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Par Pestoune le 9 Décembre 2016 à 08:40
Un petit conte que vous trouverez sur le site de mon ami Christian : Tranquille... For The Birds
Pour lire la suite, c'est ici : http://christianlado.blogspot.fr/2016/12/les-amis-du-pere-noel.html?utm_source=Sociallymap&utm_medium=Sociallymap&utm_campaign=Sociallymap
2 commentaires -
Par Pestoune le 12 Octobre 2016 à 21:43
Pour les jeunes enfants mais aussi pour les grands le dialogue entre les fleurs et les humains. C’est frais, charmant, c’est délicieux. Ce conte est tiré du recueil : Contes d’une grand-mère.
Pour celles et ceux qui aiment entendre les belles histoires, voici la version racontée :
http://www.litteratureaudio.com/livre-audio-gratuit-mp3/sand-george-ce-que-disent-les-fleurs.html
Pour celles et ceux qui préfèrent les lire :
«Quand j'étais enfant, ma chère Aurore, j'étais très tourmentée de ne pouvoir saisir ce que les fleurs se disaient entre elles. Mon professeur de botanique m'assurait qu'elles ne disaient rien ; soit qu'il fût sourd, soit qu'il ne voulût pas me dire la vérité, il jurait qu'elles ne disaient rien du tout.
Je savais bien le contraire. Je les entendais babiller confusément, surtout à la rosée du soir ; mais elles parlaient trop bas pour que je pusse distinguer leurs paroles ; et puis elles étaient méfiantes, et, quand je passais près des plates-bandes du jardin ou sur le sentier du pré, elles s'avertissaient par une espèce de psitt, qui courait de l'une à l'autre. C'était comme si l'on eût dit sur toute la ligne : « Attention, taisons-nous ! Voilà l'enfant curieux qui nous écoute ».
Je m'y obstinais. Je m'exerçai à marcher si doucement, sans frôler le plus petit brin d'herbe, qu'elles ne m'entendirent plus et que je pus m'avancer tout près, tout près ; alors, en me baissant sous l'ombre des arbres pour qu'elles ne vissent pas la mienne, je saisis enfin des paroles articulées.
Il fallait beaucoup d'attention ; c'était de si petites voix, si douces, si fines, que la moindre brise les emportait et que le bourdonnement des sphinx et des noctuelles les couvrait absolument.
Je ne sais pas quelle langue elles parlaient. Ce n'était ni le français, ni le latin qu'on m'apprenait alors ; mais il se trouva que je comprenais fort bien. Il me sembla même que je comprenais mieux ce langage que tout ce que j'avais entendu jusqu'alors.
Un soir, je réussis à me coucher sur le sable et à ne plus rien perdre de ce qui se disait auprès de moi dans un coin bien abrité du parterre. Comme tout le monde parlait dans tout le jardin, il ne fallait pas s'amuser à vouloir surprendre plus d'un secret en une fois. Je me tins donc là bien tranquille, et voici ce que j'entendis dans les coquelicots :
- Mesdames et messieurs, il est temps d'en finir avec cette platitude. Toutes les plantes sont également nobles ; notre famille ne le cède à aucune autre, et, accepte qui voudra la royauté de la rose, je déclare que j'en ai assez et que je ne reconnais à personne le droit de se dire mieux né et plus titré que moi.
A quoi les marguerites répondirent tous ensembles que l'orateur coquelicot avait raison. Une d'elles, qui était plus grande que les autres et fort belle, demanda la parole et dit :
- Je n'ai jamais compris les grands airs que prend la famille des roses. En quoi, je vous le demande, une rose est-elle plus jolie et mieux faite que moi ? La nature et l'art se sont entendus pour multiplier le nombre de nos pétales et l'éclat de nos couleurs. Nous sommes même beaucoup plus riches, car la plus belle rose n'a guère plus de deux cents pétales et nous en avons jusqu'à cinq cents. Quant aux couleurs, nous avons le violet et presque le bleu pur que la rose ne trouvera jamais.
- Moi, dit un grand pied d'alouette vivace, moi le prince Delphinium, j'ai l'azur des cieux dans ma corolle, et mes nombreux parents ont toutes les nuances du rose. La prétendue reine des fleurs a donc beaucoup à nous envier, et, quant à son parfum si vanté...
- Ne parlez pas de cela, reprit vivement le coquelicot. Les hâbleries du parfum me portent sur les nerfs. Qu'est-ce, je vous prie, que le parfum ? Une convention établie par les jardiniers et les papillons. Moi, je trouve que la rose sent mauvais et que c'est moi qui embaume.
- Nous ne sentons rien, dit la marguerite, et je crois que par là nous faisons preuve de tenue et de bon goût. Les odeurs sont des indiscrétions ou des vanteries. Une plante qui se respecte ne s'annonce point par des émanations. Sa beauté doit lui suffire.
- Je ne suis pas de votre avis, s'écria un gros pavot qui sentait très fort. Les odeurs annoncent l'esprit et la santé.
