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Suzanne Noël, pionnière de la chirurgie plastique
Ses débuts
Suzanne Noël, née Suzanne Blanche Marguerite Gros le 19 janvier 1878 à Laon (Aisne).
A l’âge de 19 ans, elle épouse le dermatologue Henry Pertat, jeune médecin prometteur. Son destin semble tout tracé, épouse comme de bien entendu soumise à son mari, mère, femme au foyer. Mais Suzanne n’est pas faite de ce bois-là.
Bravant tous les préjugés de l’époque, elle qui n’a fait que les études dévolues aux jeunes filles de province, Suzanne décide avec l’accord et le soutien de son mari, de passer son baccalauréat pour commencer des études de médecine. Elle est nommée externe des hôpitaux en 1908.
Elle commence son externat chez le professeur Morestin, pionnier de la chirurgie maxillo-faciale. A peine arrivée, elle assiste à l’intervention du professeur sur une fillette défigurée par une brûlure. Sa vocation est posée, elle sera chirurgien esthétique.
Il lui faudra de l’opiniâtreté, de la persévérance pour mener ses études, les hommes tant professeurs qu’étudiants, ne seront pas tendres avec elle.
Suzanne Pertat, fait connaissance dans le service du Professeur Brocq, d’un de ses collègues André Noël dont elle tombe amoureuse et devient sa maîtresse. Elle donne naissance à une fille, Jacqueline en 1908 sans être assurée de la paternité de cette enfant.
En 1912 Suzanne achève son internat et se spécialise dans le domaine de la chirurgie maxillofaciale.
Höpital Saint-Louis. Extr du Livre d'or de l'Internat des hôpitaux de Paris 1914-1919. Collections de la BIU Santé. (Suzanne Pertat est la seule femme du groupe.)
Première cliente : Sarah Bernard.
Suzanne est amenée à soigner la comédienne Sarah Bernhardt à la suite d’un lifting pratiqué aux États-Unis ayant abouti à un demi-échec ;
Suzanne nous raconte elle-même les faits : « En 1912, une de nos grandes artistes revint d'Amérique, et tous les journaux racontèrent comment, à la suite d'une opération pratiquée dans le cuir chevelu, elle avait retrouvé une jeunesse surprenante. Ce récit me frappa beaucoup, et sur mon propre visage j'essayais, avec les doigts, de pincer la peau en différents sens pour en rectifier les plis. Je fus étonnée des résultats. Ainsi renseignée, j'allais trouver l'artiste en question. Elle me reçut d'une façon charmante, m'expliqua ce qui lui avait été fait aux États-Unis. Il lui avait été prélevé, dans le cuir chevelu, une simple bande allant d'une oreille à l'autre. Si le résultat avait été assez efficace pour le haut de la face, en atténuant les rides du front et en effaçant la patte d'oie, il n'avait en rien modifié le bas du visage.
Notre vedette fut très séduite par mes explications, et je dois dire qu’elle fut une de mes premières clientes lorsque j’eus mis au point tout ce dont je lui avais parlé. Dès ce moment, sur des sujets de bonne volonté qui se présentèrent, je pratiquai de timides interventions dont je souris maintenant, mais qui me firent comprendre tout ce qu’on pouvait attendre d’opérations plus larges. J’essayai même de travailler sur le muscle mais j’y renonçais rapidement, ce procédé nuisant beaucoup aux interventions possibles pour l’avenir. »
Première guerre mondiale
Henri Pertat et André Noël partent tous les deux au front. Suzanne rejoint le professeur Morestin à l'hôpital militaire du Val-de-Grâce, auprès duquel elle se forme rapidement aux techniques extrêmement délicates de la chirurgie réparatrice. Elle est autorisée, en ces temps de guerre, comme tous les internes, à exercer la médecine sans avoir à soutenir de thèse, dans de dures conditions matérielles. Elle doit faire face à des difficultés pour faire vivre sa fille et sa mère réfugiée.
Cette guerre aura fait des centaines de milliers d’infirmes et d’estropiés dont les Gueules Cassées. Avec le professeur Morestin, Suzanne va tout faire pour redonner face humaine à des centaines d’hommes. Car Suzanne est une chirurgienne extraordinaire. Elle pratique transplantations et greffes jamais osées auparavant, pour refaire des visages humains.
