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    Fi des banalités en bloc !

    Vive l’amour ! Il te faut boire.

    Bois le vin clair comme œil de coq,

    d’une gazelle blanche et noire !

    Le vin d’or a des reflets bleus.

    Son allégresse est sans rivale.

    Il saute comme une cigale

    dans la chaleur des prés ombreux.

    Et des comètes d’or le suivent,

    passant de la nuit au grand jour.

     

    Il n’est pas de palme ou de vigne :

    mais c’est de l’hydromel tout court.

    C’est du miel d’abeille aux ruches peuplées,

    qui sont ses quartiers d’été comme hiver.

    Elle butine les fleurs des vallées

    et va s’abreuver  l’eau d’étangs clairs.

    Le nez camus, mince, agile, troussée,

    Les yeux enfoncés, ignorant le mal,

    tantôt l’abeille prend son vol nuptial.

    Tantôt vierge, et tantôt de ses petits suitée.

     

    Quand les gâteaux de miel se collent, dans la ruche,

    les ouvrières viennent étancher leur soif.

    L’heure est enfin venue, et le jour qui se cache,

    de récolter le miel qui aux rayons se juche.

    On le transvase, mélangé à l’eau du Nil,

    dans un chaudron large et bas comme un puits,

    lorsque les éclaireurs ont enlevé l’écume

    et que le feu a purifié le miel fourni.

    Ils le déposent dans les jarres goudronnées,

    brunes, ternes, poudreuses, avec précaution.

    L’hydromel va s’y reposer, sous le bouchon

    d’argile, après avoir tempêté et grondé.

                           

                                              Abû Nuwâs

                                          (Une anthologie des poésies arabes – Rachid Koraïchi )

     

    Abû Nuwâs  -  L'hydromel

    Abû Nuwâs  -  L'hydromel

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    Le bois de mon enfance a pour nom le Vert-Bois

    Et pour moi les attraits des soupirs d’une femme

    Les vents y sont si doux, les sapins en sont rois

    Quand j’en franchis le seuil mon coeur ému s’enflamme.

     

    Son silence est celui d’espaces enchanteurs

    S’y mêlent les odeurs des mousses et des fougères

    De résine et de lierre et le parfum des fleurs

    Qui tapissent le sol des riantes clairières.

     

    Les nymphes et les lutins peuplent la forêt sombre

    Ils se livrent à leurs jeux imitant l’écureuil

    De bonds en cabrioles ils sautillent dans l’ombre,

    Le geai lisse ses plumes en sa livrée d’orgueil.

     

    Les souches des sapins abritent les renards

    Les fourmis ouvrières y tiennent aussi logis

    La martre au brun pelage a surpris le regard

    Du chasseur à l’affût qui menace sa vie.

     

    Enfant j’allais couper le sapin de Noël

    Les branchettes en ramée dont on fait les balais

    Je récoltais les cônes avant le premier gel

    Et le printemps venu des brassées de panais.

     

    En été les framboises aux couleurs de rubis

    Emplissaient mon panier pour faire les gelées

    Réservées par grand’mère aux goûters entre amis

    Au temps des blancs hivers, des neiges amoncelées.

     

    Je revois en pensée notre garde-barrière

    A l’orée d’un sous-bois là-bas elle officiait,

    Du village voisin surveillant la frontière,

    Les troupeaux égarés jour et nuit refoulait.

     

    Laissez-moi célébrer du Vert-Bois la parure

    Son nom évocateur souligne ainsi l’endroit

    Où sous la voûte ombrée, le dôme de verdure

    Souvent je musardais au couvert de son toit.

     

    Toujours je chanterai le bois de mon enfance

    Son écho est pour moi riche de souvenirs,

    Le Vert-Bois me remplit des tendres résonances

    D’un fabuleux passé qui m’enchante à ravir.

     

                                               Henry Tournier (extrait de Glane de blés d’or)

     

     Le Vert-Bois  de Henry Tournier

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    Au creux de la forêt tout enserrée de nuit

    J’ai arrêté mon pas à l’abord du mystère

    A travers la branchure j’entrevois des morceaux

    D’un vaste champ semé d’étoiles

    Le feu tremblant qui les anime

    Est attisé par l’ombre

    L’ombre qui monte de la terre,

    L’aube ne renaîtra qu’après que les étoiles

    Auront bu patiemment cet océan de nuit ;

    Tout est calme et silence profondeur majesté.

    J’ai suspendu mon souffle pour écouter un bruit

    Battement de mon coeur accroché à mon flanc.

    Le battement devient chamade ;

    La vie s’est dressée contre l’ombre.

    « Pourquoi trembler poltron qu’aurais-tu donc à craindre ?

    Laisse en toi réfugiée cette paix qui t’étreint

    Et calme mon tourment ! »...

     

     

    Le coeur a cessé son tumulte

    L’âme s’est élevée au niveau d’harmonie

    Où elle sait s’accorder avec les éléments

    Venus d’autres espaces,

    L’homme est peuplé de rêves le rêve peuple la terre…

    La terre et l’homme ne sont plus

    Ni l’espace ni le ciel constellé

    Ni l’instant ni la forêt de nuit.

    La création est retournée

    Dans le sein de son Créateur,

    Rien n’est plus.

    L’âme désenchaînée radieuse et sublime

    Vogue dans la lumière ondée de mélodie,

    J’ai reconnu la Joie, la Joie miraculée,

    La Joie qui emplissait l’Eden

    Au temps perdu d’avant les temps.

     

            Henry Tournier (extrait de Glane de blés d’or)

            Poème ayant valu à Henry Tournier la Palme d’Argent de l’Académie de Poésie.

     

    La Joie miraculée  de Henry Tournier

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  • La belle Aurore de Henry Tournier

     

    La belle Aurore en mignardise

    Lève les rideaux de la nuit

    Se dépouille de sa chemise

    Et revêt sa robe qui luit.

     

    C’est l’aube émue du jour nouveau

    Salué par les ritournelles

    De l’alouette et mille oiseaux

    Qui se dispersent à tire d’aile.

     

    Tandis que les feux des étoiles

    Se noient dans l’océan céleste

    L’astre du jour pourpre et sans voiles

    A l’horizon se manifeste.

     

    Ses tout premiers rayons s’attardent

    Sur les rochers qu’ils incendient

    Pourtant sur les rivières ils tardent

    Les naïades y sont endormies.

     

    La terre lentement s’éveille

    Et chassant l’ombre de ses limbes

    Le soleil exalte à merveilleux

    Le monde  enluminé de nimbes.

     

                                                Henry Tournier (extrait de Glane de blés d’or)

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    Le houx a perdu sa parure

    Du gui les perles ont piètre allure

    La violette fleurit.

     

    Doux m’est le chant du ruisselet

    Qui se trémousse guilleret

    Dans le creux de son lit.

     

    Déjà s’annonce la feuillée

    Dans la ramée tout emmouillée

    D’ondée primesautière.

     

    Le ciel gris se métamorphose

    Il balance entre bleu et rose

    Pour son avant-première.

     

    Dans les nues le soleil paraît

    Un rayon oblique un reflet

    Sur l’étang qui frémit ;

     

    Là, les grenouilles assemblées

    Fraient en bordées enamourées

    Et clapotent à l’envi.

     

    A la corne du bois j’écoute

    De joyeux accents sous la voûte

    Prémisses du printemps.

     

    Aux trilles des pinsons se mêlent

    Les rires clairs des demoiselles

    Au bras de leurs amants.

     

                                                     Henry Tournier (extrait de Glane de blés d’or)

     

    Métamorphose de Henry Tournier

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