Les rires couvrirent la voix du gros pavot. Les œillets s'en tenaient les côtes et les résédas se pâmaient. Mais, au lieu de se fâcher, il se remit à critiquer la forme et la couleur de la rose qui ne pouvait répondre ; tous les rosiers venaient d'être taillés et les pousses remontantes n'avaient encore que de petits boutons bien serrés dans leurs langes verts. Une pensée fort richement vêtue critiqua amèrement les fleurs doubles, et, comme celles-ci étaient en majorité dans le parterre, on commença à se fâcher. Mais il y avait tant de jalousie contre la rose, qu'on se réconcilia pour la railler et la dénigrer. La pensée eut même du succès quand elle compara la rose à un gros chou pommé, donnant la préférence à celui-ci à cause de sa taille et de son utilité. Les sottises, que j'entendais, m'exaspérèrent et, tout à coup, parlant leur langue :
- Taisez-vous, m'écriai-je en donnant un coup de pied à ces sottes fleurs. Vous ne dites rien qui vaille. Moi qui m'imaginais entendre ici des merveilles de poésie, quelle déception vous me causez avec vos rivalités, vos vanités et votre basse envie !
Il se fit un profond silence et je sortis du parterre.
- Voyons donc, me disais-je, si les plantes rustiques ont plus de bon sens que ces péronnelles cultivées, qui en recevant de nous une beauté d'emprunt, semblent avoir pris nos préjugés et nos travers.
Je me glissai dans l'ombre de la haie touffue, me dirigeant vers la prairie ; je voulais savoir si les spirées qu'on appelle reine des prés avaient aussi de l'orgueil et de l'envie. Mais je m'arrêtai auprès d'un grand églantier dont toutes les fleurs parlaient ensemble.
- Tâchons de savoir, pensai-je, si la rose sauvage dénigre la rose à cent feuilles et méprise la rose pompon.
Il faut vous dire que, dans mon enfance, on n'avait pas créé toutes ces variétés de roses que les jardiniers savants ont réussi à produire depuis, par la greffe et les semis. La nature n'en était pas plus pauvre pour cela. Nos buissons étaient remplis de variétés nombreuses de roses à l'état rustique : la canina, ainsi nommée parce qu'on la croyait un remède contre la morsure des chiens enragés ; la rose cannelle, la musquée, la rubiginosa ou rouillée, qui est une des plus jolies ; la rose pimprenelle, la tomentosa ou cotonneuse, la rose alpine, etc., etc. Puis, dans les jardins nous avions des espèces charmantes à peu près perdues aujourd'hui, une panachée rouge et blanc qui n'était pas très fournie en pétales, mais qui montrait sa couronne d'étamines d'un beau jaune vif et qui avait le parfum de la bergamote. Elle était rustique au possible, ne craignant ni les étés secs ni les hivers rudes ; la rose pompon, grand et petit modèle, qui est devenue excessivement rare ; la petite rose de mai, la plus précoce et peut-être la plus parfumée de toutes, qu'on demanderait en vain aujourd'hui dans le commerce, la rose de Damas ou de Provins que nous savions utiliser et qu'on est obligé, à présent, de demander au midi de la France ; enfin, la rose à cent feuilles ou, pour mieux dire, à cent pétales, dont la patrie est inconnue et que l'on attribue généralement à la culture.
C'est cette rose centifolia qui était alors, pour moi comme pour tout le monde, l'idéal de la rose, et je n'étais pas persuadée, comme l'était mon précepteur, qu'elle fût un monstre dû à la science des jardiniers. Je lisais dans mes poètes que la rose était de toute antiquité le type de la beauté et du parfum. A coup sûr, ils ne connaissaient pas nos roses-thé qui ne sentent plus la rose, et toutes ces variétés charmantes qui, de nos jours, ont diversifié à l'infini, mais en l'altérant essentiellement, le vrai type de la rose. On m'enseignait alors la botanique. Je n'y mordais qu'à ma façon. J'avais l'odorat fin et je voulais que le parfum fût un des caractères essentiels de la plante ; mon professeur, qui prenait du tabac, ne m'accordait pas ce critérium de classification. Il ne sentait plus que le tabac, et, quand il flairait une autre plante, il lui communiquait des propriétés sternutatoires tout à fait avilissantes. J'écoutai donc de toutes mes oreilles ce que disaient les églantiers au-dessus de ma tête, car, dès les premiers mots que je pus saisir, je vis qu'ils parlaient des origines de la rose.
- Reste ici, doux zéphyr, disaient-ils, nous sommes fleuris. Les belles roses du parterre dorment encore dans leurs boutons verts. Vois, nous sommes fraîches et riantes, et, si tu nous berces un peu, nous allons répandre des parfums aussi suaves que ceux de notre illustre reine.
J'entendis alors le zéphyr qui disait :
- Taisez-vous, vous n'êtes que des enfants du Nord. Je veux bien causer un instant avec vous, mais n'ayez pas l'orgueil de vous égaler à la reine des fleurs.
