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    Sans titre 32

     

    Flocon

    Venant de Norvège
    Un flocon de neige
    Qui volait au vent
    S’en allait rêvant.
    Voyant une fille
    D’allure gentille
    Par le Nord giflée
    Bien emmitouflée
    D’un bonnet de laine
    Il se dit : "Ma veine !
    De la bonne aubaine
    Si je profitais pour me camoufler
    Et me réchauffer.
    J’attendrai demain
    Pour continuer tout ce long chemin."
    Il n’eut pas de peine
    A mettre le nez
    Dessous le bonnet
    Mais sa longue route
    Soudain s’arrêta :
    Une frêle goutte
    Fut le résultat.
    Ceux qui se figurent
    Pouvoir ignorer
    Tout de leur nature
    N’ont plus qu’à pleurer.

     

    de Louis Delorme

     

    http://vimeo.com/87342468

     

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  • img_monde8

     

    Madassa

     

    Madassa ne savait ni lire ni écrire.

    Madassa avait l’âge qu’ont les enfants

    quand ils savent lire et écrire

    mais Madassa ne savait ni lire ni écrire.

     

    Dans la tête de Madassa

    il n’y avait pas de place pour les mots.

    Dans la tête de Madassa

    il y avait une peur toute noire,

    avec des bruits de guerre,

    et des morts, beaucoup de morts.

     

    Dans la tête de Madassa

    il y avait une colère rouge,

    avec des « Pourquoi ? Pourquoi ? »

    comme des griffes qui faisaient mal.

     

    Dans la tête de Madassa il y avait un brouillard

    de tristesse si épais, qu’il n’arrivait plus

    à se souvenir du visage de son frère et de sa sœur

    qui avaient disparu personne ne savait où.

     

    Certains jours, dans la tête de Madassa,

    il y avait aussi la faim qui lui remontait du ventre.

    Le noir de la peur, les griffes

    de la colère, le brouillard de tristesse

    – et certains jours la faim – prenaient

    toute la place dans la tête de Madassa.

    Il n’y avait plus de place pour les mots.

     

    La maîtresse ne savait pas quoi faire

    pour aider Madassa. Quand elle avait

    du temps, elle lui lisait les histoires

    qu’il ne pouvait lire tout seul.

     

    L’histoire du Petit Poucet

    qui avait si peur dans la forêt

    – et la peur du Petit Poucet

    se promenait dans la tête de Madassa.

     

    L’histoire du Grand Crieur

    qui était toujours en colère

    – et la colère du Grand Crieur

    était une colère dans la tête

    de Madassa.

     

    L’histoire de la Petite Marchande

    d’allumettes – et la tristesse

    de la Petite Marchande pleurait

    dans la tête de Madassa.

     

    La maîtresse racontait aussi

    l’histoire de Pierrot-la-Lune

    qui voulait fleurir toute la terre

    avec des plumes d’oiseau

    – et les plumes dansaient

    dans la tête de Madassa.

    Dans la tête de Madassa,

    la peur du Petit Poucet laissait

    des mots pour dire la peur.

    La colère du Grand Trieur laissait

    des mots pour dire la colère.

    La tristesse de la Petite Marchande

    laissait des mots pour dire la tristesse.

    La danse des mots de Pierrot-la-Lune

    laissait des mots qui donnaient

    envie de danser.

     

    Un matin, les mots qui s’agitaient si fort

    dans la tête de Madassa ne voulurent pas

    y rester. Madassa prit un cahier, un stylo,

    et un peu maladroitement, comme un enfant

    qui apprend à marcher, il écrivit :

     

    Madassa peur

    Madassa colère

    Madassa tristesse

     

    Madassa dans les herbes

    Madassa dans le vent

    Madassa dans l’eau

     

    Madassa gris noir bleu

    Madassa rouge jaune noir

    Madassa gris jaune vert

     

    Madassa coq tigre

    Madassa soleil

     

    — Un poème ! — dit la maîtresse. — Tu as écrit un poème !

     

    C’était donc ça, écrire !

    Prendre des mots dans des histoires

    et en faire les mots de Madassa.

    Il fallait lire beaucoup d’histoires

    pour avoir beaucoup de mots.

     

    Madassa se mit à lire.

    Et à écrire, encore.

    Plus il lisait, plus il écrivait.

    Plus il écrivait, plus il avait envie de lire.

