et glacés des érables.L’avalanche sans fin croule du ciel blafard ;
Nos toits tremblent au choc incessant des tempêtes.
Cependant à travers bise, neige, brouillard,
Nous formons de nos jours une chaîne de fêtes.Et tous les rudes sports d’hiver battent leur plein
Au milieu de clameurs follement triomphales ;
Sur des flots dont le gel fit un cirque opalin
Les grands trotteurs fumants distancent les rafales.Sur le ring ou l’étang par le vent balayé
Le gai patineur file ou tourne à perdre haleine.
Le sourire à la lèvre et la raquette au pied,
Des couples d’amoureux cheminent dans la plaine.Par un souffle inconnu chacun est emporté.
Dans tous les yeux le feu du plaisir étincelle ;
Et dans le bourg naissant comme dans la cité
Le bruyant Carnaval agite sa crécelle.Les hôtels sont bondés de lointains visiteurs.
Maint pierrot dans la rue étale sa grimace.
La nuit, torches aux poings, les fougueux raquetteurs
S’élancent à l’assaut des grands palais de glace.À d’émouvants tournois la multitude accourt.
Tout le peuple s’ébat, tout le peuple festoie,
Car, puisque Février est le mois le plus court,
Il voudrait s’y griser de la plus longue joie.
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