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Favolet le lutin
Si par un beau soir d’été une gentille fée se glissait jusqu’à vous, sur un rayon de lune, et vous disait tout bas : « Enfant, je veux te rendre heureux, que désires-tu ? Choisis. »
Avant de lui répondre, écoutez mon récit.
C’état par une froide soirée de décembre, le vent pleurait dans les sapins et la neige fouettait les vitres d’une pauvre hutte du nord de la Finlande.
La famille de Sanders le bûcheron était assemblée autour du foyer, sur lequel mijotait une marmite de gruau.
Sanders tressait des paniers, la mère mettait le couvert, mère-grand tournait son rouet, et l’aïeul racontait une légende bien noire aux quatre petits enfants qui, muets de frayeur, se serraient les uns contre les autres.
On en était à l’endroit le plus intéressant du récit.
Le vieux père disait :
« Le lutin Favolet, ayant entendu geindre et pleurer l’enfant méchant et volontaire, était entré doucement, et le prenant entre ses doigts velus il le coupa en quatre morceaux, et se mit à le manger à belles dents. »
Mais soudain le vieillard s’interrompt, la mère pousse un cri d’effroi, le père quitte ses paniers, mère-grand lève les bras vers le ciel, et les enfants tombent à genoux.
Le lutin Favolet, avec son bonnet vert, son poil fauve, ses yeux ronds et sa robe écarlate, tel enfin que le décrivait la légende, était entré doucement et s’était assis à la table du bûcheron, où il mangeait de grand appétit des pommes de terre, qu’il retirait prestement de la cendre, en écoutant d’un air narquois le récit du vieillard.
Cependant l’aîné des quatre frères, dominant sa terreur, osa dire humblement :
« Seigneur Favolet, ne mange ni mes frères, ni moi, nous ne sommes pas méchants.
- Ta requête me plait, répondit le lutin ; rassure-toi, j en’ai pas faim de ta chair, puisque je mange ton souper. »
Et il se remit à peler et à manger ses pommes de terre. Tous le regardaient, n’osant pas bouger.
Pourtant il se leva, et sautant sur la table, il s’assit à la façon des singes, les jambes élevées, les coudes appuyés sur les genoux et la tête perdue dans ses longs doigts crochus. Il se prit à regarder les enfants avec un sourire qui fit frissonner la pauvre mère.
« Vous me semblez une brave famille, dit-il enfin ; l’on m’a fait plus diable que je ne suis noir ; la preuve, c’est que je vous veux du bien. Voyons, toi qui sais si bien dire, Christiern, mon gars, que souhaites-tu ?
- Devenir un bon ouvrier, comme mon père, répondit résolument l’aîné des marmots.
- Et toi Zulric ? reprit le lutin.
- Avoir toujours grand-père pour me dire ses beaux contes.
- Et toi Carle ?
- Vivre ici avec mon père, ma mère, mère-grand, bon-père et mes frères.
- Moi, s’écria le petit Pétrovitz, je veux ma pleine assiettée de gruau et mon lit bien chauffé. »
Le lutin rit doucement dans sa barbe.
« Par ma foi, Sanders, dit-il au père des marmots, tu élèves sagement tes enfants. Or, veux-tu que je te donne un royaume ?
- Un royaume ! oh ! non pas, dit Sanders ; mon travail suffit à mes besoins, ma ménagère est douce, mes enfants sont dociles, mon vieux père est content. Si j’étais roi, hélas ! Que de soucis n’aurais-je point !
- Veux-tu des bijoux, des parures, toi Christiana ma mie ?
- Qu’en ferais-je, n’ai-je pas mes enfants ?
- Diable ! voilà une réponse qui vaut celle de la mère des Gracques… J’ai fait le tour du monde sans trouver vos pareils, et je vois ici ce que je n’ai jamais vu sous le ciel : des gens satisfaits de leur sort… Ainsi vous refusez mes présents.
- Gard pour d’autres, ô Favolet, les biens que tu nous offres, dit l’aïeul à son tour ; nous sommes heureux, les trésors de la terre ne sauraient nous donner davantage.
- Tu dis vrais, ô vieillard ! tu sais te contenter de peu. Cette science est la cléf d’or qui conduit au bonheur. Je lègue à ta famille jusqu’au dernier des âges, le plus précieux des dons : la simplicité de l’esprit et du cœur
- Merci, seigneur Favolet », s’écrièrent à la fois le père et les enfants.
Le lutin disparut, et tous répétaient encore : « Salut et grand merci au Seigneur Favolet. »
Gérard de Rode
extrait de « Les Contes du Petit peuple » de Pierre Dubois.
Tags : pere, mere, lutin, favolet, enfants
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Commentaires
Joli conte... En effet, certains devraient s'inspirer et s'imprégner de cette sagesse...
Très bonne soirée de Réveillon, Joyeux Noël et gros bisous.
Bonjour Brigitte ! Hormis le fait que souvent les contes pour enfants sont terrifiants, qu'il vaut mieux qu'ils lisent Astérix, ils feront moins de cauchemars, ce conte envoie le message qu'il faut se contenter de ce que l'on a et ne pas avoir "les yeux plus gros que le ventre". Moi, plus ça va, plus je vis simplement. La simplicité volontaire a du bon. J'ai un vieil ordinateur depuis quinze ans, pas de smartphone, pas d'objets connectés, j'achète mes fringues deux euros en friperie, mes petits-enfants auront des jouets et des livres des années 60 en parfait état, ils adorent ça, et je prends ma voiture le moins possible. Nous sommes très heureux au quotidien des petits plaisirs simples que la vie nous offre. Ceci dit, si le vilain velu venait nous demander ce que l'on souhaiterait si nos vœux pouvaient se réaliser, je répondrais sans hésiter : L'arrêt des fins de mois difficiles et du chômage, la santé gratuite pour tous, la paix et le désarmement international et la prise de décisions sérieuses pour le Climat.
Merci Brigitte pour le message qui colle bien avec la journée de Noël.
Grosses bises et encore toutes mes excuses d'avoir cru ton blog en pause.
A plus !
bonjour Brigitte,
merci à toi pour ce beau petit conte ,que ton réveillon de Noël soit joyeux et lumineux. en cette journée magique, je fais le souhait que notre amitié reste inchangée Joyeux Noël et des gros bisous monette.
Un beau conte de Noël qui redore la simplicité mais le monde actuel en est tellement loin que je me demande qu'elle peut être la réaction des personnes à la lecture de ce conte puisqu'on ne parle que d'argent, de fraudes et d'arnaque du matin au soir.
Le soleil est de retour avec ses doux rayons, nous allons rester dans la simplicité familiale merveilleuse dans le partage de Noël.
Doux et lumineux Noël Brigitte pour toi et ceux qui te sont chers.
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Joli conte.
Bonne journée Brigitte.
Christian