-
Ibn Khafâja - La montagne
C’était une montagne à cime haute et fière
Défiant le plus haut ciel de son garrot
Elle barrait sans peine les rafales du vent
Et repoussait des épaules les étoiles filantes
Les nuages la coiffaient de turbans noirs
Que les éclairs paraient de rouges mèches
Je tendis l’oreille, bien qu’elle fût muette
Et j’appris d’elle de merveilleux secrets :
« Souvent, dit-elle, je fus repaire de brigands
Refuge aussi des ermites repentants
« Des voyageurs vinrent à moi, nuit et jour,
Et dormirent à mon ombre montures et cavaliers
« Souvent mes flancs furent heurtés par le vent
Et je subis tout autant les assauts de l’océan
« La mort finit pourtant par tout engloutir
Rien ni personne n’est épargné par le temps
« Ce n’est point l’oubli qui sécha mes larmes
Je les avais déjà taries en faisant mes adieux
« Dois-je encore rester si mes amis s’en vont
Dire au revoir à ceux qui ne reviendront pas ? »
J’entendis d’elle, ainsi, des propos très sages
Qu’elle exprimait dans une langue éprouvée
Elle me consola tout en me faisant pleurer
Et fut pour moi la meilleure des compagnes
Salut ! lui dis-je en reprenant mon chemin
Certains doivent rester, et certains partir
Une anthologie des poésies arabes – Rachid Koraïchi
Tags : montagne, poésie, Ibn Khafâja
-
Commentaires
Très beau poème. Merci Pestoune, bon dimanche.