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Par Pestoune le 11 Février 2018 à 22:38
Toi l’homme vieillissant qui partages mon lit
Sache longtemps encor conserver ton allant
Pour le plus grand dépit de ce fringant galant
Qui soupire après moi, de nos amours se rit.
Sur tes lèvres étirées tels deux sillons stériles
Je poserai ma bouche pour des baisers brûlants
Ravivant de leur feu ton long désir fervent
Ta fougue et ta passion, ton entrain juvénile.
Toi l’homme vieillissant mais si cher à mon coeur
Jamais ne quitterai malgré le cours des âges
Mais chaque jour nouveau t’aimerai davantage
Conjuguant à l’envi nos rires et nos ardeurs.
Sous mes doigts caressants tes sens ranimerai
Pour leur rendre à l’instant leur vigueur chaleureuse
Et nous unir tous deux dans l’extase amoureuse
Comme au temps enchanté de ton luth inspiré.
Pour donner mil plaisirs à l’amant de mes nuits
Vénus me prêtera son art et son talent
Et tu distilleras la sève du printemps
Toi l’homme vieillissant qui partages mon lit.
D’après John Wilmot « A song of a young lady to her ancient lover »
Henry Tournier (extrait de Glane de blés d’or)
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Par Pestoune le 4 Février 2018 à 22:45
Le temps perdu des Orémus
Il a vécu, hélas ! Le temps des Orémus
Des Pater des Ave de l’antique Angélus
Qui répandait joyeux ses notes cristallines
Dans les champs les forêts les vals et les collines.
Il a vécu, hélas ! Le temps des reposoirs
Où se mêlait aux fleurs un parfum d’encensoir
Adieu les processions les bannières et les cierges
Pour adorer le Christ ou honorer la Vierge.
Il a vécu, hélas ! Le temps des litanies
Des rosaires égrenés des vêpres et des complies
Des pieuses Rogations dans la rosée des prés
Et des pèlerinages à nos Saints vénérés.
Des siècles de fervents et nobles sentiments
S’enfoncent dans l’oubli sous d’épais sédiments,
L’âge béni d’un Dieu qui pour nous s’est fait homme
Serait-il révolu tel un temps que l’on gomme ?
Voici venir le temps d’Allah
Faut-il chanter Alléluia
le Te Deum le Gloria…
Dies irae dies illa ?
Henry Tournier (extrait de Glane de blés d’or)
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Par Pestoune le 1 Février 2018 à 22:43
Nature au cœur profond sur qui les cieux reposent,
Nul n’aura comme moi si chaudement aimé
La lumière des jours et la douceur des choses
L’eau luisante et la terre où la vie a germé.
La forêt, les étangs et les plaines fécondes
Ont plus touché mes yeux que les regards humains,
Je me suis appuyée à la beauté du monde
Et j’ai tenu l’odeur des saisons dans mes mains.
J’ai porté vos soleils ainsi qu’une couronne
Sur mon front plein d’orgueil et de simplicité,
Mes jeux ont égalé les travaux de l’automne
Et j’ai pleuré d’amour aux bras de vos étés.
Je suis venue à vous sans peur et sans prudence
Vous donnant ma raison pour le bien et le mal,
Ayant pour toute joie et toute connaissance
Votre âme impétueuse aux ruses d’animal.
Comme une fleur ouverte où logent des abeilles
Ma vie a répandu des parfums et des chants,
Et mon coeur matineux est comme une corbeille
Qui vous offre du lierre et des rameaux penchants.
Soumise ainsi que l’onde où l’arbre se reflète
J’ai connu les désirs qui brûlent dans vos soirs
Et qui font naître au coeur des hommes et des bêtes
La belle impatience et le divin vouloir.
Je vous tiens toute vive entre mes bras, Nature,
Ah! faut-il que mes yeux s’emplissent d’ombre un jour,
Et que j’aille au pays sans vent et sans verdure
Que ne visitent pas la lumière et l’amour…
Anna de Noailles
« Le coeur innombrable »
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Par Pestoune le 31 Janvier 2018 à 22:36
Qui n’aime pas l’eau pure a le cœur peu sincère.
Qui n’aime pas le pain mal juge de la terre.
Qui se calfeutre et n’aime pas le vent
N’aura pas l’aventure et n’aura pas l’espace,
Ni les pleurs du départ, ni son destin devant,
Celui-là passe et ne sait pas qu’il passe.
Qui n’aime pas le feu hait la vie ou la craint.
Flamme mouillée et brûlure de joie.
Qui forge les grands troncs et cisèle les brins,
Les poissons de métal, les oiseaux plume à plume,
Les fauves, les serpents pour qu’ils mangent et soient,
Et les fusées d’insectes qui s’allument.
Qui n’aime pas la nuit n’aime pas la pensée,
Abîme à des triangles d’astres suspendus,
Où les parfums de l’herbe et les vies trépassées
Tressaillent, et le monde aux dedans défendus.
Qui n’aime pas la mer jamais n’aima le rêve.
Stupeur des ports qui balancent leurs mats,
Déchéance éternelle et gloire de la grève,
Perle conçue aux sources des climats.
Qui n’aime la pudeur jamais n’aima.
(Lanza del Vasto)
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Par Pestoune le 17 Janvier 2018 à 23:59
Phébus en son pourpre équipage
Incendie l’azur au couchant
Il embrase le vert feuillage
La forêt n’est que flamboiement.
Dans le ciel en flamme un nuage
D’un feu ardent est dévoré
Il a pris l’astre pour ancrage
Et s’orne d’un galon doré.
Le rouge cède à l’azuline
Un bleu d’ardoise éteint le rose
Le jour en tapinois décline
La terre est devenue morose.
La voûte céleste scintille
De ses tremblotants feux follets
On dirait des yeux d’or qui cillent
Pour saluer l’ombre qui naît.
Henry Tournier (extrait de Glane de blés d’or)
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