• https://www.youtube.com/watch?v=Y8M3L-RHE_o

     

    I

    Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres ;
    Adieu, vive clarté de nos étés trop courts !
    J'entends déjà tomber avec des chocs funèbres
    Le bois retentissant sur le pavé des cours.

    Tout l'hiver va rentrer dans mon être : colère,
    Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé,
    Et, comme le soleil dans son enfer polaire,
    Mon coeur ne sera plus qu'un bloc rouge et glacé.

    J'écoute en frémissant chaque bûche qui tombe ;
    L'échafaud qu'on bâtit n'a pas d'écho plus sourd.
    Mon esprit est pareil à la tour qui succombe
    Sous les coups du bélier infatigable et lourd.

    Il me semble, bercé par ce choc monotone,
    Qu'on cloue en grande hâte un cercueil quelque part.
    Pour qui ? - C'était hier l'été ; voici l'automne !
    Ce bruit mystérieux sonne comme un départ.

    II

    J'aime de vos longs yeux la lumière verdâtre,
    Douce beauté, mais tout aujourd'hui m'est amer,
    Et rien, ni votre amour, ni le boudoir, ni l'âtre,
    Ne me vaut le soleil rayonnant sur la mer.

    Et pourtant aimez-moi, tendre coeur ! soyez mère,
    Même pour un ingrat, même pour un méchant ;
    Amante ou soeur, soyez la douceur éphémère
    D'un glorieux automne ou d'un soleil couchant.

    Courte tâche ! La tombe attend ; elle est avide !
    Ah ! laissez-moi, mon front posé sur vos genoux,
    Goûter, en regrettant l'été blanc et torride,
    De l'arrière-saison le rayon jaune et doux !

     

    Ce magnifique poème de Baudelaire est superbement mis en valeur dans cette vidéo. La voix du récitant : Janico est juste, son timbre de voix parfait et le choix de la musique : l'adagio for Strings de Samuel Barber est idéale. Le tout renforcé par de superbes images et cela nous donne une vidéo émouvante et forte. Un très beau travail de l'auteur de la vidéo Fée lidés

    Charles Baudelaire - Chant d'Automne

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    Le ciel lentement se rapproche

    Le vent balaie les amours

    Les mots doux au fond des poches

    Il fait un peu frais

    Approchent les heures sombres

    Cloîtrées sous un toit opaque

    Il est trop tôt pour faire un feu

    Trop tard pour la sieste douce

    Les pieds dans les flaques

    Quelques marcheurs partent sans hâte

    Chercher des champignons

    Sous les arbres roux

    Je n’aime pas l’automne

    Ses couleurs trop vives

    Ce n’est pas ce qui m’enivre

    Non, je n’aime pas l’automne

    Je veux voir ton pied nu

    Et rêver sans retenue

    Mais l’automne a tout enclos

    Les corps

    Les âmes coureuses

    Mes délires d’amoureuse

    Peut-être malgré tout

    Te moquant de l’automne

    Resteras-tu encore pieds nus

    Et moi tête nue

    J’irai vagabonder dans tes quartiers

    J’irai vagabonder

    Qui sait après tout ?

                                                                   Claire-Lise Coux

     

    Un très joli poème pour fêter l’arrivée de l’automne. Que l’auteur me pardonne mais j’adore l’automne.

     

    Vous pouvez retrouver l’auteur de ce beau poème sur ses sites :

    http://poemesurlestoits.monsite-orange.fr/

    http://nodoka.monsite-orange.fr/

     

    L’automne de Claire-Lise Coux

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    Si a et b sont au carré

    si la neige s’additionne avec la pluie

    et que mon ombre m’accompagne dans la nuit

    alors je me ressemble comme deux gouttes d’homme

    la Terre est plus légère que la sphère des géomètres

     

    si le temps n’est qu’une mesure

    et l’espace sans mesure

    alors il nous reste le chose à chose

    le présent dans sa dextérité

    il nous reste les cadavres exquis

     

    je n’ai pas demandé à passer au prud’homme

    je ne recherche pas la douce quiétude des hommes

    si Trois multiplie Dieu et qu’on expose les deux

    ça ne donne qu’une formule impropre à la circulation

    ça ne fait qu’un battant pour fermer la fenêtre

     

    si les angles sont morts comme le temps le permet

    une pierre pour ton jardin une pierre pour le mien

    sachant que cinq carottes plus trois navets font huit légumes

    vingt-deux morts soixante blessés font quel type de week-end ?

    trois famines et deux guerres forment quelle figure humaine ?

