• L'orage de Amable Tastu

     

    L'éclair luit, le tonnerre gronde !
    Le voile d'une nuit profonde
    S'étend sur la face des cieux.
    D'où vient qu'en mon âme oppressée
    S'agite l'image effacée
    De jours déjà loin de nies yeux ?

    Ces jours, où la terre natale
    Aux mains d'une ligue fatale
    Livrait ses foyers envahis,
    Où la gloire, en fuyant nos armes,
    Vit couler mes premières larmes
    Sur les malheurs de mon pays !

    Où des combats l'écho sonore,
    De la peine endormie encore
    Hâta le funeste réveil ;
    Où, peuplant mes tranquilles rêves,
    Des fantômes armés de glaives
    Troublèrent mon jeune sommeil.

    Je croyais voir, des toits en flammes,
    S'enfuir les enfants et les femmes,
    Les époux tomber sous le fer,
    Et, penchée au bord de ma couche,
    Plus d'une fois d'un cri farouche
    Je crus entendre frémir l'air.

    Cependant mon âme alarmée
    Voyait encore l'Europe armée
    Prête à reculer devant nous :
    Unique vœu, grâce dernière,
    Que ma confiante prière,
    Du Ciel attendait à genoux.

    Peut-être ainsi durant l'orage
    La simple fille du village
    Allume le cierge sacré ;
    Et sa foi naïve et profonde
    Oppose à la foudre qui gronde
    L'eau sainte et le buis consacré.

    Mais l'orage dans sa furie
    Redouble ! Et j'ai vu ma patrie
    Plier enfin son front puissant ;
    Un jour j'entendis à nos portes
    Le pas des lointaines cohortes
    Sur le pavé retentissant.

    Et moi, près du foyer penchée,
    La tête dans mes mains cachée
    Fuyant même des yeux amis,
    J'essayais, dans ma triste veille,
    De dérober à mon oreille
    Le bruit des tambours ennemis !

    Ainsi de ces jours d'épouvante
    Dans mon sein l'image est vivante,
    Rien encore ne l'a pu bannir ;
    Et de mes plus belles années
    Les heures les plus fortunées
    Ont glissé de mon souvenir.

    La joie est une fleur légère ;
    Du présent l'aile passagère
    La fait naître et la voit mourir ;
    Mais une blessure guérie
    Au souffle du temps qui varie,
    Parfois nous fait encore souffrir.

    De nos plaisirs les ans avides
    N'épargnent sous leurs pieds rapides
    Que les vestiges des douleurs,
    Nos traits où le rire s'efface,
    Longtemps hélas gardent la trace
    Qu'en passant y creusent les pleurs !

     

    Amable Tastu. (1795-1885)

     

    L'orage de Amable Tastu

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  • Commentaires

    1
    Lundi 31 Mai 2021 à 10:04

    Ce découvre ce sublime poème 

    Je ne suis pas une adepte de l'orage ...

     

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    2
    Lundi 31 Mai 2021 à 14:51

     bonjour ma tite brigitte  

     très très  beau poeme  il est vrai que l'orage de looin je le sent arriver et angoissé je suis belle jounée à toi et gros bisous monette

    3
    Lundi 31 Mai 2021 à 17:57

    Bonjour ma Brigitte 

    En lisant ce superbe poème, j'ai l'impression de me retrouver pendant la guerre quand nous allions nous cacher dans la cave en entendant les bombardements

    Je ne connais pas cet auteur mis j'aime son poème.

    Bonne soirée et gros bisous 

    Méline

     

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