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Pilar Sordo Bienvenue douleur ! (2)
La douleur : une compagne de voyage.
« L’une des illusions les plus grandes et les plus fréquentes dans notre société moderne consiste sans doute à croire que nous avons gagné contre la douleur. » La douleur peut être d’ordres différents. Elle peut être un processus lors d’un apprentissage (on parle d’apprentissage douloureux). Il y a les douleurs psychologiques et émotionnelles (conflits, luttes, pertes, maladies, deuils…) ce sont celles dont on parle ici, les douleurs physiques (qui s’y retrouvent aussi).
« Dans nos pays, il n’y a pas beaucoup de respect de la douleur d’autrui. Nous avons perdu la capacité de nous étonner (…) et nous tendons à presser les personnes qui vont mal, probablement pour qu’elles cessent d’être un problème dans nos vies ou parce que nous ne savons pas comment les aider ni quoi leur dire, conduite qui les amène à vivre leur douleur en solitaire et à exprimer de moins en moins leur chagrin… »
Je rajouterai à titre personnel que l’on respecte plus la douleur qui se voit que la douleur caché. Il y a des degrés de douleur admis : émotionnellement la douleur d’une mère ayant perdu l’un de ses enfants est plus respectée que celle d’une épouse qui a perdu son mari (cette douleur-là doit être courte), dans le même esprit, physiquement on respecte mieux la douleur d’une personne atteinte d’un cancer que celle d’une personne atteinte de fibromyalgie qui ne se voit pas. Dans nos pays, nous rencontrons de grandes difficultés à exprimer nos émotions.
« Même si nous croyons le contraire, il est impossible de s’arracher à sa douleur (…) plus j’essaie de la chasser de moi, plus elle grandit à l’intérieur de moi. » « Regarder la douleur, la toucher, se faire ami avec elle et ne pas la combattre, ne pas s’énerver contre elle (…) est beaucoup moins compliqué que toute le force psychologique requise pour faire comme si elle n’était pas là. » « Nous pouvons évidemment commencer par le regarder avec peur et angoisse ou dégoût, mais si nous osons regarder ce colis (c’est ainsi que l’auteure nomme la douleur) avec curiosité en nous demandant non pas « pourquoi nous l’avons reçu » « mais plutôt ce que nous pouvons en faire » , alors peut commencer une aventure de transformation en forme de chemin riche d’opportunités pour grandir et nous fortifier. »
La mort
« Si nous avons une certitude depuis le jour où nous sommes nés, c’est que nous allons mourir ».
Parler de sa mort, c’est un geste d’amour car en exprimant ses désirs, sa façon de voir, nous laissons les choses claires au moment de partir et nos parents, nos amis auront la conscience tranquille en sachant nos volontés et en les respectant. « Quelle que soit la manière dont nous partirons, la façon de vivre le deuil de nos proches sera différente selon la façon dont nous partirons ».
Le deuil
« Toute perte comporte quatre étapes qu’il faudra inexorablement traverser si l’on veut vivre le processus de deuil sainement (…) : le choc, la colère, la peine et la réconciliation avec le deuil. » Ces étapes ne se dérouleront pas forcément dans cet ordre et chaque personne les vivra sur une durée qui lui est propre ; une durée qui peut se vivre en un seul long processus continu, ou en un processus par étape. Néanmoins, les psychologues estiment qu’un « deuil normal se déroule sur une année entière pour que toutes les dates importantes vécues avec le défunt soient passées : Noël, le 1er de l’an, son anniversaire, le nôtre… »
« A chaque étape s’ouvre un espace infini de questionnements où l’on se demande si nous avons donné tout ce que nous pouvions à celui qui est parti ou si nous aurions pu faire plus pour lui. Il est évident que l’on pourrait toujours donner plus que ce qu’on donne, mais à l’intérieur de l’humanité et la fragilité qui nous conditionnent tous, on finit toujours par donner seulement ce que l’on peut. Ces questions inévitables n’ont donc pas de sens et elles n’en ont pas parce qu’elles ne trouveront jamais de réponses(…) »
« Il est important de reconnaitre combien il est difficile, lorsqu’une personne que nous aimons nous quitte ou meurt, de sentir qu’il nous reste des choses à lui dire ou à faire ensemble. La sensation est horrible, le reproche est encore pire (…) Seul le travail du pardon parait calmer ce moment critique. (…) Il est fondamental de clore le processus de deuil, nous avons alors parfois besoin d’une aide. D’autre fois, nous pouvons communiquer simplement avec celui qui est parti au moyen d’une lettre par exemple, une lettre que l’on brûle après l’avoir écrite. »
Le cancer
« Aujourd’hui nous savons que les cancers ne sont pas tous mortels et que dans beaucoup de cas la médecine, traditionnelle ou non, parvient à les guérir. Cependant personne n’apprend la nouvelle avec calme (…) : tous, le malade et la famille, l’associent à la peur, à la douleur, à la mort. »
Nous avons tendance à vouloir protéger les nôtres, mais les malades ont le droit de savoir. Leur cacher la maladie, c’est les priver de trouver en eux cette force, que l’on ne soupçonne pas, qui les aidera à se battre. Mais c’est aussi les priver de la possibilité de se préparer à la mort, de dire et faire des choses importantes pour eux qu’ils pensaient avoir encore le temps de faire ou de dire.
Pour les cancers à pronostic favorable : « Tout le monde s’accorde à dire, l’attitude et l’état d’esprit avec lesquels nous affrontons le diagnostic, sont les clés de la guérison »
« Pour les malades plus gravement atteints ou ayant un mauvais pronostic, il est fréquent de relever de nombreux symptômes dépressifs et colériques (…) le malade a besoin de « se purger » des colères et peines accumulées (…) il les vomit à la face des proches (…) Ses colères n’ont rien à voir avec la personne qui subit cette « maltraitance », mais cette dernière doit être capable de la supporter avec amour et indulgence car c’est un moment qui passe (…) Si nous pensons que ce moment est trop violent, il est important de demander de l’aide pour dépasser cette étape. »
Il faut pouvoir générer des espaces de liberté aussi bien pour l’accompagnant que pour le malade afin que celui-ci n’entre pas dans un processus de culpabilisation en voyant l’abnégation de son proche.
« Il est particulièrement important pour le patient de communiquer ses sensations désagréables, de ne pas rester muet face aux doutes et, par-dessus tout, face aux peurs, parce qu’il est prouvé que si nous verbalisons nos malaises les effets corporels se réduisent. »
En conclusion, ce livre est une aide pour tous ceux qui souffrent afin de les aider à surmonter les épreuves douloureuses mais aussi de les aider à trouver la force de vivre et d’être heureux au-delà de la douleur. Mais il s’adresse aussi aux proches des souffrants pour les aider eux-aussi à comprendre, à accepter et à vivre sa douleur de l’autre. Il est une invitation à la sérénité. Retenons une chose que nous soyons des souffrants ou des proches de souffrants : on ne peut pas comparer une douleur à celle d’un autre. C’est un processus individuel. Pour tous, « la douleur est un défi, un défi constant pour nous vaincre nous-mêmes ».
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Tags : Littérature
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