• La noix d’or - Hommage à Tolkien et à Deulin de Georges Thoma

    La noix d’or - Hommage à Tolkien et à Deulin de Georges Thoma

     

    Un soir, je promenais mon chien du côté de la Croix de Bray. La nuit était tombée et le ciel pur parsemé d’étoiles. Tout à coup, j’entendis un chant mélodieux, la voix était si belle que je restais figé, baigné par un bonheur sans nom. Au détour du chemin apparut un cavalier blond, habillé de blanc, montant sans harnais un magnifique cheval blanc. Du cheval et du cavalier semblait émaner une douce lumière.

    En l’apercevant, ils s’arrêtèrent. Je les saluai avec beaucoup de respect, car j’avais déjà reconnu un Seigneur Elfe. Avec beaucoup de grâce, il répondit à mon salut et sauta à terre. Il me dit combien il était rare de rencontrer par les chemins de la Comté un humain capable de voir un Elfe. Il revenait de s’incliner sur la tombe d’une Princesse de sa race, qui était devenue mortelle pour avoir épousé un homme. Voulant respecter l’ancienne hospitalité, je lui proposai de venir chez moi pour que nous puissions partager ce que j’avais de meilleur, un vieux Vin Jaune. Il déclina avec beaucoup de politesse cette offre, puis me demanda si je savais d’où venait la délicat bouquet de noix des Vins du Jura et de Comté. Je secouai la tête, honteux de cette ignorance. Alors, il sourit et me raconta cette histoire.

    Il y a bien longtemps vivait à Château-Châlon une douce jeune fille d’une famille très pauvre. L’âge était venu pour elle de se placer. Mais le travail était dur et le sort d’une jeune fille pas toujours enviable ; Elle avait entendu les anciens raconter que, dans les grottes de Lavigny, vivait une magicienne et que, tous les ans, à la Saint-Jean, elle prenait une nouvelle servante. Alors comme le voulait la tradition, à la date fixée, elle alla à la roche Saint-Pierre et attendit. Elle ne tarda pas à s’endormir.

    Quant elle se réveilla, elle pensa rêver car elle se trouvait étendue sur un lit aux draps blancs, dans une petite chambre éclairée par une lampe à huile. Elle s’aperçut vite que ce n’était pas un rêve et, après s’être levée, elle ouvrit la porte. Elle était dans un couloir où, portées par des supports en argent, brillaient des torches d’un bois inconnu, répandant une odeur suave.

    Au bout du couloir, elle découvrit une magnifique salle taillée dans la pierre. Des colonnes s’élevaient comme des troncs d’arbres. La pierre travaillée avec art scintillait comme parsemée de pierres précieuses. Partout des torches éclairaient et embaumaient. C’est la salle du Roi des Nains, pensa-t-elle. Soudain une voix la tira de sa rêverie : « Bonjour, te voilà réveillée Uva » ; et dans un coin de la salle sur un trône d’Or, accompagnée de deux pages, elle découvrit une belle jeune femme habillée de voiles bleu et blanc, qui la regardait en souriant. « Tu as voulu être ma servante, je t’ai acceptée, nous n’avons pas discuté de tes gages, mais je sais récompenser le travail et le dévouement. Il y a du travail : ranger, nettoyer, fait au mieux, à ton idée. »

    Alors commença pour Uva une vie qu’elle n’avait jamais osé rêver. Dès qu’elle avait faim, elle trouvait une table garnie de mets délicieux qu’elle pouvait manger à sa convenance.

    Certes, elle se levait tôt, car il y avait beaucoup de travail, la maison était grande. Elle avait, en effet, découvert d’autres salles plus grandes et plus belles les unes que les autres. Tout le jour, elle nettoyait, lavait, balayait. Elle ne s’arrêtait que lorsque sa maîtresse chantait. Elle avait beau ne pas comprendre cette langue inconnue, le chant semblait porter toute le sagesse du monde, parfois mélancolique comme pleurant un paradis perdu, parfois gai comme portant tous les espoirs, il la transportait loin de ce monde.

