-
Le pommier de Misère
Il était une fois une femme, petite et voûtée. Elle était vieille, très vieille, portait un manteau gris, râpé, un peu déchiré et, pour marcher, s'aidait d'un bâton.
Elle était pauvre, si pauvre qu'on l'appelait Misère.
Elle vivait dans une minuscule masure, posée au milieu d'un champ. Et, dans ce champ, elle avait un pommier garni de pommes rouges et rondes comme des joues d'enfant.
Bien avant l'automne, les gamins du village montaient dans l'arbre pour voler ses beaux fruits écarlates qui, la nuit, brillaient comme des petits lampions.
Misère avait beau crier, tout le monde savait qu'elle ne pouvait plus grimper dans les branches ou courir après les voleurs.
Alors, depuis bien longtemps, elle ne mangeait plus une seule de ses pommes
Un soir d'hiver, on frappa à sa porte. La vieille en fut contente car elle n'avait jamais la moindre visite.
C'était un mendiant. Ses joues étaient creuses, ses yeux luisaient de fièvre, il tremblait dans ses pauvres guenilles.
Misère le fit entrer, l'installa au coin du feu, partagea avec lui son maigre repas : un bout de pain noir, un peu de lait tiède.
Lentement, l'homme mangea puis se leva pour remercier la vieille. Il avait maintenant une autre allure, se tenait bien droit, la tête haute, il ressemblait à un grand seigneur.
Il dit :
- Toi seule au village m'as ouvert la porte ; alors, si tu fais un voeu, ton souhait sera exaucé car je suis plus sorcier que loqueteux !
Misère sourit et, du bout de son bâton, montra son pommier en disant :
- Je voudrais que tous ceux qui montent là-haut n'en redescendent que par ma seule volonté !
Et, à compter de ce jour, c'est ainsi que les choses se passèrent. Quand les garnements montaient dans l'arbre, ils restaient collés aux branches jusqu'à ce que Misère les prenne en pitié ! Après cela, ils ne venaient plus jamais l'importuner.
Et la vieille femme se régala enfin de ses plus belles pommes.
Un jour arriva au village une femme laide, édentée, au corps décharné. Elle entra sans frapper chez Misère et déclara :
- Je suis la Mort, je viens te chercher, l'heure est venue pour toi de me suivre.
Misère n'avait jamais été heureuse mais n'avait guère envie de mourir.
Elle demanda :
- La route sera longue, n'est ce pas ? Il faut manger un peu, prendre des forces... Voulez-vous aller chercher des fruits dans mon pommier ?
La Mort ne se méfia pas, elle grimpa dans l'arbre et, malgré ses cris, ne put en redescendre !
Comme elle était empêchée de faire sa besogne, plus personne ne mourrait sur Terre.
Tout le monde s'en réjouit mais, au bout de quelques décennies, dans les massons, vivaient quatre, cinq générations. Il fallait se serrer, on n'avait plus de quoi se nourrir, on se disputait...
Alors d'audacieux villageois vinrent supplier Misère de laisser redescendre la Mort.
La vieille femme finit par céder, mais elle proposa à la Mort un marché :
- Descendez de mon arbre, madame, mais oubliez-moi et laissez-moi en vie.
La Mort accepta. Et c'est ainsi que la misère est restée sur Terre. On dit qu'elle y sévit toujours, vivace et vigoureuse.
Mais la nuit, souvent, au-dessus du pommier, brille une étoile, petite lueur d'espoir.
Extrait de
"Contes des arbres et des Forêts" Ed des éléphants.
« Les 6 plantes utiles incontournables de l'automne. Toshikazu Kawaguchi - Tant que le café est encore chaud »
Tags : misere, vieille, pauvre, pommier, petits
-
Commentaires
bonjour Brigitte
pour en avoir lue quelques lignes que tu as partager j'ai bien aimé ce petit conte et pourquoi le mettre très bientôt au pied du sapin pour les enfants bel après-midi et des gros bisous monette
Ajouter un commentaire
Tu nous offres toujours des écrits intéressants
J'ai eu plaisir @ lire ta page
Bonne soirée @ demain