- Cher zéphyr, nous la respectons et nous l'adorons, répondirent les fleurs de l'églantier ; nous savons comme les autres fleurs du jardin en sont jalouses. Elles prétendent qu'elle n'est rien de plus que nous, qu'elle est fille de l'églantier et ne doit sa beauté qu'à la greffe et à la culture. Nous sommes des ignorantes et ne savons pas répondre. Dis-nous, toi qui es plus ancien que nous sur la terre, si tu connais la véritable origine de la rose.
- Je vous la dirai, car c'est ma propre histoire ; écoutez-la, et ne l'oubliez jamais.
Et le zéphyr raconta ceci :
« - Au temps où les êtres et les choses de l'univers parlaient encore la langue des dieux, j'étais le fils aîné du roi des orages. Mes ailes noires touchaient les deux extrémités des plus vastes horizons, ma chevelure immense s'emmêlait aux nuages. Mon aspect était épouvantable et sublime, j'avais le pouvoir de rassembler les nuées du couchant et de les étendre comme un voile impénétrable entre la terre et le soleil.
Longtemps je régnai avec mon père et mes frères sur la planète inféconde. Notre mission était de détruire et de bouleverser. Mes frères et moi, déchaînés sur tous les points de ce misérable petit monde, nous semblions ne devoir jamais permettre à la vie de paraître sur cette scorie informe que nous appelons aujourd'hui la terre des vivants. J'étais le plus robuste et le plus furieux de tous. Quand le roi mon père était las, il s'étendait sur le sommet des nuées et se reposait sur moi du soin de continuer l'œuvre de l'implacable destruction. Mais, au sein de cette terre, inerte encore, s'agitait un esprit, une divinité puissante, l'esprit de la vie, qui voulait être, et qui, brisant les montagnes, comblant les mers, entassant les poussières, se mit un jour à surgir de toutes parts. Nos efforts redoublèrent et ne servirent qu'à hâter l'éclosion d'une foule d'êtres qui nous échappaient par leur petitesse ou nous résistaient par leur faiblesse même ; d'humbles plantes flexibles, de minces coquillages flottants prenaient place sur la croûte encore tiède de l'écorce terrestre, dans les limons, dans les eaux, dans les détritus de tout genre. Nous roulions en vain les flots furieux sur ces créations ébauchées. La vie naissait et apparaissait sans cesse sous des formes nouvelles, comme si le génie patient et inventif de la création eût résolu d'adapter les organes et les besoins de tous les êtres au milieu tourmenté que nous leur faisions.
Nous commencions à nous lasser de cette résistance passive en apparence, irréductible en réalité. Nous détruisons des races entières d'êtres vivants, d'autres apparaissaient organisés pour nous subir sans mourir. Nous étions épuisés de rage. Nous nous retirâmes sur le sommet des nuées pour délibérer et demander à notre père des forces nouvelles.
Pendant qu'il nous donnait de nouveaux ordres, la terre un instant délivrée de nos fureurs se couvrit de plantes innombrables où des myriades d'animaux, ingénieusement conformés dans leurs différents types, cherchèrent leur abri et leur nourriture dans d'immenses forêts ou sur les flancs de puissantes montagnes, ainsi que dans les eaux épurées de lacs immenses.
- Allez, nous dit mon père, le roi des orages, voici la terre qui s'est parée comme une fiancée pour épouser le soleil. Mettez-vous entre eux. Entassez les nuées énormes, mugissez, et que votre souffle renverse les forêts, aplanisse les monts et déchaîne les mers. Allez, et ne revenez pas, tant qu'il y aura encore un être vivant, une plante debout sur cette arène maudite où la vie prétend s'établir en dépit de nous.
Nous nous dispersâmes comme une semence de mort sur les deux hémisphères, et moi, fendant comme un aigle le rideau des nuages, je m'abattis sur les antiques contrées de l'extrême Orient, là où de profondes dépressions du haut plateau asiatique s'abaissant vers la mer sous un ciel de feu, font éclore, au sein d'une humidité énergique, les plantes gigantesques et les animaux redoutables. J'étais reposé des fatigues subies, je me sentais doué d'une force incommensurable, j'étais fier d'apporter le désordre et la mort à tous ces faibles qui semblaient me braver. D'un coup d'aile, je rasais toute une contrée ; d'un souffle, j'abattais toute une forêt, et je sentais en moi une joie aveugle, enivrée, la joie d'être plus fort que toutes les forces de la nature.
Tout à coup un parfum passa en moi comme par une aspiration inconnue à mes organes, et, surpris d'une sensation si nouvelle, je m'arrêtai pour m'en rendre compte. Je vis alors pour la première fois un être qui était apparu sur la terre en mon absence, un être frais, délicat, imperceptible, la rose !
Je fondis sur elle pour l'écraser. Elle plia, se coucha sur l'herbe et me dit :
- Prends pitié ! Je suis si belle et si douce ! Respire-moi, tu m'épargneras.
