• peut-être 

    qu'on tombe amoureux d'une silhouette

    de l'empreinte que l'autre laisse dans l'air après son passage

    de la manière dont sa présence déforme le monde

    peut-être qu'on tombe amoureuse

    de la délicatesse avec laquelle l'autre saisit ce qui l'entour

    les objets les êtres les idées 

    nous

    je ne peux pas croire que ce sont juste nos sens

    qui tombent amoureux

    je refuse de penser que nous ne sommes que de la chimie

    que ce sont nos phéromones qui se reconnaissent

    ou nos ADN qui se complètent

     

    moi c'est d'une langue

    que je suis tombée amoureuse

    de toi

    ce sont les intonations que tu utilises

    pour regarder le monde

    tes phrases comme des bras

    avec lesquelles tu enlaces

    les objets les êtres les idées

    nous

    c'est la folle liberté de ton vocabulaire

    que j'ai tout de suite désiré aimer

    on nous raconte qu'on tombe 

    mais ce sont des conneries

    pourquoi dans certaines langues on tomberait

    tandis que dans les autres on s'enamoure 

    on s'en drape on se roule dedans on s'en fait un costume de fête

    de l'amour

     

    non ce n'est pas en amour qu'on tombe... sinon

    on  ne tomberait pas

    on grandirait on s'élèverait on se renforcerait

    l'amour n'est pas un trou

    c'est un manteau d'hiver

    une paire d'échasses

    un périscope - du moins

    ça devrait l'être

    si on chute quelque part

    c'est dans un pays étranger

    un état où la langue de l'autre ressemble tant à la nôtre

    qu'on croit ne plus être seul

    enfin 

    à occuper ce territoire  (....) 

     

    Coline Pierre 

    extrait de "Une grammaire amoureuse"  

    aux éditions l'Iconopop

     

    Une Grammaire amoureuse - Livre de Coline Pierré


    4 commentaires
  • Qui n'aime pas  de  Lanza del Vasto

     

    Qui n’aime pas

     

    Qui n’aime pas l’eau pure a le cœur peu sincère.

    Qui n’aime pas le pain mal juge de la terre.

    Qui se calfeutre et n’aime pas le vent

    N’aura pas l’aventure et n’aura pas l’espace,

    Ni les pleurs du départ, ni son destin devant,

    Celui-là passe et ne sait pas qu’il passe.

     

    Qui n’aime pas le feu hait la vie ou la craint.

    Flamme mouillée et brûlure de joie.

    Qui forge les grands troncs et cisèle les brins,

    Les poissons de métal, les oiseaux plume à plume,

    Les fauves, les serpents pour qu’ils mangent et soient,

    Et les fusées d’insectes qui s’allument.

     

    Qui n’aime pas la nuit n’aime pas la pensée,

    Abîme à des triangles d’astres suspendus,

    Où les parfums de l’herbe et les vies trépassées

    Tressaillent, et le monde aux dedans défendus.

     

    Qui n’aime pas la mer jamais n’aima le rêve.

    Stupeur des ports qui balancent leurs mats,

    Déchéance éternelle et gloire de la grève,

    Perle conçue aux sources des climats.

     


    Qui n’aime la pudeur jamais n’aima.

     

    Lanza del Vasto

     

     

    Pin It

    4 commentaires
  •  

     

    Un escargot


    Se croyant beau, se croyant gros,
    Se moquait d'une coccinelle.
    Elle était mince, elle était frêle
    Vraiment, avait-on jamais vu
    Un insecte aussi menu !
    Vint à passer une hirondelle
    Qui s'esbaudit du limaçon.
    - Quel brimborion! s'écria-t-elle,
    C'est le plus maigre du canton
    Vint à passer un caneton.
    - Cette hirondelle est minuscule,
    Voyez sa taille ridicule
    Dit-il d'un ton méprisant.
    Or, un faisan aperçut le canard et secoua la tête :
    - Quelle est cette minime bête ?
    Au corps si drôlement bâti ?
    On n'a jamais vu plus petit
    Un aigle qui planait, leur jeta ces paroles
    - Êtes-vous fous ? Êtes-vous folles ?
    Qui se moque du précédent
    Sera moqué par le suivant.
    Celui qui d'un autre se moque
    À propos de son bec, à propos de sa coque,
    De sa taille ou de son caquet,
    Risque à son tour d'être moqué.


    Pierre Gamarra

    Pin It

    3 commentaires

  • Le vent de Mars est insouciant :
    Il joue aux billes avec les gouttes
    Parfois même il les sèche toutes
    Sans savoir que c’est du diamant.


    Le vent de Mars est insouciant :
    Quand il bouscule les jonquilles
    Comme s’il s’agissait de quilles
    Il gâche l’or qui est dedans.

    Jean Orizet 

     

    Le vent de mars de Jean Orizet

    Pin It

    4 commentaires
  • Le soleil maintenant allonge son parcours ;
    L’aube plus tôt sourit aux bois impénétrables ;
    Mais l’air est toujours vif, l’autan rugit toujours
    Parmi les rameaux nus et glacés des érables.

    L’avalanche sans fin croule du ciel blafard ;
    Nos toits tremblent au choc incessant des tempêtes.
    Cependant à travers bise, neige, brouillard,
    Nous formons de nos jours une chaîne de fêtes.

    Et tous les rudes sports d’hiver battent leur plein
    Au milieu de clameurs follement triomphales ;
    Sur des flots dont le gel fit un cirque opalin
    Les grands trotteurs fumants distancent les rafales.

    Sur le ring ou l’étang par le vent balayé
    Le gai patineur file ou tourne à perdre haleine.
    Le sourire à la lèvre et la raquette au pied,
    Des couples d’amoureux cheminent dans la plaine.

    Par un souffle inconnu chacun est emporté.
    Dans tous les yeux le feu du plaisir étincelle ;
    Et dans le bourg naissant comme dans la cité
    Le bruyant Carnaval agite sa crécelle.

    Les hôtels sont bondés de lointains visiteurs.
    Maint pierrot dans la rue étale sa grimace.
    La nuit, torches aux poings, les fougueux raquetteurs
    S’élancent à l’assaut des grands palais de glace.

    À d’émouvants tournois la multitude accourt.
    Tout le peuple s’ébat, tout le peuple festoie,
    Car, puisque Février est le mois le plus court,
    Il voudrait s’y griser de la plus longue joie.

     

    Masque de carnaval : 414 204 images, photos de stock, objets 3D et images  vectorielles | Shutterstock

     

     

     

    Pin It

    5 commentaires


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique