• CONTE de NOEL AUDIO et IMAGES / La lettre du Père Noël - YouTube (With  images) | French activities, Electronic books, Holidays and events

     

    En attendant Noël, découvrez cette histoire du facteur souris... Pour lire cette histoire : "La lettre du Père Noël" (Lutin poche de l'école des loisirs)

     

    https://www.youtube.com/watch?v=sUdVK5LNW0E

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  • La légende de la tante Arie... Bonne semaine... | Legende, Semaine, Contes  et légendes

     

     

    La coutume familiale voulait que chaque Noël, à la nuit tombante, les enfants installent religieusement sur le rebord de la fenêtre une bougie allumée et une poignée de foin, en l’honneur de Tante Arie et son âne volant. La belle-mère de Marc Laville y tenait impérativement.

    Depuis quinze ans, Marc assistait à ce rituel désuet avec le même accablement. Aller à l’encontre des volontés de Thérèse Raguin n’était pas dans le pouvoir de Marc. Autant tenter de convaincre Pinocchio que mentir n’allonge pas le nez ! Chez les Raguin, on ne badinait pas avec les traditions. Quinze Noël, donc, à subir à la fois la dinde au vin jaune, la bûche « maison » à la crème au beurre avec les petits lutins, les blagues calamiteuses de Bruno son beau-frère et… Tante Arie !

    Ce 24 décembre 2001 ne fit pas exception à la règle, la « Tante Machin et son bourricot » eurent droit à la bougie et au foin. Thérèse Raguin rayonnait. Marc Laville n’avait jamais compris pourquoi sa belle-mère ne fêtait pas, tant qu’à faire, ce bon gros père Noël comme tout le monde. Non, elle s’entêtait avec sa Tante Arie, à croire que c’était une fée de sa famille !

    Curieusement, les enfants semblaient prendre un vrai plaisir à écouter Thérèse leur raconter, pour la millième fois, les histoires de cette vieille Carabosse franc-comtoise à pattes d’oie. Marc devait bien le reconnaître : « On n’a pas toujours les enfants qu’on mérite ! » pensa-t-il un instant dans les tréfonds de sa mauvaise humeur.

    Le rituel, une fois encore, fut respecté à la lettre. Vers minuit, avant de se goinfrer de bûche crémeuse, cousins et cousines montèrent à l’étage pour dormir – ou plutôt faire semblant --, en attendant le passage de la fée de Noël. Pendant ce temps-là, après avoir méticuleusement débarrassé la table, Thérèse Raguin et ses deux filles installèrent les cadeaux multicolores à l’extérieur de la maison, juste devant la fenêtre illuminée. Il commençait à neiger à gros flocons et en regardant le ciel, Thérèse murmura : « Tante Arie déchire sa chemise, fil à fil », ce qui fit glousser ses filles. Marc hocha la tête, l’air accablé.

    Une fois tout parfaitement en place, il ne restait plus qu’à libérer les fauves. Thérèse Raguin ouvrit le tiroir du buffet pour en sortir l’objet sacré, la clochette ! Dun geste large, elle la fit résonner quelques longues secondes dans toute la maison. C’était le signal attendu, la marque de Tante Arie ! Cela provoqua aussitôt une explosion de joie à l’étage, et sept sauvages, de trois à quatorze ans, se ruèrent dans l’escalier, au risque de se briser le cou. Pour courir en chaussons dans la neige ramasser leur trésor, et bien vite l’étaler devant la cheminée.

    Depuis longtemps, il avait été décidé, d’un commun accord entre adultes, que Tante Arie n’apporterait des cadeaux que pour les enfants. Aussi, toute la famille eut l’air passablement déconcerté – voire scandalisé ! – Lorsque Nina s’écria joyeusement : « Papa, y a quelque chose pour toi ! » Un cadeau ? Un cadeau pour Marc ? Une mauvaise blague de Bruno sans doute…

    Marc Laville n’en revenait pas. Après avoir nerveusement déchiré le papier doré, il tenant dans sa main l’incroyable : l’Aston-Martin DB5 miniature de James Bond 007, version Corgi, et dans sa boîte d’origine ! Le cadeau qu’il avait si fort espéré au matin du 25 décembre 1971, mais qui s’était diaboliquement changé en dictionnaire Larousse, en couleurs, pour débutants. Un souvenir cuisant.

    Sous le coup de l’émotion, Marc prétexta une irrésistible envie de fumer pour sortir un instant dans le froid de la nuit. Il avait chaud, bien trop chaud, son visage tirait sur le rouge tomate. Des cris et des rires d’enfants résonnaient au loin. A travers les fenêtres, Marc Laville voyait clignoter les sapins multicolores des maisons voisines. Il ne peut s’empêcher d’effleurer un instant la bosse de sa poche où se trouvait son cadeau. Ses yeux brillaient.

    En aspirant la première bouffée de sa cigarette blonde, il vit les traces, comme des pieds palmés, à deux pas de la fenêtre…

    S’il n’avait pas eu vraiment peur, si sa lèvre ne s’était pas mise à trembler, s’il avait osé suivre les étranges traces dans la neige fraîche, Marc Laville aurait bien été obligé de constater qu’elles montaient vers le petit bois et disparaissaient juste devant un gros rocher aux allures de dolmen fourbu.

    Un rocher qu’on nommait à Vyan-le-Val, la « roche de Tante Arie ».

     

                      Hervé THIRY-DUVAL

                                            "Contes et légendes de Haute-Saône et de Belfort"

     

    Qui est donc Tante Arie ? 

    Tante Arie ou Airie une bonne fée protectrice de la région de Franche-Comté et du canton du Jura en Suisse.   On prétend qu'elle vit dans une grotte du Lomont dans le Jura et qu’elle écoute les rêves des enfants portés par le vent en collant l’oreille à la paroi de sa grotte puis c'est vêtue en paysanne, coiffée de son diairi (coiffe féminine spécifique du costume du Pays de Montbéliard), elle arpente la campagne avec son âne Marion chargé de cadeaux de Noël pour les enfants. Et parfois cachée sous des déguisements divers, elle demande souvent l’hospitalité pour connaître les gens et encourager les ménages vertueux, travailleurs, soigneux et charitable.

     

    Chanson traditionnelle sur Tante Arie 

    https://www.youtube.com/watch?v=UD13AmiEcQc

     

    Un diairi 

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  • C’était Noël. Noël sans neige. Avec un froid sec dont l’intensité augmentait à mesure que venait le soir.

    - Allez l’arpète. File mettre une toque et une veste propre, il y a des courses à faire !

    Cet aboiement du patron m’avait tiré de mon demi-sommeil. La chaleur du laboratoire où s’affairaient le chef et ses seconds, le manque d’air dans cet antre qui empestait la vanille, le chocolat, le café ; le ronronnement sourd de la broyeuse et puis, surtout, la fatigue d’une journée commencée à deux heures du matin : je m’endormais. Oui, je m’endormais debout dans le recoin mal éclairé, tout au fond du laboratoire, entre le foyer du four et ce grand pied que je sentais toujours prêt à partir en direction de mon postérieur, cette lutte que je menais sans relâche contre le sommeil m’interdisait toute pensée.

    Maintenant que je trottais dans la rue avec ma corbeille sur la tête, je me sentais plus à l’aise. Avant de partir j’avais vu, alignées sur la table de l’arrière-boutique, toutes les commandes que je devais livrer au cours de la soirée. Il était six heures après midi et un coup d’œil rapide sur les fiches portant l’adresse de chaque client m’avait laissé espérer que je ne remettrais pas les pieds au laboratoire ce soir-là. Trois mois d’expérience me suffisaient. Je savais que quel que fût le temps que je mettrais pour faire mes courses, je serais, à mon retour, gratifié d’une semonce. Le patron, qui connaissait fort mal le métier et n’osait jamais faire une remontrance aux ouvriers, s’en prenait toujours aux apprentis. Dès qu’une erreur quelconque était découverte il était inutiles de perdre son temps à chercher le responsable : c’était moi, invariablement. Une crème était-elle manquée ? j’avais mal lavé la bassine. La brioche refusait-elle de lever ? on m’avait vu ouvrir la porte de l’étuve et la pâte avait « pris un coup d’air ». Les chaussons étaient-ils brûlés ? j’avais trop chauffé le four. C’en était souvent grotesque. Et pourtant je ne me souviens pas d’en avoir ri une seule fois.

    J’encaissais sans mot dire remontrances et taloches et je me vengeais en crachant chaque matin dans le bol de chocolat du patron. Oui, je le reconnais : pendant deux ans j’ai craché tous les jours dans le petit déjeuner du patron. J’avais quatorze ans. J’étais rosse… peut-être. Mais je ne regrette rien. Et puis j’estimais qu’en gagnant vingt-cinq francs par mois pour faire en moyenne quatre-vingt-dix heures de travail par semaine, servir d’exutoire à la mauvaise humeur du patron et être offert en holocauste par le reste du personnel à chaque occasion, j’avais bien le droit de m’accorder ce petit divertissement.

    J’avais donc rapidement pris l’habitude de faire mes courses sans me presser, estimant qu’il était préférable de mériter pleinement la correction qui m’attendait au laboratoire.

    Toutefois, ce soir-là, j’allais bon train. J’avais beaucoup de courses en perspective, le froid me talonnait et puis il y avait aussi, dans toutes les rues, cette foule heureuse et comme électrisée dont la joie me gagnait peu à peu. Partout, encombrant les trottoirs étroits, des bandes de jeunes gens et d’enfants menaient grand tapage. Les vitrines des magasins jetaient sur cette multitude en liesse l’éclat multicolore d’innombrables ampoules électriques.

    J’avais ma place dans cette joie : j’étais le petit pâtissier qui va porter dans chaque maison la bûche du réveillon.

    Je ne connaissais pas grand monde dans cette ville de Dole, mais les jeunes gens m’interpellaient :

    - Alors pâtissier, ça marche ces bûches de Noël ?

    Je riais. J’étais heureux. On blaguait ma toque blanche et ma corbeille.

    Des enfants criaient :

    « C’est Noël ! C’est Noël ! »

    Des pièces de monnaies tintaient dans ma poche. On me donnait de bons pourboires dans les maisons où j’allais livrer. Dix sous, un franc, quelquefois même deux francs. Les jours de fête, quand la joie coule partout et que c’est la saison des cadeaux, on ne regarde pas à la dépense.

    De temps en temps, rue de Besançon ou rue des Arènes, je croisais un apprenti d’une autre pâtisserie et nous échangions quelques mots au passage :

    - Alors, ça tombe les pourboires ?

    - ça marche. Et toi ?

    Partout, même quand je quittais les artères principales pour descendre vers le canal Charles-Quint par les rues tortueuses et étroites qui vont du port jusqu’au pied du clocher, partout je sentais cette bonne humeur, cette joie bruyante qui réchauffe. Il y avait, à cette époque, un refrain en vogue que l’on entendait à chaque instant chanté ou ânonné sur un harmonica :

    « Et la musique vient par ici, oua… oua…

    « Puis s’en va par là… »

    Je me souviens que cet air m’a poursuivi longtemps. Même après que les rues se furent vidées. Quand cette foule eut regagné les salles à manger bien chauffées et pleines d’odeurs de bonne cuisine. Longtemps, longtemps encore cet air a chanté dans ma tête. Mais, peu à peu, malgré moi, il perdait sa joie.

    Bientôt ce ne furent que des paroles sans musique qui rythmaient mes pas dans les rues désertes. Il faisait plus froid maintenant. La chaleur s’en était allée avec les rêves et les chansons.

    Il était neuf heures passées quand au retour d’une course qui m’avait conduit très loin sur la route de Gray, je vis que les ouvriers étaient à table. Il n’y avait plus personne au laboratoire, le travail était terminé. J’avais faim. Dans ma naïveté d’enfant j’avais espéré que la bonne humeur générale finirait par pénétrer jusqu’au cœur de cette arrière-boutique.

    Je connaissais encore mal la maison.

    Rompus par une journée de labeur, les ouvriers mangeaient, sans un mot, le nez dans leur assiette. La patronne et les vendeuses préparaient des plateaux de gâteaux pour le lendemain. Le patron « faisait la caisse ». Croyant mes courses terminées, j’avais posé ma corbeille et pris place à table. Le patron m’observait à la dérobée tout en épinglant ses liasses de billets. Il avait le sens de la cruauté. Et moi j’ai toujours eu le sens de la gaffe. C’est inouï avec quelle facilité je vais toujours me précipiter dans la gueule du loup.

    Le patron laissa le chef me servir ma soupe. Il me laissa même le temps d’y goûter. Qu’elle était bonne cette première cuillerée ! C’était le reste de la veille que l’on avait fait réchauffer (le 24 décembre les pâtissiers n’ont guère le loisir de faire de la cuisine). Mais je la trouvais meilleure que d’habitude tant l’air frais m’avait aiguisé l’appétit. Je ne devais pas la savourer bien longtemps. Se tournant vers moi avec cette espèce de grimace qui voulait être un sourire, le patron me demanda :

    - Alors, l’arpète, elle est bonne la soupe ?

    - Oui, m’sieur.

    - Allons ! ben tat mieux ; tu la trouveras encore meilleure tout à l’heure.

    Je m’étais arrêté de manger. Le patron ricanait.  Il se délectait. S’adressant aux ouvriers il prit le temps d’ironiser :

    - Non, mais regardez-moi cette face d’abruti. On ne peut pas lui dire deux mots sans que monsieur prenne son air de martyr…

    Puis, élevant la voix et se tournant vers moi, il poursuivit :

    - Alors, tu te grouilles un peu de prendre ta corbeille, triple buse. Oui mon vieux, ça a l’air de t’étonner ? Y a pourtant pas de quoi : une bûche qu’on vient de commander par téléphone. Et pas à côté d’ici encore, à La Bedugue, tout en haut du faubourg.

    Je ne parvenais pas à quitter ma chaise. A travers la buée qui montait de mon assiette, je regardais le patron. Il n’était pas beau, certes ! Mais jamais je ne l’avais trouvé si hideux. C’était une espèce d’avorton à face de singe. A quatorze ans, j’avais au moins une tête de plus que lui et je savais déjà très bien me battre. Mon père m’avait enseigné tous les secrets de la lutte libre et de la boxe française et, encore aujourd’hui, je me demande pourquoi je ne l’ai pas fait taire avec un bon coup de savate sous le menton. Pourquoi ? Probablement parce qu’à l’âge que j’avais, on ne cherche pas à comprendre. Le patron, c’est le patron.

    - Mais M’sieur, j’ai faim.

    Quand je vous dis que j’ai toujours eu le sens de la gaffe. C’était exactement ce qu’il ne fallait pas dire.  Le patron éclata de rire. Un rire qui me donnait envie de pleurer.

    - Voyez-vous ça ! Ah ! Ah ! Ah ! Monsieur a faim… Eh bien ! tête de lard, tu sauras qu’ici on mange quand on a fini son travail. Et j’ai comme une idée que ce soir t’es pas près d’avoir fini. Parce qu’en rentrant de La Bedugue, tu penseras que tu as la plonge à terminer. Allez, file ! Et tâche de te magner un peu, n’oublie pas que demain on commence à une heure du matin.

    Je suis parti, le cœur gros et l’estomac vide. Je suis parti, avec ma corbeille sur la tête faire les trois kilomètres qui me séparaient de ce faubourg de La Bedugue situé de l’autre côté du Doubs, loin, là-haut, sur la route de Lons-le-Saunier.

    Les rues étaient complètement désertes. Toutes les maisons avaient des fenêtres éclairées. Des rumeurs de fête me parvenaient, des chansons, des cris. Quelques flocons minuscules sautillaient dans la lumière des lampes de la rue, mais il faisait trop froid pour que la neige se mît à tomber en abondance.

    Dans le Jura, les Noëls sans neige sont assez rares, et j’ai toujours entendu dire qu’un Noël sans neige n’est pas un vrai Noël…

    Je me souviens qu’en arrivant sur le grand pont j’ai posé ma corbeille sur le parapet de pierre. J’avais le sommet du crâne endolori malgré les deux mouchoirs placés dans le fond de ma coque. Je me suis reposé quelques minutes. On ne voyait pas le Doubs. Seules deux fenêtres du moulin agitaient leur reflet doré à la surface de l’eau, un peu en amont, sur la gauche.

    J’ai soufflé dans mes doigts puis j’ai repris ma route.

    A mesure que je m’éloignais de la ville, les maisons se faisaient plus rares, le silence plus total.

    Lons-le-Saunier. J’étais sur la route de Lons-le-Saunier. Le pays où étaient mes parents. Mon père devait être couché. Ma mère devait veiller, seule, au coin de son feu. Il devait faire bon dans la petite cuisine. Ma mère devait peser à moi, certainement. C’était le premier Noël que je passais loin d’elle.

    Quand on travaille, on a l’impression d’être un homme. Mais, brusquement, de me sentir seul sur cette route, seul dans cette nuit où tout m’était hostile, j’étais redevenu un enfant.

    C’était mon premier Noël sans chaussures dans la cheminée.

    J’ai eu envie, un instant, de jeter ma corbeille et de partir sur cette route. J’ai eu envie de tout laisser tomber : l’ignoble patron et ses bûches, la patronne cauteleuse et faussement maternelle, les ouvriers, ces pauvres types qui étaient des hommes, eux, mais qui rampaient pourtant devant le patron. Des pauvres types dont l’apathie et l’indifférence me semblaient friser la lâcheté.

    J’ai continué ma route, pourtant, avec ma corbeille sur la tête.

    Quand je suis entré dans la maison chaude, pleine de lumière, de joie, quand j’ai vu ce sapin de Noël tout chargé d’ampoules électriques, de boules multicolores, endiamanté de fis d’argent et d’étoiles, j’ai eu mal. Oh  oui, j’ai eu très mal à mon cœur de gosse.

    Les rires, les exclamations d’admiration devant la bûche énorme que j’apportais, les plaisanteries des gens qui ne savaient pas, qui ne pouvaient pas savoir et qu’amusait ma figure rouge sous ma toque blanche, comme j’avais mal ! Comme j’avais mal à force de retenir mes larmes.

    On m’a mis dans la main plusieurs pièces de monnaie. Un beau pourboire assurément. Peut-être le plus gros de la journée, je ne sais pas. Et je suis parti. Je marchais lentement dans les rues vides. Vides de monde, vides de bruit, de chaleur, vides de vie.

    Je suis parti avec au bout de mon bras ma corbeille vide, avec ma tête vide. Je suis retourné vers la ville qui luisait de mille feux, de mille petits yeux pétillants de joie. Je suis parti en pleurant, en pleurant parce que c’était Noël.

                                                           Bernard Clavel

                                                           Histoire de Noël

     

    J'aime le français: La bûche de Noël

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  • Guignolsland.com - Gnafron élu maire de Brindas (1929)

     

    J’ignore qu’el était son véritable nom, tout le monde l’avait toujours appelé Hiéronimus. Il n’avait connu ni la gloire ni la fortune, mais un succès dont il s’était toujours contenté et une aisance qui lui avait longtemps permis de vivre dignement, dans deux petites pièces mansardées de la rue Saint-Georges, dans le vieux Lyon. Son grand bonheur avait été d’apporter la joie aux enfants. Hiéronumus avait passé son existence à courir la région du Lyonnais, la Bresse, le Jura, les premiers contreforts du Massif central et aussi une partie de la Suisse avec un petit théâtre de marionnettes qu’il animait seul, jouant tous les rôles, changeant de voix, imitant les animaux et poussant le bel canto lorsque besoin était.

    Et puis, par un vilain début d’hiver tout de brouillard, de givre et de pluies glaciales, le montreur de marionnettes avait senti ses mains s’engourdir. Tout d’abord, il avait cru à la fatigue.

    - J’ai trop joué ces temps derniers, s’était-il dit, faudra que je me repose un peu.

    Il avait continué sa route sous la pluie, pour ramener sa charrette depuis les monts de l’Ardèche où le mal l’avait pris, jusqu’au cœur du vieux Lyon. Là, dans un dernier effort, il avait monté jusque dans la mansarde la caisse peinte où dormaient ses petits comédiens de bois et de chiffons. Comme il n’avait aucune famille, Hiéronimus avait cogné à la cloison pour appeler sa voisine, une serveuse de restaurant d’une trentaine d’années qui vivait seule avec son petit garçon de huit ans. Denis était venu en courant et son sourire s’était éteint lorsqu’il avait découvert le vieillard allongé sur son lit, le teint olivâtre, le visage émacié.

    - Mais qu’est-ce que tu as, père Hiéronumus, qu’est-ce que tu as ?

    Le vieux s’efforça de rassurer l’enfant. Il dit d’une voix qui portait à pein les mots jusqu’au seuil de ses lèvres :

    - C’est rien… j’ai dû prendre froid…. Faudrait que ta maman me fasse de la tisane.

    - Mais ce soir, père Hiéronimus, c’est le réveillon. Maman ne rentre que très tard…

    D’habitude, la jeune femme était toujours là dans le milieu de l’après-midi, mais le vieux se souvint que les jours de grande fête étaient de longues journées de peine pour elle. Des journées ininterrompues.

    - C’set vrai, murmura-t-il. C’est Noël… Je n’y pensais pas.

    Soudain tout habité du rire que faisait naître en lui la joie du souvenir, Denis lança :

    -L’année dernière pour Noël, tu sais, on était tous les deux. Tu m’as raconté la crèche avec tes marionnettes ! Tu vas me la raconter encore cette année, hein ?

    Le vieil homme eut un profond soupir qui souleva sa poitrine maigre et fit trembler sa longue moustache grise. Comme il allait parler, l’enfant se hâta de dire :

    - L’infusion, je vais t’en faire, moi. Il y a de la soupe. Je peux t’en faire chauffer.

    Avant même que le vieux eût soufflé mot, l’enfant disparaissait pour revenir, un moment plus tard, avec un bol de bouillon fumant. L’ayant bu, Hiéronimus se sentit un peu mieux. Il demanda à Denis d’ouvrir sa caisse et de lui donner ses marionnettes. L’enfant se hâta. Et, lorsque toute la troupe fut étalée sur le lit, le vieil homme choisit d’abord deux d’entre ses personnages pour les charger d’annoncer le spectacle. L’un s’appelait Guignol, l’autre Gnafron. Il eut bien du mal à faire entrer ses doigts engourdis dans les gaines. Et lorsqu’il voulut animer ses comédiens qu’il avait si souvent fait gesticuler, ce fut en vain. Ses doigts étaient morts. La sueur perlait sur son front. Des gouttes ruisselèrent qui se mêlèrent à deux grosses larmes roulant sur ses joues creuses.

    Ses mains inertes retombèrent, et sa voix s’étrangla lorsqu’il dit :

    - Fini, mon pauvre petit… Fini…

    Il lui fallut un long moment pour se reprendre et pour expliquer presque calmement :

    - Tu vois, le froid m’a engourdi les mains, mais peut-être qu’elles retrouveront vie à la fin de l’hiver.  Seulement, je ne veux pas que mes marionnettes restent sans rien faire. Faut au moins que les enfants puissent les voir. Tu les porteras au musée de Gadagne, tu sais, avec toutes les autres.

    - Je pourrais déjà en porter une ce soir. En courant vite, j’arriverai juste avant la fermeture.

    D’un simple clignement des paupières, le Vieux approuva. Sans rien demander, l’enfant empoigna Guignol et bondit vers l’escalier.

    Jamais il n’avait couru aussi vite. De rares flocons de neige volaient dans la lueur des devantures illuminées. En quelques minutes, il fut à la porte du musée. Il la franchit si vite que la caissière n’eut même pas le temps de réagir. « Il faut que je sois bien fatiguée, pensa-t-elle, pour voir passer des ombres plus rapides que des autos. »

    L’enfant grimpa les marches de l’escalier en colimaçon qu’il connaissait bien pour l’avoir souvent escaladé avec le vieux Hiéronimus. Le musée était désert. Dès qu’il fut dans la salle réservée aux marionnettes du monde entier, l’enfant expliqua ce qui arrivait à son vieil ami. Aussitôt, Guignol se mit à remuer en réclamant :

    - Lâche-moi don, petit gone, tu crois que je ne saurai pas me débrouiller tout seul ! ?

    Denis lâcha Guignol qui courut d’une vitrine à l’autre en s’agitant :

    - Venez vite ! Dépêchons-nous. Il n’y a pas une seconde à perdre.

    Les vitrines s’ouvrirent. Et les centaines de marionnettes à fil, à gaines, en cuir, en carton, en bois, de toutes tailles et de toutes couleurs, se précipitèrent dans l’escalier à la suite de Guignol. L’enfant avait peine à les suivre. Lorsqu’il franchit le seuil, il aperçut la caissière renversée sur sa chaise, qui portait ses mains à ses tempes en criant :

    - Cette fois, c’est bien vrai, je suis malade !

    Et bon nombre de Lyonnais bousculés par cette ribambelle de marionnettes en folie se demandèrent, ce soir-là, s’ils n’étaient pas victimes d’hallucinations.

    Toujours à la suite de Guignol, ce petit monde grimpa jusqu’à la mansarde où le vieillard fiévreux attendait sur son lit.

    Envahissant l’étroit espace de son logis, tous ces personnages se mirent à donner, pour lui et pour l’enfant émerveillé, le plus extraordinaire spectacle qu’on ait jamais imaginé. Des chansons, des danses, des musiques et des rires à n’en plus finir. Longtemps, jusqu’au milieu de la nuit, les marionnettes jouèrent et dansèrent, célébrant dans toutes les langues du monde la nuit de la Nativité.

    A l’aube, lorsque la serveuse de restaurant rentra, son travail terminé, elle trouva Denis endormi au pied du lit de Hiéronimus, avec Guignol dans ses bras. Elle le porta chez elle. Puis, revenant auprès du vieil homme, elle lui ferma les paupières, tout étonnée que le regard d’un mort puisse être habité d’une pareille lueur de joie.

