• Le troubadour et la louve

    Peire Vidal était un troubadour sans terres, ni trésors. Tout ce qu'il désirait, il le chantait et tout ce qu'il chantait, il le faisait vrai.  Ce fou à la langue éblouie s'était taillé une vie à sa mesure. 

    Dans son château aux racines de pierre, une femme se languissait. Sa jeunesse était claire. Pourtant son âme avait mille ans. la Loba, la "Louve", comme on l'appelait, avait besoin pour vivre du chant des poètes de ce monde. Tout le jour, elle arpentait les salles trop longues de son domaine silencieux. Son regard solitaire allait se perdre par-delà les vitraux dans le chaos calme des rocailles éparses et des maigres broussailles. Mais à la nuit venue, son château s'emplissait de splendides errants qui savaient des airs plus émouvants que les souffles du ciel. Alors seulement la vie refluait en elle, belle, sauvage, à son image. 

    Peire Vidal, le troubadour, s'est pris d'amour violent pour cette femme au cœur pur qui ne savait pas mentir, pour celle qui ne voulait être fidèle qu'aux changements de son âme, pour la belle aussi douce que dangereuse dans sa beauté sans fard. Mais comment un homme pourrait-il être aimé d'une louve ? 

    Le troubadour s'est éloigné de la cour. Bientôt on ne l'a plus vu aux banquets. Il s'est réfugié dans la forêt. Une joie étrange lui venait de ces lieux rudes où nul homme ne vit. Il a recouvert son corps d'une peau de loup. Même son odeur est devenue celle d'une bête. Parfois, il venait rôder près du château pour voir sortir la dame à qui son cœur appartenait. 

    Mais un jour les bergers et leurs chiens l'ont surpris et traqué sans relâche. Il fut attrapé et battu jusqu'à ce que, sous la toison noire, on découvre son visage d'homme. Alors, on a ramené chez la Louve le fou à moitié mort. Le voyant ainsi défait et lamentable la dame s'est mise à rire, et tandis qu'elle riait une lumière lui pénétrait le cœur. L'homme ensanglanté a murmuré qu'il n'avait pas honte, que c'était même grand honneur d'être devenu loup par amour pour une aussi belle femme. On dit que la dame en fut si émue qu'elle a fait monter l'homme dans la plus haute tour de son château. 

    Et c'est dans sa chambre en plein ciel qu'elle a guéri de ses mains de lumière le fou d'amour blessé 

    Sylvie Folmer

    extrait de "Les Loups" Ed Albin Michel

     

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  • Commentaires

    1
    Jeudi 1er Septembre 2022 à 21:04

    L'histoire de Peire Vidal est si bien contée par Sylvie Folmer. C'est l'un de mes troubadours préférés.

    2
    Jeudi 1er Septembre 2022 à 22:05
    Coucou ma belle, Un petit passage avant de reprendre le chemin. Je rouvre mon blog de pèlerinage et j'avoue que ton passage me ravira. Je t'embrasse de tout mon cœur Brigitte. P.S. J'adore ce conte beau et ....
    3
    Vendredi 2 Septembre 2022 à 04:39

    Oh merci 

    Bon vendredi Brigitte 

    4
    Vendredi 2 Septembre 2022 à 06:35

    Merci pour ce très beau conte...

    Très bonne journée et gros bisous.

    5
    Vendredi 2 Septembre 2022 à 06:53

    Un joli conte.

    Bonne journée Brigitte.

    Christian

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    6
    Vendredi 2 Septembre 2022 à 07:46

    coucou brigitte

     je m'apperçois que ce petit conte merveilleusement écrit est d'hier mais j'ai pas vue belle journée et des gros bisous monette

    7
    Balaline
    Vendredi 2 Septembre 2022 à 15:24

    J'aimerais tant que des troubadours sillonnent encore nos petites routes de campagne et s'arrêtent pour nous conter légendes et histoires du passé.
    Bien sûr nous avons quelques conteurs régionaux mais c'est plutôt rare et les veillées de nos ancêtres ont vraiment disparu, hélas !

    Belle soirée Brigitte 

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