Entre deux guerres
Dans sa vie personnelle, Suzanne va devoir affronter des drames.
Son mari meurt des suites de la guerre à la fin 1918 âgé de 49 ans. En janvier 1922, la petite Jacqueline meurt subitement de la grippe espagnole, puis en août 1924, André Noël, avec lequel elle s'était remariée, éprouvé par la perte de leur fille, se suicide.
La chirurgie esthétique occupe dès lors une place fondamentale dans sa vie : elle soutient sa thèse en 1925 et étend ses activités de chirurgie, jusque-là confinées au visage, aux autres parties du corps (remodelage des seins, des fesses, des cuisses, dégraissage de l'abdomen et des jambes), ce qui l'amène à inventer des techniques (dégraissage par aspiration) et des instruments (craniomètre, gabarits) encore utilisés aujourd'hui.
Impliquée dans la cause des femmes, elle organise en 1923 une manifestation pour appeler les femmes qui travaillent à ne pas payer d'impôts puisque l'État ne leur reconnaît aucun droit. Elle est alors contactée par deux femmes américaines fondatrices d'un club féminin : les Soroptimist qui défend les femmes dans la conquête de leurs droits. Elle se lance avec enthousiasme dans l’organisation du 1er club Soroptimist en France, d’autres suivront. Elle est d’ailleurs une féministe convaincue, portant volontiers sur son chapeau un ruban bleu avec l’inscription "je veux voter". Suzanne Noël mène alors deux activités : la chirurgie esthétique et le militantisme féministe.
En 1928, elle reçoit la Légion d'honneur et la reconnaissance de la nation, pour sa contribution à la notoriété scientifique de la France sur la scène internationale.
Au printemps 1936, elle est opérée de la cataracte et réalise qu'elle ne peut plus exercer au même rythme qu'avant.
La seconde guerre mondiale et après guerre.
Pendant cette guerre, Suzanne entre dans la clandestinité, elle modifie les visages de résistants ou de juifs recherchés par la Gestapo. À la Libération, elle intervient pour effacer les séquelles physiques de déportés des camps de concentration nazi.
Elle donne des conférences dans le monde entier, tant pour promouvoir l’émancipation des femmes que pour vanter les bienfaits de la chirurgie plastique.
Elle meurt à son domicile parisien des suites d'une fracture du fémur le 11 novembre 1954, à 76 ans. Une plaque commémorative y a été apposée en septembre 2018. Elle est inhumée avec ses proches, Jacqueline (1908-1922) et le docteur André Noël (1885-1924), au cimetière de Montmartre.
Une fondation Suzanne Noël récompense maintenant tous les deux ans une jeune femme chirurgien se destinant à la Chirurgie Plastique et Esthétique.
Pionnière, spécialisée en chirurgie esthétique, chirurgienne des soldats gravement blessés au visage, les "Gueules cassées", militante féministe, engagée dans Soroptimist international, fondatrice du club France, Suzanne Noël était une femme d'exception.
https://www.youtube.com/watch?v=ExiboAPAO38
Sources
https://www.biusante.parisdescartes.fr/sfhm/hsm/HSMx1988x022x001/HSMx1988x022x001x0021.pdf
https://www.aaihp.fr/Histoire/Suzanne-Noel.pdf
https://fr.wikipedia.org/wiki/Suzanne_Noël
https://www.salientwomen.com/2020/10/07/biography-of-suzanne-noel-french-surgeon/
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Tags : suzanne, chirurgie, noel, professeur, pionnier
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Commentaires
Une femme avec un "grand destin" qui a su rendre un visage "humain" aux militaires blessés entre autres et qui a bien oeuvré pour la chirurgie esthétique en général...
Très bonne journée et gros bisous.
bonsoir Brigitte
et quelle grande femme c'était ?? il y a fort longtemps quand je me rendais au marché à la main de ma maman je remarquais dand ces kioques de loteries nationales celle ci était tenue par des personnes aux visages meutris par de multiples blessures drole de souvenirs espérons que plus jamais ça douce soirée et gros bisous monette
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Quelle femme de caractère et compétente
Merci pour ce fabuleux article
Merci Brigitte