    Ronde sans fin.

     

    Madassa, qui ne savait ni lire ni écrire,

    Remplissait maintenant des cahiers

    Et des cahiers.

    Un jour peut-être, à son tour,

    Il en ferait un livre.

     

    Madassa écrivain.

     

     

    Michel Séonnet

    Madassa

    Paris, Ed. Sarcabane, 2003

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  • Ecrit en une nuit, c'est l'hommage à Charlie Hebdo de Grand Corps Malade, à ceux qui sont tombés au champ de la liberté d'expression comme on dit au champ d'honneur.

    https://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=U2a79-0QuGo


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  • Voyage au Sénégal. (merci Alain pour la photo)

     

    La vie, est-ce un voyage ?

     

    Je ne sors pas souvent de chez moi

    Aller en voyage ce n’est pas pour moi

    Au mieux, je ne peux que les rêver

    Si je voyage beaucoup c’est devant la télé

     

    Je me contente de ce qu’a vécu un autre

    Ou encore, de ce qu’il a filmé cet autre

    Est-ce mon âge, ou bien ma conscience

    J’aurais pu être un bon voyageur je pense

     

    Bizarre, que ça me soit venu à l’esprit

    Je pense avoir toujours rêvé ma vie

    J’ai pourtant, des chaussures et deux pieds

    Un jour, je me lèverai, et je partirai

     

    Oui, il faudrait un jour que je m’amuse

    Qu’il n’y ait pas que mes semelles que j’use

    Quand je saurai vraiment, comment faire

    J’irai un peu partout dans l’univers

     

    Je sais, j’aime voyager, mais sans but précis

    J’aime profiter de chaque endroit où je suis

    Dans le passé, je l’ai fait devant la télé

    J’ai pris le temps de visiter, de tout regarder

     

    Puis je sais, que je me ferais des amis

    Bien d’autres comme moi en auraient envie

    On prendrait l’avion pour quelque part

    Comme si c’était pour nous, un nouveau départ

     

           Texte Claude Marcel Breault

     

    Je me reconnais tellement dans ce texte Oui j'espère un jour chausser mes semelles de vent et partir admirer notre belle planète, visiter ses habitants. Un jour.... Peut-être.

     

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  • 1avent
     

     

    La petite Espérance s'avance entre ses deux grandes sœurs

    et on ne prend pas seulement garde à elle.

     

    Sur le chemin du salut, sur le chemin charnel, sur le chemin

    raboteux du salut, sur la route interminable, sur la route

    entre ses deux sœurs la petite espérance

    S'avance.

     

    Entre ses deux grandes sœurs.

     

    Le peuple chrétien ne voit que les deux grandes sœurs, n'a

    de regard que pour les deux grandes sœurs.

     

    Celle qui est à droite et celle qui est à gauche.

    Et il ne voit quasiment pas celle qui est au milieu.

    La petite, celle qui va encore à l'école.

    Et qui marche.

     

    Perdue dans les jupes de ses sœurs.

    Et il croit volontiers que ce sont les deux grands

    qui traînent la petite par la main.

     

    Au milieu.

    Entre les deux.

    pour lui faire faire ce chemin raboteux du salut.

     

    Les aveugles, ils ne voient pas au contraire

     Que c'est elle au milieu qui entraîne ses grandes sœurs.

     Et que sans elle elles ne seraient rien…

    C'est elle, cette petite, qui entraîne tout.

     

     Car la Foi ne voit que ce qui est. Et elle, elle voit ce qui sera.

     La Charité n'aime que ce qui est. Et elle aime ce qui sera…

     

    La Foi voit ce qui est. Dans le Temps et dans l'Éternité.

     L'Espérance voit ce qui sera. Dans le temps et pour l'éternité…

     

    Pour ainsi dire dans le futur de l'éternité même...

     

    La Charité aime ce qui est. Dans le Temps et dans l'Éternité.

     Dieu et le prochain.

     Comme la Foi voit. Dieu et la création.

     Mais l'Espérance aime ce qui sera. Dans le temps et pour l'éternité…

     

    Pour ainsi dire dans le futur de l'éternité.

     

    L'Espérance voit ce qui n'est pas encore et qui sera.

     Elle aime ce qui n'est pas encore et qui sera…

     

    Dans le futur du temps et de l'éternité.

     

    (Charles PEGUY – Le proche du mystère de la deuxième vertu)

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