• Une sotte sorcière

    Une sotte sorcière

     

    Oh ! Certes, elle n'avait jamais été une sorcière de haut vol. On perdrait son temps à rechercher sa trace sur les registres des meilleures écoles de sorcellerie. Son nom, jamais, ne s'inscrirait en lettres de feu au panthéon de sa confrérie démoniaque, comme ceux de Carabosse ou d'Harry Potter. Pour autant, elle n'en était pas moins méchante qu'une autre. Pas moins assidue aux sabbats du samedi soir quand elle allait danser avec les démons de la contrée. Non, elle s'acharnait juste  à devenir la sorcière la plus nigaude du Territoire de Belfort ! Adepte du Malin, elle n'était pas très maline. A dire le vrai, cette sorcière terrifortaine passait pour une formidable andouille. Elle s'appelait Pipistrelle, un nom de chauve-souris qui lui allait plutôt bien. 

    Dans son genre gothique, on pouvait la considérer comme une jolie créature. Imaginez un peu Sophie Marceau, tout habillée de noir, avec un chapeau en peau de chat, de long cheveux roux, une petite verrue verte sur le nez et des yeux vairons ; alors vous aurez son portrait tout craché. D'après une vieille rumeur locale, Pipistrelle habitait à Angeot. Toutefois se devait être plutôt amusant pour une sorcière de vivre dans un village qui portait un nom pareil. Angeot, c'était rigolo. La maison de Pipistrelle s'y cachait dans un endroit mystérieux que les anciens cadastres nomment la "Fontaine de lai Sorcière".

    Cette sotte sorcière traînait derrière elle la réputation d'être une grande faiseuse de catastrophes. Sans exagérer, mis bout à bout, la liste de toutes ses bévues, bêtises et autres stupidités pourrait former une grande guirlande qui monterait d’ici jusqu’à la Lune. Le plus calamiteux de tous ses exploits lamentables se produisit quelques jours avant l'an 2000. Sans conteste, la cerise sur le gâteau de ses sottises. 

    Cette fois-là, à califourchon sur son balai, la sorcière rentrait chez elle à grande vitesse. Le calendrier indiquait un jour après Noël, le 26 décembre 1999. C'était dans un autre millénaire. Un temps qui , aujourd'hui, semble déjà si lointain que nous n'aurez aucun mal à imaginer que les sorcières pouvaient encore y exister ! 

    Ce matin du 26 décembre 1999, il soufflait un vent à décorner les bœufs. Un terrible souffle démoniaque qui balayait la campagne en rafales hurlantes. La sorcière, sur son balai, riait, riait à gorge déployée. Pipistrelle profitait de ce vent furieux pour faire les loopings extravagants dans le ciel bouleversé. Pipistrelle avait beau avoir fêter son 333e anniversaire, elle s'amusait comme une gamine sur le grand huit d'une fête foraine. Ses longs cheveux rouges dansaient une gigue folle et giflaient sa figure hilare. La sorcière volait bas. Par ce temps à ne pas mettre un chrétien dehors, elle ne risquait guère d'être aperçue par un passant promenant son caniche. A cette heure venteuse, les humains se terraient chez eux sur les kilomètres à la ronde. Aussi la sorcière s'en donnait-elle à cœur joie. Elle filait telle une fusée en direction du village de Bavilliers. Depuis toujours, un de ses jeux préférés consistait à donner le tournis aux coqs de bronze qu surplombent les clochers. Tout se passa très vite, sans doute la sorcière avait-elle mal réglé sa vitesse. Quoi qu'il en soit, en une fraction de seconde, l'église de Bavilliers n'eut plus de clocher ! (Ce fait divers hivernal est malheureusement authentique. N'empêche, la presse locale rata, à cette occasion, un scoop sensationnel).  Cette grosse andouille de Pipistrelle se l'était pris en pleine poire. Ensuite, tout estourbie, elle avait valdingué dans un buisson de buis (non bénit). Quelques instants plus tard, les badauds bigots sortis contempler le désastre tombaient des nues. Bien trop vite, ils accusèrent le vent de ce sacrilège. Pardi ! Le vent, c'était tout de même plus rassurant. Plus ordinaire que d'imputer la catastrophe à des forces moins naturelles. Personne, il est vrai, ne remarqua l'étrange chapeau pointu qui traînait dans les décombres du pauvre clocher. 

    "Une sorcière emplafonne le clocher de l'église de Bavilliers !"

    Avec ce gros titre, les journaux du coin auraient à coup sûr triplé leurs ventes. Peut-être même que Bavilliers serait devenu célèbre dans le monde entier. A l'heure actuelle, dans toutes les boulangeries du village, on vendrait chaque mois de décembre de petites sorcières en pâte d'amandes pour commémorer cet événement. 

    Souvent, les gens rechignent à croire au surnaturel mais là, il existe malheureusement des preuves irréfutables. Pour s'en convaincre, il suffit de relire les journaux de l'époque. Somme toute, une église décapitée par une sorcière ce n'est pas un fait divers qui arrive tous les hivers. 

     

                                                           Hervé THIRY-DUVAL

                                                           Les "franches contées" légendes et racontars

                                                           Editions Sutton 

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  • Commentaires

    1
    Jeudi 30 Juillet 2020 à 06:42

    J'ai adoré l'histoire... et pourquoi pas, après tout ???

    Très bonne journée et gros bisous

    2
    Jeudi 30 Juillet 2020 à 15:03

    bonjour brigitte ,

     je me souviens de mon enfance ou mon petit frère nous racontais de drôles d'histoires bienfaisantes ou maléfiques, les sorcières étaient nombreuses en bretagne ( sourire)  gros bisous monette

    3
    Vendredi 31 Juillet 2020 à 18:26

    Pipistrelle s'est peut-être cachée, honteuse, ou alors ses coreligionnaires ont étouffé l'affaire, peut-être même graissé la patte des journalistes, allez savoir, ça s'est déjà vu.

    sarcastic

    Bonne soirée Brigitte, je t'embrasse.

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