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LA ROUTE DE L'HOMME
LA ROUTE DE L’HOMME
Le chemin que l’homme tout nu, avait pris en venant au monde et qu’il avait monté d’année en année jusqu’au milieu de sa vie, d’année en année, il le descendra pour revenir tout nu à son point de départ.
Peu à peu, il avait grandi, élevé à sa taille au-dessus de la terre ; peu à peu, il rapetissera et vers la terre se courbera.
Peu à peu, il avait ouvert ses sens, l’ouïe, la vue et tous les autres, comme des fenêtres, le matin ;
Peu à peu, l’un après l’autre, il les refermera comme des fenêtres le soir.
Un peu plus, chaque jour, il avait amassé dans sa mémoire toutes sortes de sciences ; elles s’échapperont de sa mémoire chaque jour un peu plus.
Un peu plus, chaque jour, ses jambes étaient devenues solides, ses mains adroites, sa langue habile, riche en paroles ;
Ses jambes deviendront faibles, ses mains maladroites, sa langue, pauvre, embarrassée, chaque jour un peu plus.
Un jour, il avait su parler ; un jour, il ne saura plus.
Un jour, il était descendu des bras de sa mère et il avait marché seul : un jour, il cessera de marcher seul et s’appuiera au bras de sa fille.
Un jour, il n’était pas encore sorti de son berceau et une femme, de temps en temps, le prenait pour l’allaiter et changer ses langes ; un jour, il ne quittera plus son lit et une femme, de temps en temps, viendra le nettoyer et lui donner à boire.
Un jour, pour la première fois, il avait ouvert les yeux et il avait vu ; un jour, pour la dernière fois, il fermera les yeux et ne verra plus.
Un jour, pour la première fois, il avait aspiré l’air de ce monde et il était né ; un jour, pour la dernière fois, il expirera l’air de ce monde et il sera mort.
Un jour, avant tous ses jours, il avait passé de longs mois dans l’obscurité de sa mure à former ses os et sa chair et composer son corps d’homme ; un jour, après tous ses jours, il passera de son corps d’homme ; un jour, après tous ses jours, il passera de longs mois dans l’obscurité de la terre à décomposer son corps d’homme et défaire sa chair et ses os.
Un jour, avant tous ses jours, il était sorti de son père comme une petite graine de vie ; un jour, après tous ses jours, il rentrera dans le Père des pères pour être engendré de nouveau à la vie éternelle.
Marie Noël
Tags : Poésie
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Commentaires
1renalMercredi 4 Février 2015 à 09:23Très beau. MerciRépondre-
PestouneMercredi 4 Février 2015 à 13:33
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