• Tu parles de Léopold Sédar SENGHOR

     

     

    Tu parles de ton âge, de tes fils de soie blanche.

    Regarde tes mains pétales de laurier-rose, ton cou le

    seul pli de la grâce.

    J’aime les cendres sur tes cils tes paupières, et tes yeux

    d’or mat et tes yeux

    Soleil sur la rosée d’or vert, sur le gazon du matin

    Tes yeux en Novembre comme la mer d’aurore autour

    du Castel de Gorée.

    Que de forces en leurs fonds, fortunes des caravelles,

    jetées au dieu d’ébène !

     

    J’aime tes jeunes rides, ces ombres que colore d’un

    vieux rose

    Ton sourire de Septembre, ces fleurs commissures de

    tes yeux de ta bouche.

    Tes yeux et ton sourire, les baumes de tes mains le

    velours la fourrure de ton corps

    Qu’ils me charment longtemps au jardin de l’Eden

    Femme ambiguë, toute fureur toute douceur.

     

    Mais au coeur de la saison froide

    Quand les courbes de ton visage plus pures se

    présenteront

    Tes joues plus creuses, ton regard plus distant, ma

    Dame

    Quand de sillons seront striés, comme les champs

    l’hiver, ta peau ton cou ton corps sous les fatigues

    Tes mains minces diaphane, j’atteindrai le trésor de

    ma quête rythmique

    Et le soleil derrière la longue nuit d’angoisse

    La cascade et la même mélopée, les murmures des

    sources de ton âme.

     

    Viens, la nuit coule sur les terrasses blanches, et tu

    viendras

    La lune caresse la mer de sa lumière de cendres

    transparentes.

    Au loin, reposent des étoiles sur les abîmes de la nuit

    marine

    L’Île s’allonge comme une voie lactée.

    Mais écoute, entends-tu? les chapelets d’aboiements

    qui montent du cap Manuel

    Et monte du restaurant du wharf et de l’anse

    Quelle musique inouïe, suave comme un rêve

     

    Chère !….

     

                    Léopold Sédar SENGHOR  : "Lettres d'hivernage"

     

    Tu parles de Léopold Sédar SENGHOR

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  • Commentaires

    1
    smara
    Mercredi 10 Avril 2019 à 13:37

    Magnifique. J'adore cette fin où, en quelques mots, il rend présente cette femme dont il parle . 

      • Mercredi 10 Avril 2019 à 20:09

        Léopold Sedar Senghor avait cette finesse d'esprit, cette délicatesse qui lui permettait de souffler à ses lecteurs une idée fugitive, un sentiment, tout en restant dans l'allégorie ou dans l'éthéré.  Merci de ton passage Smara

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