• Fêtes de la faim – Arthur Rimbaud

     

    Ma faim, Anne, Anne,

    Fuis sur ton âne.

     

    Si j'ai du goût, ce n'est guères

    Que pour la terre et les pierres.

    Dinn ! dinn ! dinn ! dinn ! Mangeons l'air,

    Le roc, les charbons, le fer.

     

    Mes faims, tournez. Paissez, faims,

    Le pré des sons !

    Attirez le gai venin

    Des liserons ;

     

    Mangez

    Les cailloux qu'un pauvre brise,

    Les vieilles pierres d'église,

    Les galets, fils des déluges,

    Pains couchés aux vallées grises !

     

    Mes faims, c'est les bouts d'air noir ;

    L'azur sonneur ;

    - C'est l'estomac qui me tire.

    C'est le malheur.

     

    Sur terre ont paru les feuilles !

    Je vais aux chairs de fruit blettes.

    Au sein du sillon je cueille

    La doucette et la violette.

     

    Ma faim, Anne, Anne !

    Fuis sur ton âne.

     

    Fêtes de la faim – Arthur Rimbaud

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    Soyez bon pour le poète,

    Le plus doux des animaux,

    Nous prêtant son cœur, sa tête,

    Incorporant tous nos maux,

    Il se fait notre jumeau ;

    Au désert de l’épithète,

    Il précède les prophètes

    Sur son douloureux chameau ;

    Il fréquente très honnête,

    La misère et ses tombeaux,

    Donnant pour nous, bonne bête,

    Son pauvre corps aux corbeaux ;

    Il traduit en langue nette

    Nos infinitésimaux,

    Ah ! Donnons-lui, pour sa fête,

    La casquette d’interprète.

     

                                       Jules Supervielle – Poème de l’humour triste.

     

    Le poète de Jules Supervielle

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    On dormira à poil jusqu'à ​l'âge de 1 000 ans

    Squelette contre squelette

    Dents contre dents dans le même verre

     

    Jusqu'à cent ans

    Peur contre peur

    dans la même terreur

    du noir de nuit et du réveil

    où l'un manquera le Rendez-Vous du petit déj'

     

    Coeur contre coeur dans le même battement

    ton souffle rythmant mon pacemaker

    Cul contre cul et pet à pet

    rire contre rire

    à jouir et re-jouir de se réjouir

    à baiser l'ennui dans le même ronflement

     

    On dormira ensemble malgré nos rêves différents

    Toi de moi

    moi de toi

    Toi de lui

    et moi d'elle

    ​De nous

    qui ne nous connaissons pas

    vraiment

    Mais qui nous nous sommes tant rêvés...

    dans les lits séparés de nos cellules froides.

                               Extrait de l’œil à clef

     

    Résumé esquisse d'un couple Banque d'images - 13548128

     

    « A. H. Benotman est né à Paris en 1960. Très jeune il connait l’enfermement et commence pour lui un parcours de révolte et de prison. Il écrit du théâtre et des romans noirs avant de militer en co-fondant L’envolée, un journal de lutte anti-carcéral. Aujourd’hui « sans-papiers » il continue d’écrire… et par la poésie de s’armer sur tous les terrains de combats contre l’enfermement intérieur et extérieur.»

    Cette rapide biographie se trouve sur la 4ème du recueil de poésie de A.H. Benotman : L’œil à clef. Ce recueil est une pure merveille avec des textes forts, tantôt révoltés, tantôt tendre, tantôt cru, tantôt désespérés ou pleins d’espoir. Tous les textes sans exception m’ont profondément touchée et émue. L’auteur nous a hélas quittés dans la nuit du 20 au 21 février 2015, à l’âge de 54 ans. Il nous reste une œuvre profonde, sensible et engagée que je vous invite à découvrir.

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    Il pensait Elle pensait

    Il riait Elle riait

    Elle chantait Il dansait

    Elle jouait Il sportait

    Elle avait lui Il avait elle

    Et les deux des ami-e-s

    des copains des copines

    des familles des amours

     

    J’aurais aimé la connaître

    J’aurais aimé le connaître

    Ils auraient peut être aimé me connaître

     

    On aurait bu un pot

    On aurait vu un film

    On aurait dansé

    On aurait dit nos pensées

     

    Mais ils sont là

    sur des images d’archives

    d’informations

     

    Il est par terre

    Elle est par terre

    Il bouge

    Elle bouge

     

    Tous les deux machettés

    à dix pas l’un de l’autre

    Ils ne se connaissaient pas

    Ne se connaîtrons plus

    et moi non plus

     

    Sa bouche s’ouvre

    Sa bouche se ferme

    S’ouvre de nouveau

    Se referme encore

    cherchant l’air et l’eau de la vie

     

    Il retourne au poisson

    Elle retourne à la sirène

     

    Il n’a pas l’air de souffrir

    Elle n’a pas l’air de mourir

     

    J’aurais aimé les connaître

    Ils parlaient Ils disaient

    Ils pensaient  Ils riaient

    Ils pleuraient

             Là

    ils meurent

    --Machettés—

    Dans un village du Rwanda

    sous l’objectif d’une caméra

    qui respire et qui vit en me faisant crever.

     

                               Extrait de l’œil à clef

     

    Archives de A.-H Benotman

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    Je gueule la poésie

    comme un mauvais élève

    sur une estrade de bois

     

    Bientôt cet héritage

    d’Ecriture intuitive

    me prendra à la gorge

    on me faudra reprendre

    l’Errance et la Recherche

    du Lire et le l’Ecrire

     

    Je gueule la poésie

    comme un mauvais élève

    sur l’échafaud de bois.

     

                               Extrait de l’œil à clef

     

    Cancre de A.-H Benotman

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