Je la respirai et une ivresse soudaine abattit ma fureur. Je me couchai sur l'herbe et je m'endormis auprès d'elle.
Quand je m'éveillai, la rose s'était relevée et se balançait mollement, bercée par mon haleine apaisée.
- Sois mon ami, me dit-elle. Ne me quitte plus. Quand tes ailes terribles sont pliées, je t'aime et te trouve beau. Sans doute tu es le roi de la forêt. Ton souffle adouci est un chant délicieux. Reste avec moi, ou prends-moi avec toi, afin que j'aille voir de plus près le soleil et les nuages.
Je mis la rose dans mon sein et je m'envolai avec elle. Mais bientôt il me sembla qu'elle se flétrissait ; alanguie, elle ne pouvait plus me parler ; son parfum, cependant, continuait à me charmer, et moi, craignant de l'anéantir, je volais doucement, je caressais la cime des arbres, j'évitais le moindre choc. Je remontai ainsi avec précaution jusqu'au palais de nuées sombres où m'attendait mon père.
- Que veux-tu ? me dit-il, et pourquoi as-tu laissé debout cette forêt que je vois encore sur les rivages de l'Inde ? Retourne l'exterminer au plus vite.
- Oui, répondis-je en lui montrant la rose, mais laisse-moi te confier ce trésor que je veux sauver.
- Sauver ! s'écria-t-il en rugissant de colère ; tu veux sauver quelque chose ?
Et, d'un souffle, il arracha de ma main la rose, qui disparut dans l'espace en semant ses pétales flétries.
Je m'élançai pour ressaisir au moins un vestige ; mais le roi, irrité et implacable, me saisit à mon tour, me coucha, la poitrine sur mon genou, et, avec violence, m'arracha mes ailes, dont les plumes allèrent dans l'espace rejoindre les feuilles dispersées de la rose.
- Misérable enfant, me dit-il, tu as connu la pitié, tu n'es plus mon fils. Va-t'en rejoindre sur la terre le funeste esprit de la vie qui me brave, nous verrons s'il fera de toi quelque chose, à présent que, grâce à moi, tu n'es plus rien.
Et, me lançant dans les abîmes du vide, il m'oublia à jamais.
Je roulai jusqu'à la clairière et me trouvai anéanti à côté de la rose, plus riante et plus embaumée que jamais.
- Quel est ce prodige ? Je te croyais morte et je te pleurais. As-tu le don de renaître après la mort ?
- Oui, répondit-elle, comme toutes les créatures que l'esprit de vie féconde. Vois ces boutons qui m'environnent. Ce soir, j'aurai perdu mon éclat et je travaillerai à mon renouvellement, tandis que mes sœurs te charmeront de leur beauté et te verseront les parfums de leur journée de fête. Reste avec nous ; n'es-tu pas notre compagnon et notre ami ?
J'étais si humilié de ma déchéance, que j'arrosais de mes larmes cette terre à laquelle je me sentais à jamais rivé. L'esprit de la vie sentit mes pleurs et s'en émut. Il m'apparut sous la forme d'un ange radieux et me dit :
- Tu as connu la pitié, tu as eu pitié de la rose, je veux avoir pitié de toi. Ton père est puissant, mais je le suis plus que lui, car il peut détruire et, moi, je peux créer.
En parlant ainsi, l'être brillant me toucha et mon corps devint celui d'un bel enfant avec un visage semblable au coloris de la rose. Des ailes de papillon sortirent de mes épaules et je me mis à voltiger avec délices.
- Reste avec les fleurs, sous le frais abri des forêts, me dit la fée. A présent, ces dômes de verdure te cacheront et te protégeront. Plus tard, quand j'aurai vaincu la rage des éléments, tu pourras parcourir la terre, où tu seras béni par les hommes et chanté par les poètes.
Quant à toi, rose charmante qui, la première as su désarmer la fureur par la beauté, sois le signe de la future réconciliation des forces aujourd'hui ennemies de la nature. Tu seras aussi l'enseignement des races futures, car ces races civilisées voudront faire servir toutes choses à leurs besoins. Mes dons les plus précieux, la grâce, la douceur et la beauté risqueront de leur sembler d'une moindre valeur que la richesse et la force. Apprends-leur, aimable rose, que la plus grande et la plus légitime puissance est celle qui charme et réconcilie. Je te donne ici un titre que les siècles futurs n'oseront pas t'ôter. Je te proclame reine des fleurs ; les royautés que j'institue sont divines et n'ont qu'un moyen d'action, le charme.
Depuis ce jour, j'ai vécu en paix avec le ciel, chéri des hommes, des animaux et des plantes ; ma libre et divine origine me laisse le choix de résider où il me plaît mais je suis trop l'ami de la terre et le serviteur de la vie à laquelle mon souffle bienfaisant contribue, pour quitter cette terre chérie où mon premier et éternel amour me retient. Oui mes chères petites, je suis le fidèle amant de la rose et par conséquent votre frère et votre ami».
