• Pierre Rahbi et Nicolas Hulot Graines de possibles - Citations et commentaires

    Citations et commentaires

    PR : J’ai découvert que ce microcosme était organisé comme une pyramide, avec les importants « en-haut » et ceux « d’en bas », invités à gravir les échelons. (Note perso : et ça n’est même plus le cas aujourd’hui où l’ouvrier restera en bas, les chefs sortant chefs directement de l’école, d’où un décalage entre ces deux mondes, déjà.) J’ai pris conscience de cette hiérarchie du pouvoir, de l’avoir et de l’oppression. Je ne cherche pas l’égalité (…). Je lui ai toujours préféré la diversité des talents et des compétences, dans un esprit de complémentarité. Mais je ne comprenais pas pourquoi certains ne bénéficiaient pas de plus de reconnaissance alors qu’ils travaillaient plus ou accomplissaient les tâches les plus insalubres (…)

    NH : Je partage avec toi ce refus de l’autorité de fait. J’accepte l’autorité du savoir, de la connaissance, du génie (…)

    PR : Quand je travaillais, j’aurais parfaitement accepté de balayer si ce rôle avait été reconnu comme un service ayant de l’importance pour les autres, une véritable contribution solidaire dans un esprit de réciprocité. Mais je n’accepte pas d’être un subalterne ou d’être classé d’office comme un individu bas de gamme.

    (C’est pourtant et hélas le fonctionnement de nos sociétés qui à travers l’assise du pouvoir et du profit, ont toujours refusé de prendre conscience que sans le travail de la masse salariale, l’ensemble de l’édifice s’effondre. En effet le seul argent et la seule tête pensante ne fera jamais fonctionner une entreprise. En effet pour qu’une pyramide tienne, il lui faut une bonne assise et une bonne base.  Car je vois le monde du travail comme une pyramide non pas en termes de valeur ou de compétences mais en terme de nombre. Je m’explique, la pointe de la pyramide est le ou les financiers, peu nombreux, puis viennent les concepteurs et enfin les INDISPENSABLES sans qui rien ne serait possible, l’assise la base de toute entreprise, toutes ces mains qui travaillent dur. Ce sont eux les plus méritants et à qui on devrait manifester le plus de considérations. )

    A propos des substances chimiques

    NH : Ce qui me surprend le plus c’est notre capacité à nier ces conséquences et à nous dire que la nature est capable de faire disparaître toutes les substances chimiques que l’on disperse. Mais rien ne se perd, tout se transmet et au bout de la chaine alimentaire, il y a l’homme ! (…)

    (…) Chaque année, on met sur le marché des milliers de substances, de principes actifs dont on n’a pas modélisé l’impact.  Sur 100 000 molécules chimiques aujourd’hui commercialisées, moins de 5000 ont été évaluées au niveau toxicologique, et à peine une centaine sur leurs conséquences cancérigènes. On se contente de vérifier leur toxicité immédiate.

    PR : (…) Ce que nous faisons à la terre, nous nous l’infligeons à nous-mêmes. Les substances toxiques que nous utilisons, se retrouvent fatalement dans notre physiologie. D’où des pathologies toujours plus nombreuses. (…)

    NH : (…) Le professeur Belpomme, qui est à la tête du plan Cancer, (…) ose dire que, si nous avons en France un taux de cancers plus élevés qu’ailleurs, cela s’explique par des origines environnementales. 75% des cancers seraient liés à la dégradation de notre environnement.

    (…) Le professeur Gilles-Eric Séralini nous explique qu’il y a des phénomènes d’accumulation entre différentes substances qui peuvent sur le long terme déclencher des pathologies, des allergies et même des mutations génétiques, notamment sur le fœtus. (…)

    Le CRII-GEN (comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique) a fait un gros travail d’information sur les relations de cause à effet entre l’usage de certaines substances comme les pesticides, les insecticides et même les engrais, et des émergences de pathologies, cinq, dix ou quinze ans après.

    Les débuts de Pierre Rahbi dans une nouvelle agriculture.