                                                           Bernard CLAVEL

                                                           Histoires de Noël

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  •  Avent : conte danois - la petite fille aux allumettes | La petite fille aux  allumettes, Petite fille, Conte

     

    La petite fille fagotée comme la poupée du diable, portait une pauvre jupe faite dans un sac d'engrais. Les habitants du coin la regardaient passer en parlant à voix basse. Elle habitait au village de Chapendu (Ce nom étrange aurait pour origine une pratique des moines de Saint-Colomban qui, durant leurs travaux de défrichement, accrochaient leurs capes dans les arbres ; d'où "capes-pendus") dans le hameau des Dessus, une maison isolée contre le bois.

    Ce matin-là, de "braves" gens lui avaient accroché une pancarte dans le dos, où ceux qui savaient lire pouvaient voir, grossièrement écrit : "Enfant du diable."

    Derrière sa fenêtre, le voisin aux yeux noirs guettait la gamine. La vue du petit écriteau le fit sourire.

    La foule de badauds s'écarta pour la laisser passer. Dans leurs regards, posés sur elle comme des guêpes sur un fruit trop mûr, elle pouvait deviner un mélange de peur et de fascination. A l'intérieur de la maison, deux femmes tressaient des paniers. Dans cette famille, on était vanniers depuis que le saule existait. La petite fille, sans un mot, jeta la pancarte dans le feu. Ce n'était pas la première fois. Le mot "diable" fut le dernier à brûler. 

    Depuis des mois, la rumeur courait dans toute la vallée du Breuchin. Hommes, femmes, et enfants marchèrent jusqu'à Chapendu, attirés par l'odeur de soufre Il en vint de Corravillers, Saint-Valbert, Mélisey et même des Vosges. Certains jours, on compta jusqu'à cinq cents personnes agglutinées autour de la maison.  On aurait dit des spectateurs attendant avec impatience que la représentation commence. Parfois, ils entendaient ou croyaient entendre des bruits étranges venant de la maison. Ils avaient besoin d'un butin. Rentrés chez eux, ils pourraient au moins se vanter d'avoir vu la gamine diabolique. 

    "Une sauvageonne, noiraude et maigrichonne, presque pas vêtue.

    - Avec un regard méchant ! 

    - Moi, elle me faisait peur."

    Ils en parleraient encore pendant vingt ou trente ans, ils en feraient un des thèmes favoris de leurs veillées d'hiver, glissé entre une légende de vouivre dévoreuse d'enfants et la tragique histoire de l'instituteur de Fresse. 

    Dès l'arrivée de la nuit, les curieux devenaient plus rares. De petits groupes, parmi les plus courageux, veillaient à proximité de la maison. Une plainte ayant été déposée pour tapage nocturne, des gendarmes vinrent de temps à autre, monter la garde. C'était la nuit que les forces étranges s'éveillaient. 

    Toute l'affaire avait débuté à l'hiver 1918. La veuve Grosmaire, sa fille et sa petite-fille entendirent frapper à la porte qui s'ouvrit violemment et se referma toute seule. Ensuite, il y eut des courses de chevaux à l'étage. "On aurait dit comme le bruit d'un escadron de cavalerie qui passe", rapportèrent plusieurs voisins. Les trois femmes furent effrayées, mais pensèrent à un charivari, à une méchante farce qu'on leur faisait. 

    Hélas ! le même manège recommença la nuit suivante. Au bout de la cinquième, d'autres bruits, des murmures, se firent entendre dans le fourneau de la cuisine. On remarqua bien vite que la chose se produisait uniquement quand la gamine se tenait assise là, près du feu. Dès ce moment, tout le pays y vit la marque du diable ! 

    Deux fois, le curé de Raddon fit le chemin jusqu'à la maison ensorcelée de Chapendu. Derrière ses carreaux, le voisin avait serré les poings en voyant l'homme en soutane bénir la maison. 

    Le curé de Raddon n'était pourtant pas homme à accepter volontiers l'intervention du démon. S'il avait écouté ses paroissiens, il aurait pratiqué des exorcismes du matin au soir. Les paysans des Vosges saônoises, à l'esprit des plus superstitieux, accusaient le diable au moindre pet de travers ! Depuis longtemps, il ne comptait plus les vaches et les chèvres qu'il avait dû bénir car elles se refusaient à donner du lait...