- En ce cas, s'écrièrent toutes les petites roses de l'églantier, donne-nous le bal et réjouissons-nous en chantant les louanges de madame la reine, la rose à cent feuilles de l'Orient.
Le zéphyr agita ses jolies ailes et ce fut au-dessus de ma tête une danse effrénée, accompagnée de frôlements de branches et de claquement de feuilles en guise de timbales et de castagnettes : il arriva bien à quelques petites folles de déchirer leur robe de bal et de semer leurs pétales dans mes cheveux ; mais elles n'y firent pas attention et dansèrent de plus belle en chantant :
- Vive la belle rose dont la douceur a vaincu le fils des orages ! vive le bon zéphyr qui est resté l'ami des fleurs !
Quand je racontai à mon précepteur ce que j'avais entendu, il déclara que j'étais malade et qu'il fallait m'administrer un purgatif. Mais ma grand'mère m'en préserva en lui disant :
- Je vous plains si vous n'avez jamais entendu ce que disent les roses. Quant à moi, je regrette le temps où je l'entendais. C'est une faculté de l'enfance. Prenez garde de confondre les facultés avec les maladies !»
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Par Pestoune le 19 Août 2016 à 21:49
Les ours peuvent-ils parler ? Question incongrue s’il en est dont la réponse fuse sur toutes les lèvres : bien sûr que non ! Mais les légendes sont là pour contredire le rationalisme des uns et l’allergie à la poésie des autres. Des légendes où l’Histoire et le fantastique se marient pour le meilleur et le pire. Roland, son olifant, Durandal et Roncevaux ont traversé les siècles pour nous en convaincre.
L’histoire de sainte Richarde ou Richarde de Souabe nous permet de préciser que certains ours savent parler, grâce assurément à l’intervention divine.
La légende de sainte Richarde n’est pas sans évoquer celle de sainte Odile, un siècle plus tôt (662-720). Des similitudes caractérisent en effet leurs vies de saintes.
Toutes les deux appartenaient à la noblesse. Odile aujourd’hui appelée Odile d’Alsace, avait pour père le duc d’Alsace, un seigneur franc, imbu de sa personne et haineux. Aldaric avait épousé Berwine. Cependant, leur couple demeura longtemps stérile, malgré de nombreuses prières et actes de dévotion.
Mais, un beau jour, leur vœu fut exaucé. Hélas, trois fois hélas, le bébé était une fille et aveugle de surcroît. Rendu fou furieux par cette ignominie, Aldaric voulut la tuer en la passant au fil de son épée, par exemple. Elle eut la vie sauve grâce à Berwinde qui la confia secrètement à un couvent.
Richarde, tout aussi dévote et respirant la bonté, était, quant à elle, en butte à l’aveuglement et là la méchanceté de son époux, Charles le Gros, dont la vie d’empereur d’Occident se termina sans gloire et avec beaucoup de reproches dans un monastère de Reichenau sur l’île du lac de Constance.
Richarde, comme Odile, fondèrent des abbayes. La première au Hohenbourg où son père avait édifié un château fort, la seconde à Andlau, situé sur le contrefort des Vosges, dans un site où l’ours venait volontiers jusqu’aux vignes pour y marauder des raisins.
La plantigrade était commun dans les Vosges celtiques, et plus tard encore. Il n’a cependant pas cessé de se raréfier, impitoyablement pourchassé, et le dernier aurait été tué en 1709. Mais la chronique rapporte aussi que six animaux auraient été abattus dans la vallée de Munster entre 1725 et 1755 tandis que le dernier plantigrade aurait été occis sur le Baerenfels (le rocher de l’Ours) en 1760. L’ours brun des Vosges appartenait à l’espèce européenne, protégée aujourd’hui dans les Pyrénées. Il peut atteindre, debout, de 1,80 m à 2,70 m et adulte peser de 120 à 180 kg.
Celle qui deviendrait sainte Richarde a vu le jour en 841. Elle a connu une enfance heureuse dans les régions vallonnées d’Andlau. Son malheur, en l’occurrence synonyme de sainteté, commence lorsqu’elle fu mariée à Charles le Gros, un jeune roi carolingien qui devient empereur de France.
Les compétences de ce souverain se révélèrent limitées dans tous les domaines, sauf peut-être dans celui de la bêtise. Il devait son nom à un sobriquet étrange : on l’aurait appelé Charles le Phoque parce que « gros comme un phoque ».
Dans ces contrées montagneuses situées entre Vosges et Forêt-Noire, qui aurait pu observer un phoque capable d’inspirer la métaphore alors que dans la plaine les aurochs broutaient l’herbe ? On pense que ce sont les Vikings qui l’ont affublé de ce sobriquet. Contrairement à Charles le Chauve, Charles le Gros avait en effet accepté de négocier avec eux.