    PR : (sous-entendu face à l’agriculture productiviste) Existait-il une agriculture capable d’allier la nécessité de produire et le respect de la nature ? (…) Et puis un jour, le Dr Richard est arrivé en souriant, un ouvrage à la main. C’était  La Fécondité de la terre d’Ehrenfried Pferffer, un Autrichien (… qui a appliqué les principes de la biodynamie… prenant en compte les relations existant entre tous les éléments naturels : le sol, les animaux, les plantes, les minéraux, le soleil, la lune…) C’est là que j’ai commencé à comprendre ce qu’était l’écologie. Pour la première fois, on me proposait une agriculture qui, plus que de respecter al vie, contribuait à régénérer ce qui était dégradé. (…) J’avais désormais la conviction que l’on pouvait travailler la terre en la respectant.

    A propos de la ville, de la vie moderne

    PR : La ville impose une sorte de claustration. Comment s’épanouir dans cette masse pétrifiée faite de béton et de bitume, où le regard se heurte sans cesse à une enseigne ou à un panneau publicitaire qui vous rappellent l’univers marchand dans lequel vous être immergé ? (…) La solitude y est pire que nulle part ailleurs. Sans parler du bruit et des miasmes toxiques.

    (…) On dit toujours que la science et la technique libéreront l’homme. Mais il n’y a qu’à observer l’itinéraire d’un être humain dans la modernité : de sa naissance à sa mort, il passe d’une incarcération à l’autre. De la maternelle au lycée, qu’on appelle le « bahut », de la caserne aux « boîtes » dans lesquelles on travaille. A côté de ça, les jeunes s’amusent en « boîte » et y vont dans leurs « caisses ». Il y a aussi des boîtes à vieux et enfin l’ultime boîte, facile à deviner. Ce plan d’existence fait d’aliénations et d’incarcérations successives ne laisse plus à l’individu aucun autre espace de réalisation que celui qui lui impose le système.

    (…) Et ce formatage commence très tôt. Aujourd’hui, pour éduquer l’enfant, on l’enferme. On lui apprend la vie dans la claustration alors qu’il faudrait lui montrer concrètement ce qu’est une plante ou un insecte. Les écoles devraient aller dans la nature, car on peut tout y enseigner : la gym, l’entomologie, la botanique, la géologie, l’ornithologie… La nature est un livre constamment ouvert et offert à notre décryptage.

    Les animaux

    (…) La condition  faite aux animaux constitue pour moi une grave dérive. Au sein du monde moderne, ces créatures sont complètement virtualisées. Nous ne les pensons plus dans leur intégralité et leur sensibilité. Elles sont devenues des côtelettes, des cuisses, des ailes ou du jambon…  (…) Descartes ne disait-il pas que l’animal n’est qu’une « mécanique biologique » ?  Mais comment en est-on arrivé à oublier à ce point que les animaux ont été pour l’espèce humaine des ressources alimentaires mais aussi de véritables auxiliaires ?  Le monde industriel, grisé par ses « chevaux-vapeur », a interrompu cette belle aventure commune.

    L’écologie

    PR : Etymologiquement, l’écologie veut dire « science de la maison ». Les hommes ont la capacité de prendre en charge leur demeure collective. Ils en ont aussi le devoir. Je suis convaincu que l’école est la seule porte d’entrée et de sortie possible du XXIème siècle.

     

    NH : Il y a un vrai paradoxe. Jamais notre société n’a été aussi puissante et étincelante et jamais elle n’a été aussi vulnérable ! (…) Les occidentaux voient l’histoire humaine comme une évolution constante, une libération progressive de la nature qui serait le gage de leur intelligence. Mais plus ils croient se libérer de cette nature, plus ils deviennent vulnérables.

    NH : Paul Taponnier, un géologue, (…), disait que l’homme avait déménagé plus de matériaux que la nature n’en a déplacés. A cause de notre démographie et de notre technologie, nous n’exploitons plus nos ressources à la même échelle. La demande est plus forte que l’offre et la capacité de régénération de la Terre a été largement franchie depuis le début des années 80. Chaque année les hommes consomment 20 % de plus que ce que produit la terre. Chaque jour nous consommons dix mille fois plus que ce que la nature est capable de nous offrir (…) La biomasse des océans, c’est-à-dire la quantité de matière vivante a été divisé par dix en cinquante ans !