    Le temps passe vite quand on est heureux. Un jour, la Magicienne au trône d’or lui dit : « Uva, cela fait un an que tu es ici, le terme de ton contrat touche à sa fin. Tu as été une parfaite servante, que veux-tu pour ton salaire ? Parle sans crainte ! » Uva trop impressionnée pour répondre, s’inclina avec respect, sans rien dire. « Bon, reprit la Magicienne, voici des pièces d’or pour ton travail et un cadeau pour ta gentillesse. »

    Uva retourna à sa chambre, portant un véritable trésor, une poignée de pièces d’or, salaire qu’elle n’aurait pas osé espérer même dans ses rêves les plus fous. Avec il y avait une petite boîte en bois, sur son couvercle luisait un U en argent ; l’ayant ouverte, elle découvrit un écrin de fine soie contenant une petite noix d’or d’orfèvrerie. Fatiguée par toutes ces émotions, elle s’allongea et s’endormit aussitôt. Quand elle se  réveilla, elle était étendue sur la Roche Saint-Pierre.

    Elle regagna le village où ses parents furent très heureux de la revoir après une aussi longue absence. Elle dut, bien sûr, raconter son histoire maintes et maintes fois. Sa voisine, Ira, paresseuse et méchante, fille de riches marchands, se moqua d’elle. « Comment, on te demande ce que tu veux et tu ne réclames rien. Tu es toujours aussi bête, tu ne changeras jamais »

    Ira avait sa petite idée. A la Saint-Martin suivante, elle se rendit à la Roche Saint-Pierre.  Comme Uva, elle ne tarda pas à s’endormir et se réveilla dans la petite chambre. Mais quel changement, pendant un an, elle ne fit que manger et se reposer. L’année terminée, la Magicienne lui demanda : « Que veux-tu pour ton salaire ? » Impolie et arrogante, Ira lui répondit : « La plus belle robe dorée qu’on puisse voir et une baguette changeant tout en or ». Sans marquer la moindre surprise, la Magicienne lui répondit, avec un léger sourire : « Qu’il en soit fait suivant ton désir. »

    En se réveillant sur la Roche Saint-Pierre, Ira se trouva vêtue d’une magnifique robe, une baguette à la main. Quel retour triomphal au village. Comme elle se moqua de cette pauvre Uva ! Tout ce qu’elle touchait de sa baguette se transformait en or le plus pur.

    Le Seigneur de l’époque en entendit parler et pensa qu’elle ferait, malgré la mésalliance, une épouse très intéressante pour son fils. Ce dernier, après l’avoir vue, n’était pas fort enthousiaste, mais il n’était pas question de discuter les ordres de son père.

    Le jour des fiançailles, que la toilette de la future fut longue ! Les demoiselles d’honneur avaient bien du mal à la rendre présentable. Perdant patience, Ira tapa du pied et, dans mouvement d’impatience, frappa le sol de sa baguette : aussitôt il se changea en or, resplendissant au soleil.

    Le Seigneur fut très fier de régner sur un domaine en or, mais il dut vite déchanter car la terre était devenue stérile. La famine ne tarda pas à menacer et le peuple à murmurer. Alors, affolé, il promit sa fille ou son fils à qui lèverait la malédiction et jeta Ira en prison.

    C’est à ce moment, qu’un soir, Uva se souvint du coffret de la Magicienne. Se rendant à la cour, elle s’avança devant le Roi et, grattant à ses pieds la poussière d’or, elle y planta la Noix. Aussitôt, tout rentra dans l’ordre. La campagne reverdit et les récoltes rattrapèrent même leur retard : le blé était doré et lourd, jamais le vin ne fut aussi bon.

    Uva demanda au Roi le pardon de Ira qui assista au magnifique mariage de sa souffre-douleur. Ce fut pour elle une terrible punition.

    La bénédiction de la Magicienne se poursuit de nos jours, car c’est depuis cette époque que les vins et les fromages de notre Comté se reconnaissent  à ce délicat bouquet de noix qui rappelle la Noix d’Or.

     

    Georges Thoma (conte tiré de la Racontotte)

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  • Commentaires

    1
    Lundi 18 Février 2019 à 07:16

    Très joli conte.

    Bon début de semaine Brigitte.

    Christian

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