Un conte sous forme de poésies, illustrées des croquis et dessins de l'auteur Atiq Rahimi, romancier et réalisateur d'origine afghane.  Un conte qui parle du pire, de l'horreur, du génocide rwandais avec une pudeur et une dignité qui ne trahit en rien la mémoire de l'Histoire, ni sa violence.  

C'est un beau livre, puissant, émouvant. 

Mais comment mieux parler de ce livre que l'auteur lui-même en citant quelques phrases de sa préface  

"Non, ce n'est ni par hasard ni par nécessité si je me trouve ici, au Rwanda, pour tourner un film sur les prémices du génocide. Il y a autre chose. Un autre élan. Indéfinissable. Parce qu'il m'est venu du dehors, d'un ailleurs. C''est un appel, une convocation, dirais-je, pour que je re-garde et re-touche les cicatrices de l'Histoire dans un pays qui, tel un miroir, invite l'humanité à s'y contempler, à découvrir ses blessures, et à se re-connaître dans ses horreurs et ses douceurs. 

Cet appel, à peine entendu, projette sur mon écran-souvenir trois images d'horreur à l'instar d'un triptyque qui réanimerait celui d'un certain Jérôme Bosch. 

Trois images, celles du printemps 1994  

le séisme de la guerre civile en Yougoslavie

la calamité de la guerre fratricide en Afghanistan

et l'atrocité du génocide au Rwanda. 

Du feu, de la machette, du sang, des cadavres, des ruines, des larmes... envahissent les médias, mais pas encore la conscience du monde. Personne ne sait quoi dire, que faire.... 

Certains gardent le silence. 

D'autres regardent ailleurs. 

(...)

Je cède leur Histoire à ceux qui savent la prendre en charge ; je me laisse envahir, certes dangereusement, par leur imaginaire, leurs songes, leur rage, leu haine.. ainsi que par leur beauté, leur douceur, leur   poésie, et surtout leur sagesse de faire aujourd'hui le deuil du passé, de vivre sereinement ensemble malgré leurs blessures très profondes, couvertes de remords et de regrets. 

Et cela à travers mes rencontres avec des femmes et des hommes, des absents et des vivants, des légendes populaires - oubliées de l'Histoire mais gravées dans la mémoire de chaque Rwandais ; 

et grâce à l'osmose de nos délires et de nos songes ; 

afin de comprendre pourquoi sur ma terre natale personne ne parvient à se délivrer, comme ici au pays des mille collines,  de sa démence de vengeance aveugle. 

Mais je crains une évidence. 

Cette obsession de me voir dans le miroir de l'Autre inversera le sens de la traversée que je hasarde. Ce sont eux, les Rwandais, qui, en douceur indicible et insidieuse, s'inviteront dans mon imaginaire avec leurs contes et légendes, et leur expérience de l'horreur, pour jouer mes rêves, mes hantises, mes fantasmes.... à moi. 

(...)"