    (…)

    NH : L’agriculture absorbe aujourd’hui 70 % de l’eau consommée dans le monde (…) Un gigantesque gâchis quand on sait qu’un petit pourcentage serait nécessaire à la plante(Je ne peux que témoigner d’un fait parmi d’autres, la culture du maïs dans les deux régions limitrophes Alsace et Franche Comté. Dans certains endroits de l’Alsace, le maïs est arrosé 24/24 h alors qu’en Franche Comté, il ne l’est pas. Le maïs pousse aussi bien avec les arrosages venant de la pluie et sans ce gaspillage que fait l’Alsace clamant que les nappes phréatiques peuvent supporter cela… Mais combien de temps encore ? )

     

    PR : L’agriculture industrielle avec son attirail d’engrais chimique a d’abord donné des résultats spectaculaire en terme de productivité. Mais  on n’en a pas mesuré les effets à terme sur la biologie du sol. Les engrais ont finalement créé un déséquilibre et gravement carencé  la plante rendue vulnérable aux maladies, ce qui a justifié par la suite les pesticides.

     

    NH : (…) Quand je lis les rapports du Programme des Nations Unies sur l’environnement (PNUE) (…) à l’échelle planétaire, comment vivront nos enfants ? C’est (…) le combat humaniste par excellence, parce qu’il va rendre tragiquement et sinistrement dérisoire le reste de nos préoccupation. Tout est lié : les fameux quatre pics  - pollution, consommation, population et érosion de la biodiversité – se rejoignent et s’alimentent l’un l’autre avec la même vitesse d’accélération.

     

    L’Afrique

    PR : En  Afrique, le discours officiel était le suivant : « Mon pauvre vieux, si maintenant tu veux gagner de l’argent, il faut travailler, exporter et utiliser ce qu’on te donne. » On a fait venir des ingénieurs, formés dans des écoles d’agronomie selon le dogme : « Pas de salut sans les engrais, les pesticides ou les semences améliorées. » Et on a organisé les masses paysannes pour produire « exportable », avec les intrants chimiques. (…) Il fallait bien sûr que les paysans africains puissent expérimenter ces nouvelles méthodes. On a créé des coopératives, destinées au début à la vulgarisation des techniques modernes de l’agriculture, avec distribution gratuite d’engrais et autres pesticides. (…) On commence par « généreusement » distribuer de quoi doper une petite parcelle de sol qui n’a jamais reçu ces substances. L’augmentation de production est bien entendu spectaculaire et le paysan est d’emblée convaincu. Il réclame de nouveau des produits, mais, cette fois, on lui annonce qu’ils sont payants. S’il n’a pas d’agent –ce qui est souvent le cas-, on lui fait une avance sur récolte et le processus de l’endettement s’enclenche.

    Il  faut environ trois tonnes de pétrole pour produire une tonne d’engrais. Les prix sont indexés sur le cours du pétrole, et donc du dollar, d’iù la dépendance que l’on observe partout dans le tiers-monde. C’est la genèse de cette mondialisation tant décriée aujourd’hui.

    Ce changement de mode de production a aussi eu d’autres conséquences catastrophiques. La culture du coton, entre autres, a été à l’origine d’une grande destruction des sols. Parce que cette culture est très exigeante en engrais, en pesticides et en eau. Elle laisse des résidus très ligneux qui ne se décomposent pas. Par ailleurs, on met la pression aux paysans pour qu’ils produisent plus, ce qui signifie qu’ils doivent agrandir leurs parcelles, et donc déboiser. Le paysan contribue donc, sans en être conscient, à désertifier son propre milieu ! Les Thaïlandais ont déboisé à tel point qu’aujourd’hui il leur manque du bois et qu’ils sont obligés d’en importer.

    (…) Croire que l’Afrique est pauvre est un leurre. Ce continent représente trois fois la superficie de l’Inde et regorge de richesses et de ressources, sans compter que son peuple est très jeune. Il a tous les ingrédients de la prospérité. (…) Hélas c’est aussi un continent géré sur les pillages et les ententes illicites entre mafias internationales. C’est à cause de tout cela que l’Afrique s’enlise dans la misère.

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