     

                                                                   Jacques Rancourt

     

    Les carrés de l’hypoténuse de Jacques Rancourt

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    Le matin frais et pur scintille de rosée.

    Le faucheur s'est assis, une bouteille en main,

    Sous l'aubépine creuse au bord du vieux chemin ;

    Sa faux, humide encor, est près de lui posée

     

    Il vide un dernier verre. Et, dans ses poings velus,

    Prend l'enclume d'acier qu'il dresse et qu'il regarde ;

    Deux spirales de fer lui font comme une garde

    Pour la maintenir droite au versant du talus.

     

    De sa manche il l'essuie et la tâte du pouce,

    Puis l'enfonce dans terre entre ses deux genoux,

    Et sur le bel outil, poli, brillant et doux,

    Il ajuste la faux dont le tranchant s'émousse.

     

    Le petit coup rythmique et sec du marteau dur,

    D'un bout à l'autre de l'outil couleur d'aurore

    Tape et refait le fil de la lame sonore

    Qui passe à coups d'éclairs et rase le blé mur.

     

    Quand le marteau se tait, la bouteille pansue,

    Dont le flanc rebondi parmi l'herbe est couché,

    S'incline et fait glou glou du goulot débouché ;

    Le vieux faucheur a soif ; il boit, s'essuie et sue.

     

                                                         Francis YARD

     

     Le batteur de faux de Francis YARD

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  • Je voudrais pas crever
    Avant d'avoir connu
    Les chiens noirs du Mexique
    Qui dorment sans rêver
    Les singes à cul nu
    Dévoreurs de tropiques
    Les araignées d'argent
    Au nid truffé de bulles


    Je voudrais pas crever
    Sans savoir si la lune
    Sous son faux air de thune
    A un coté pointu
    Si le soleil est froid
    Si les quatre saisons
    Ne sont vraiment que quatre
    Sans avoir essayé
    De porter une robe
    Sur les grands boulevards
    Sans avoir regardé
    Dans un regard d'égout
    Sans avoir mis mon zobe
    Dans des coinstots bizarres


    Je voudrais pas mourir
    Sans connaître la lèpre
    Ou les sept maladies
    Qu'on attrape là-bas
    Le bon ni le mauvais
    Ne me feraient de peine
    Si si si je savais
    Que j'en aurai l'étrenne


    Et il y a z aussi
    Tout ce que je connais
    Tout ce que j'apprécie
    Que je sais qui me plaît
    Le fond vert de la mer
    Où valsent les brins d'algues
    Sur le sable ondulé
    L'herbe grillée de juin
    La terre qui craquelle
    L'odeur des conifères
    Et les baisers de celle
    Que ceci que cela
    La belle que voilà
    Mon Ourson, l'Ursula


    Je voudrais pas crever
    Avant d'avoir usé
    Sa bouche avec ma bouche
    Son corps avec mes mains
    Le reste avec mes yeux
    J'en dis pas plus faut bien
    Rester révérencieux


    Je voudrais pas mourir
    Sans qu'on ait inventé
    Les roses éternelles
    La journée de deux heures
    La mer à la montagne
    La montagne à la mer
    La fin de la douleur
    Les journaux en couleur
    Tous les enfants contents
    Et tant de trucs encore
    Qui dorment dans les crânes
    Des géniaux ingénieurs
    Des jardiniers joviaux
    Des soucieux socialistes
    Des urbains urbanistes
    Et des pensifs penseurs
    Tant de choses à voir
    A voir et à z-entendre
    Tant de temps à attendre
    A chercher dans le noir

    Et moi je vois la fin
    Qui grouille et qui s'amène
    Avec sa gueule moche
    Et qui m'ouvre ses bras
    De grenouille bancroche

    Je voudrais pas crever
    Non monsieur non madame
    Avant d'avoir tâté
    Le goût qui me tourmente
    Le goût qu'est le plus fort
    Je voudrais pas crever
    Avant d'avoir goûté
    La saveur de la mort...

     


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