L’épouse de ce souverain adipeux se fit, en revanche, connaître par sa douceur, sa bonté et son dévouement. Elle ne manquait aucune occasion pour se porter au secours des miséreux. Elle rencontra et sympathisa avec des hommes d’Eglise, et notamment l’évêque de Verceil (ville du Piémont).
Charles le Gros, qui n’était pas un foudre de guerre, ni sur le champ de bataille ni au lit, en prit ombrage. Son incompétence lui inspira des crises de jalousie aiguë. Il pensa répudier cette chrétienne de beaucoup de foi, l’accusant d’adultère sans vergogne et sans preuve, rongé par le soupçon. La bonne et belle Richarde, soutenue par l’évêque, clama son innocence.
Charles le Gros ne se laissa pas fléchir. Alors on eut recours à une initiative extrême qui, à l’époque, s’était quelque peu… popularisée : l’épreuve de Dieu ou l’épreuve du feu. Il s’agissait de marcher sur des braises sans se brûler. Dieu, dans sa grande bonté, disait alors si l’accusée était vraiment innocente.
Richarde accepta donc de revêtir une chemise enduite de cire et, pieds nus, elle marcha sur les braises rougeoyantes. Elle ne souffrit d’aucune brûlure, pas la moindre petite cloque ne s’était formée sur la peau sensible de sa voûte plantaire.
On cria au miracle et Charles le Gros, dont l’impopularité monta de plusieurs degrés, se tint coi.
La légende (ou l’histoire ?) dit que Richarde, néanmoins bouleversée par cette épreuve barbare, quitta le château impérial pour se réfugier dans la forêt vosgienne d’Andlau.
A cette époque, nous l’avons dit, les ours n’étaient pas rares.
Une ourse, un jour, vit mourir son ourson pour une raison inconnue. Ce plantigrade qui, pour la légende, a quelque chose d’humain, fut terrassé par un immense chagrin. Alors la maman ours fit un vœu et promit : « Si dans ce pays il y a un saint capable de ressusciter mon fils, il sera sanctifié avec moi et avec tous ceux de ma maison. »
Dans la nuit notre ourse, toujours inconsolable, toujours malade de tristesse, entendit une voix dont elle ne sut définir la provenance. C’était une voix ni douce, ni grave ni aiguë qui lui enjoignit de se rendre jusqu’à la rivière d’Andlau, afin d’y creuser une sépulture pour son ourson.
L’Andlau quitte les contreforts des Vosges et les sapinières pour couler dans une région peuplée, où l’ourse ne serait pas forcément la bienvenue. Malgré le danger, la plantigrade prit son bébé dans la gueule et, obéissant, le déposa au bord de la rivière, où il entreprit de lui creuser une tombe.
De son côté, la bonne Richarde, humiliée et détestée par Charles le Gros, eut, elle aussi, un songe. Une voix ni douce, ni grave, sans doute la même qui avait murmuré à l’oreille de l’ourse, lui suggéra : « Là où tu verras une ourse creuser la terre, tu établiras la demeure de Dieu. »
Richarde, ainsi guidée, se rendit donc au bord de la rivière et vit en effet une ourse en larmes fouiller la terre avec la dernière des énergies. L’épouse de Charles le Gros se précipita, prit l’ourson sans vie dans ses bras, le berça en chantant une berceuse et le rendit à l’ourse.
Le souffle chaud de la sainte avait-il des vertus thérapeutiques ? On ne le saura jamais, mais le petit ours ouvrit un œil et fit entendre un gémissement de nouveau-né. Folle de joie, l’ourse alla conter le miracle à toutes celles et tous ceux parmi ses congénères qui voulaient l’entendre.
Sainte Richarde tint parole. Elle fit construire une abbaye à l’endroit même où l’ourse creusait la tombe de son petit. Sortit alors de terre un somptueux chapitre réservé aux jeunes filles de bonne extraction et dont Richarde devient la première abbesse. On dit que le couvent, en souvenir, réserva un accueil chaleureux aux montreurs d’ours.
Par ailleurs, l’histoire nous apprend que cette sainte femme fit agrandir et prospérer le couvent d’Evital-Clairefontaine situé dans la Meurthe à 13 km de Saint-Dié-des-Vosges et installa douze chanoinesses dans cette abbaye fondée au VIIe siècle.
A Andlau, l’ourse statufiée en compagnie de sainte Richarde semble proclamer que cette légende est toujours vivante et qu’il n’y a pas de fumée sans feu… Mais personne n’eut l’occasion de vérifier si les mamans ourse parlent.
Andlau, une des perles de la Route de Vins d’Alsace, était un village volontiers approchée par les ours. C’est aujourd’hui une coquette bourgade de près de 1770 habitants, entourée de très grands crus.
Bernard Fischbach – Contes, légendes et récits du massif vosgien.
