• Contre-attaque - Wladyslaw Szlengel

    Contre-attaque -  Wladyslaw Szlengel 

     

    Dégoutés de tout, silencieux  ils entraient dans les wagons

    Lançaient des regards soumis aux Saulys.

    - Du bétail !

    Les beaux officiers se félicitaient de ne pas devoir

    s’énerver,

    Les hordes suivaient une marche hébétée.

    Les cravaches claquaient

    Pour la parade : Dans les gueules !

    Sur la place, la foule silencieuse trébuchait.

    Avant de fondre en pleurs dans le wagon,

    Elle versait son sang et ses larmes sur le sable.

    Et machinalement, les « maîtres » jetaient sur les cadavres :

    Leurs paquets de clopes -  Warum sind Juno rund .

    Jusqu’au jour où, sur la ville endormie par la Stimmung,

    Ils sont tombés à leur tour comme des hyènes dans la

    brume matinale,

    Car le bétail s’est réveillé en montrant ses crocs.

    Le premier coup de feu a éclaté la rue Gentille.

    Un gendarme se tord sous un porche.

    un instant il reste debout éberlué,

    Tenant son épaule fracassée :

    Il dit : « Je saigne pour de bon ! »

    Les brownings retentissent

    Rue Basse, rue Sauvage, rue du Paon.

    Dans l’escalier où une vieille mère a été traînée

    par les cheveux,

    Gît le cadavre du SS Handtke.

    Bizarrement enflé,

    Comme s’il n’avait pas digéré sa mort, comme étouffé

    par la révolte,

    Il a craché du sang

    sur son paquet – Juno sind rund , rund, rund,

    Et mordu la poussière avec ses galons dorés.

    La roue tourne.

    Gisant en uniforme bleu clair sur un escalier souillé

    Un gendarme Rue du Paon, sale rue juive, ignore,

    que chez Schultz et Többens,

    Les balles sifflent et dansent joyeusement.

    La viande se révolte, la viande se révolte ! La viande

    se révolte !

    La viande crache des grenades par les fenêtres,

    la viande vomit des flammes écarlates et s’accroche à des

    carcasses de vie.

    Hé ! Quelle joie de tirer dans le blanc des yeux !

    Ici, c’est le front, les chéris !

    Hier trinkt man kein Bier mehr,

    Hier hat man keinen Mut mehr,

    Blut, Blut, Blut.

    Enlevez vos gants de peau fine et claire,

    Déposez vos cravaches, enfilez vos casques.

    Et demain, publiez ce communiqué :

    « Ils nous ont battus chez Többens.  »

    C’est la révolte de la viande, la révolte de la viande, le

    chant de la viande !

    Entends-tu, Dieu des Allemands, les Juifs qui prient dans

    leurs maisons de « sauvages ».

    Des triques et des gourdins à la main,

    Donne-nous, Dieu, une lutte sanglante,

    Nous t’implorons : accorde-nous une mort violente,

    Que  nos yeux avant le trépas, ne voient pas défiler

    de rails.

    Donne, Seigneur, de la précision à nos doigts,

    Que le bleu de leur uniforme rougisse de sang.

    Offre-nous ce spectacle avant que nos gorges

    Ne crachent un dernier soupir.

    Leurs saintes cravaches tremblent

    D’une peur humaine, comme la nôtre.

    Comme des fleurs ensanglantées,

    Rue Basse et rue Gentille, à Muranow,

    Le feu pourpre de nos canons éclot.

    C’est notre printemps ! La contre-attaque !

    L’ivresse du combat nos monte à la tête 

    Voilà nos forêts de partisans : au coin de la rue Gentille

    Et de la rue d’Ostrow.

    Nos numéros « d’immeuble » tremblent sur nos

    poitrines.

    Ce sont les médailles de la guerre juive.

    Un cri en toutes lettres s’illumine de rouge.

    Le mot « révolte » frappe comme un bélier,

    Et dans la rue, le sang colle à un paquet piétiné :  Juno

    sind rund ! 

     

    Contre-attaque -  Wladyslaw Szlengel

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