    En sortant de la maison, le curé transpirait à grosses gouttes. Visiblement secoué, il raconta : 

    "J'avais fait barricader les portes, mais quand la petite s'est montrée, tout a sauté !"

    La gamine allait souvent jouer dans les bois d'alentour. Là, au moins, il n'y avait que des merles ou des chevreuils pour la guetter. Accroupie au pied d'un chêne presque mort, elle jouait aux osselets pendant des heures. Une expression de tristesse ne quittait plus son petit visage maigre. Parfois, elle levait brusquement la tête, croyant entendre la voix de sa mère l'appelant. 

    Maintenant ça l'amusait presque de leur faire peur.  Dans ses cheveux très longs, elle accrochait de fines plumes trouvées en forêt et des petits rubans déchirés dans de vieux draps. Elle prenait l'allure d'une enfant sauvage. Fallait voir leurs têtes ! Surtout les vieilles, avec leurs lèvres crispées dans un rictus proche du dégoût. Quand elle en regardait une bien droit sans les yeux, une fois sur deux, la femme attrapait le hoquet ! 

     

    Chaque nuit, à 8 heures, le  grand chambardement diabolique recommençait. D'abord, les portes s’ouvraient et se fermaient toutes seules. La petite fille observait, guettant les nouveautés. Ensuite, on entendait des coups sourds contre les murs, des galops au plafond, puis des bruits de chaînes et des murmures.  Le tiroir de l'armoire s'ouvrait et les torchons étaient projetés en l'air. La table se mettait à devenir folle et tournait comme une toupie. Les rondelles du fourneau se soulevaient. Le soir où les lunettes de sa grand-mère s'envolèrent de son nez, la gamine eut envie d'applaudir. 

     

    Dans sa maison noire, un homme, à l'insu de tous, consultait de mauvais livres aux titres qui auraient pu paraître comiques s'ils n'avaient été maléfiques : Les Secrets de la poule noire, Le Véritable dragon rouge ou l'Art de commander les esprits célestes, aériens, terrestres et infernaux, le Grand Albert, Le Petit Albert. Il les tenait de son père. Dans sa famille, ils jetaient des sorts depuis l'époque de Desle La Mansénée (Célèbre sorcière de la région de Luxeuil, brûlée vive le 18 décembre 1529). 

    Entre les pages du plus gros livre, il glissa trois cheveux de la maigre gamine, glanés près d'un vieux chêne à demi crevé. 

     

    Voyant que ni curé ni gendarmes ne réussissaient à mettre fin à cette affaire, un garde forestier conseilla à la jeune tante de la petite de rendre visite à une fameuse devineresse. Habitant au village d'Amage, cette dernière, croyait-on, se métamorphosait régulièrement en lapin pour aller écouter aux portes. On pouvait y voir un gage de haute compétence ! Il faut se souvenir qu'au début du XXe siècle, jeteurs de sorts, devins et autres sorciers avaient quasiment pignon sur rue. Le garde forestier avait dit : 

    "Vous verrez, c'est une brave femme connaissant bien des vieux secrets. Elle saura retourner le sort sur celui qui l'a envoyé. "

    Là-bas, la curieuse sorcière aux facultés de voyante avaient bien vite deviné "l'homme au mauvais oeil": 

    "Un jaloux ! Comme il se sent trop à l'étroit chez lui, il veut s'emparer de votre maison. Depuis la défaite du curé, cet orgueilleux se croit bien tranquille et proche de son but. Je vais vous en délivrer. Je n'aime guère ces sorciers qui volent le sourire des petites filles."

     

    De retour à Chapendu, suivant point par point les recommandations de la devineresse d'Amage, la tante chercha avant le lever du soleil un crapaud. Elle glissa dans sa gueule un morceau de camphre, puis perça les deux mâchoires pour passer un fil, afin de le pendre bien haut dans la cheminée; Pendant neuf jours, elle fit balayer la maison par la fillette avec un balai de genêts. A chaque fois, elle versait tout ce qui était ramassé dans un pot de terre rouge. A la fin, on jette le contenu  de ce pot-au-feu pour le faire cuire. En dernier lieu, la jeune femme fit discrètement bouillir neuf clous dans une marmite puis les jeta dans l'eau froide. 

    Dans la maison, de l'autre côté e la combe, l'homme aux yeux noirs pourra un grand cri.... 

     

                                                            Hervé THIRY-DUVAL 

                                                            (Contes et légendes de Haute-Saône et de Belfort)

     

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