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Par Pestoune le 13 Août 2016 à 22:07
Il était une fois une oursonne, qui contrairement aux autres oursonnes de son village qui, elles, jouaient à la dînette, à sauter à la corde ou à chat perché, avait passé une partie de son enfance à garder les enfants ours du voisinage. Vous savez, c'est une habitude chez les ours, chaque fois que des parents ours voulaient sortir, rendre visite à des amis, aller au cinéma ou passer un week-end en amoureux, ils confiaient leurs enfants à cette petite ourse, qui faisait donc la gardienne d'enfants.
C'est ainsi qu'elle passa l'essentiel de sa jeunesse et même de son adolescence à prendre soin d'enfants qui n'étaient pas les siens. Elle s'occupait d'eux avec beaucoup d'amour, de compétence et de gravité. Toute petite, elle avait souvent pensé:
"Quand je serai femme, quand j'aurai des enfants à moi, je ne les confierai à personne d'autre, je m'en occuperai moi-même!"
Cette petite ourse avait grandi, s'était mariée, et malgré son grand désir, n'avait jamais pu avoir d'enfants avec son mari. En fait c'est son mari qui ne pouvait concevoir. Aussi décidèrent-ils d'adopter et de recueillir dans leur belle maison des oursons abandonnés. Eux qui étaient des ours blancs, vivant près du pôle, ils accueillirent des ours bruns, qu'ils allèrent chercher dans le Sud. Ils adoptèrent ainsi trois oursons superbes à la peau tout ensoleillée, aux grands yeux brillants qui, je dois le dire, s'adaptèrent assez bien au climat plus rigoureux qui régnait près du pôle.
L’ourse tout au fond d'elle n'avait pas renoncé à son rêve, à son désir d'avoir un enfant à elle.
Elle fit beaucoup de démarches, tenta d'expérimenter les nouvelles méthodes de procréation assistée, se débattit entre rêve et désirs, persévéra et échoua.
Elle ne put avoir d'enfant.
Plus les années passèrent et plus son désir devenait vivace et même impérieux. Elle hésita beaucoup, parla avec son mari d'une idée qui eût pu paraître une folie: faire un enfant avec un autre ours. Son mari, par amour, accepta en lui disant :
"Malgré nos 3 enfants du Sud, c'est d'un enfant à toi, porté et sorti de ton ventre, que tu as besoin. Je n'ai pas le droit de te priver de cela, va dans ta démarche si c'est bien ton désir, si tu n'entres pas dans le désir d'un autre, en faisant cela. Fais-le vraiment, si tu trouves un autre ours qui a suffisamment d'amour pour lui aussi accepter cette situation à venir, de ne pas élever son propre enfant, de te le confier, pour que nous l'élevions toi et moi ensemble..."
Ils se dirent et se dirent bien d'autres choses encore, car ce projet touchait à des enjeux intimes, sensibles et délicats. Et je ne peux moi-même en dire plus car je ne sais rien des amours chez les ours du pôle, ils sont discrets même si leurs sentiments sont aussi intenses que chez les hommes.
Quelques mois plus tard, l'ourse se trouva, tout étonnée et ravie, un peu inquiète aussi, enceinte.
Pour la 1ère fois de sa vie, elle portait un bébé ours dans son ventre. Mais quelques semaines plus tard, elle fit une 1ère fausse couche. Plus tard une 2ème. Et la succession de tous ces événements l'interrogea beaucoup.
- Peut-être est-ce son corps qui lui disait à sa façon:
"Malgré ton désir de mettre au monde un enfant qui soit de toi, je ne me sens pas capable de t'accompagner plus loin."
- Peut-être aussi ce bébé ours nouvellement conçu pensait-il, dans le ventre même de sa maman, qu'il allait déchirer un couple? Ou réveiller chez le géniteur qui avait donné sa semence de vieilles blessures insupportables à la seule idée que son enfant serait élevé par un autre que lui, et cela malgré son accord de départ?
- Peut-être que l'ourse redoutait tout au fond d'elle-même cette naissance, qui allait la confronter à une position nouvelle, celle de maman et de mère d'un enfant à elle!
- Peut-être aussi que l'ourse, dont je conte l'histoire, avait surtout besoin de faire la preuve qu'elle était capable de concevoir, seulement concevoir, mais pas d'avoir à nourrir, à élever un petit ours pendant des années?
- Peut-être aussi restait-elle fidèle à sa mission de ne devoir élever et s'occuper que des enfants des autres.
Je ne sais rien de plus. Les ours ont des fidélités qui échappent à la compréhension des humains.
Je pense avec émotion à cette ourse et à son mari, qui tentèrent avec tant d'amour et de persévérance l'impossible. Je pense à elle, loyale à sa propre histoire et en même temps respectueuse de la vie, qui ne pouvait s'incarner directement en elle.
Conte illustré avec les petits banquisards du blog
4 commentaires -
Par Pestoune le 9 Août 2016 à 21:55
Le papillon veut se marier et, comme vous le pensez bien, il prétend choisir une fleur jolie entre toutes les fleurs. Elles sont en grand nombre et le choix dans une telle quantité est embarrassant. Le papillon vole tout droit vers les pâquerettes. C'est une petite fleur que les Français nomment aussi marguerite. Lorsque les amoureux arrachent ses feuilles, à chaque feuille arrachée ils demandent :
- M'aime-t-il ou m'aime-t-elle un peu, beaucoup, passionnément, pas du tout ?
La réponse de la dernière feuille est la bonne. Le papillon l'interroge :
- Chère dame Marguerite, dit-il, vous êtes la plus avisée de toutes les fleurs. Dites-moi, je vous prie, si je dois épouser celle-ci ou celle-là.
La marguerite ne daigna pas lui répondre. Elle était mécontente de ce qu'il l'avait appelée dame, alors qu'elle était encore demoiselle, ce qui n'est pas du tout la même chose. Il renouvela deux fois sa question, et, lorsqu'il vit qu'elle gardait le silence, il partit pour aller faire sa cour ailleurs. On était aux premiers jours du printemps. Les crocus et les perce-neige fleurissaient à l'entour.
- Jolies, charmantes fleurettes ! dit le papillon, mais elles ont encore un peu trop la tournure de pensionnaires. Comme les très jeunes gens, il regardait de préférence les personnes plus âgées que lui.
Il s'envola vers les anémones ; il les trouva un peu trop amères à son goût. Les violettes lui parurent trop sentimentales. La fleur de tilleul était trop petite et, de plus, elle avait une trop nombreuse parenté. La fleur de pommier rivalisait avec la rose, mais elle s'ouvrait aujourd'hui pour périr demain, et tombait au premier souffle du vent; un mariage avec un être si délicat durerait trop peu de temps. La fleur des pois lui plut entre toutes ; elle est blanche et rouge, fraîche et gracieuse ;
elle a beaucoup de distinction et, en même temps, elle est bonne ménagère et ne dédaigne pas les soins domestiques. Il allait lui adresser sa demande, lorsqu'il aperçut près d'elle une cosse à l'extrémité de laquelle pendait une fleur desséchée :
- Qu'est-ce cela ? fit-il.
- C'est ma sœur, répondit Fleur des Pois.
- Vraiment, et vous serez un jour comme cela ! s'écria le papillon qui s'enfuit.
Le chèvrefeuille penchait ses branches en dehors d'une haie ; il y avait là une quantité de filles toutes pareilles, avec de longues figures au teint jaune.
- A coup sûr, pensa le papillon, il était impossible d'aimer cela.
Le printemps passa, et l'été après le printemps. On était à l'automne, et le papillon n'avait pu se décider encore. Les fleurs étalaient maintenant leurs robes les plus éclatantes ; en vain, car elles n'avaient plus le parfum de la jeunesse. C'est surtout à ce frais parfum que sont sensibles les cœurs qui ne sont plus jeunes; et il y en avait fort peu, il faut l'avouer, dans les dahlias et dans les chrysanthèmes. Aussi le papillon se tourna-t-il en dernier recours vers la menthe. Cette plante ne fleurit pas, mais on peut dire qu'elle est fleur tout entière, tant elle est parfumée de la tête au pied ; chacune de ses feuilles vaut une fleur, pour les senteurs qu'elle répand dans l'air.
«C'est ce qu'il me faut, se dit le papillon ; je l'épouse. »
Et il fit sa déclaration.
La menthe demeura silencieuse et guindée, en l'écoutant. A la fin elle dit :
- Je vous offre mon amitié, s'il vous plaît, mais rien de plus. Je suis vieille, et vous n'êtes plus jeune. Nous pouvons fort bien vivre l'un pour l'autre ; mais quant à nous marier … sachons à notre âge éviter le ridicule.
C'est ainsi qu'il arriva que le papillon n'épousa personne. Il avait été trop long à faire son choix, et c'est une mauvaise méthode. Il devint donc ce que nous appelons un vieux garçon
L'automne touchait à sa fin ; le temps était sombre, et il pleuvait. Le vent froid soufflait sur le dos des vieux saules au point de les faire craquer. Il n'était pas bon vraiment de se trouver dehors par ce temps-là ; aussi le papillon ne vivait-il plus en plein air. Il avait par fortune rencontré un asile, une chambre bien chauffée où régnait la température de l'été. Il y eût pu vivre assez bien, mais il se dit : « Ce n'est pas tout de vivre ; encore faut-il la liberté, un rayon de soleil et une petite fleur. » Il vola vers la fenêtre et se heurta à la vitre.
On l'aperçut, on l'admira, on le captura et on le ficha dans la boîte aux curiosités. « Me voici sur une tige comme les fleurs, se dit le papillon. Certainement, ce n'est pas très agréable ; mais enfin on est casé : cela ressemble au mariage. » Il se consolait jusqu'à un certain point avec cette pensée. « C'est une pauvre consolation », murmurèrent railleusement quelques plantes qui étaient là dans des pots pour égayer la chambre. « Il n'y a rien à attendre de ces plantes bien installées dans leurs pots, se dit le papillon ; elles sont trop à leur aise pour être humaines. »
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