• Fatima Besnaci Lancou - Fille de Harki

    Ce livre est un travail de mémoire, sans rancœur, sans haine, sans complaisances et sans jugement.  Un témoignage simple du vécu des harkis après la défaite des Français auprès des Algériens, des Français. Il émane beaucoup de souffrances, de non-dits dans ce récit. Un sentiment d’injustice et d’abandon qui n’a jamais quitté la communauté. Et ce sentiment s’est transmis aux générations suivantes. Rien ne sera réglé tant que toute la vérité n’aura pas été dite, tant que les responsabilités n’auront pas été clairement établies. Ils ont été victimes de tellement d’horreurs, des familles décimées, des camps inhumains avec le sentiment de ne pas exister, d’avoir été oubliés. Tant de drames, tant d’injustices et tant de vies détruites. Le livre de Fatima nous révèle le vécu de ces familles, nous dévoile tout un pan de l’histoire que nous sommes nombreux à ignorer, nous fait comprendre à quel point nous n’avons pas su être humains et justes.

    Le déclencheur pour Fatima Besnaci Lancou, est cette phrase dite par le président Bouteflika lors d’une visite en France le 16 juin 2000 : « Les conditions ne sont pas encore venues pour des visites de harkis (…) C’est exactement comme si on demandait à un Français de la Résistance de  toucher la main d’un collabo… »  Une accusation grave, injuste lorsqu’on sait les conditions dans lesquelles ont vécu les Algériens pendant cette guerre, les raisons pour lesquelles ils ont été obligés de se réfugier auprès des Français… c’est aussi la négation de la responsabilité des Algériens eux-mêmes à ce choix. Etre un harki n’a pas toujours été un choix délibéré. Si pour certains c’était une évidence, pour d’autres c’était une nécessité de survie.

    « (…) Au fil des jours, j’appris que nos pères ne s’étaient pas tous engagés auprès de la France pour les mêmes raisons. Certains l’avaient fait pour se protéger et se défendre, d’autres par tradition familiale, certains étant garde-champêtres ou caïds de père en fils (Un caïd est, en Afrique du Nord, un notable qui cumulait autrefois des fonctions administratives, judiciaires, financières et parfois de chef de tribu. Généralement, des hommes issus de familles riches, ils achètent cette fonction et il est donc tout à fait courant d'être le caïd de plusieurs districts en même temps. Source wikipédia),  d’autres, comme les anciens combattants, par attachement à l’armée française. Enfin, certains s’engageaient tout simplement pour nourrir leur famille qui vivait souvent dans une misère aggravée par la guerre. Pour beaucoup,  prendre l’uniforme de l’armée française n’était pas de l’ordre de l’interdit puisque certains l’avaient déjà endossé pendant la Seconde Guerre mondiale et même pendant la Première pour les plus âgés. Ceux-là n’avaient pas l’impression de trahir, ils avaient déjà été supplétifs de l’armée française. »

     

    Mais parqués dans des camps, vivants dans des conditions précaires, on a oublié que ces familles avaient déjà tant souffert, avaient déjà sacrifié tant de choses et surtout qu’elles étaient des êtres humains ayant tout perdu, se retrouvant dans un nouveau pays, sans repères, plongés dans l’inconnu avec la peur d’être rejetés et renvoyés dans ce pays qui ne voulait plus d’eux et où ils perdraient indéniablement la vie.

    « Le plus humiliant, ce qui laissera en nous des traces indélébiles, c’était de voir nos pères considérés comme des mineurs, obéissant sans discuter aux ordres des militaires. Nous continuions d’être traités en colonisés, et nous vivions avec les complexes des colonisés. »

     

    Pour eux pas de libertés, pas d’espoir… Les harkis sont les oubliés de l’histoire. Aujourd’hui encore nous n’avons pas reconnus leur statut de victimes de cette guerre. Nous ne leur avons pas demandé pardon pour ce qu’ils ont vécu. Tant que nous ne reconnaitrons pas nos torts, tant que nous ne reconnaitrons pas nos torts dans leur abandon, ils ne pourront se reconstruire. Leurs descendants continuent de vivre dans ce sentiment d’abandon, d’injustice. La jeune génération vit avec ce bagage de ne pas être considérés comme des Français comme les autres. Nous savons tous ce que le désespoir, l’injustice génèrent comme sentiment.

    « L’Algérie avait fêté son Indépendance. Les réjouissances parfois hystériques du 5 juillet ont constitué pour les Algériens un rite de passage qui leur a permis de quitter leur peau de dominés. Mais nous les harkis, qui n’avions pas eu le droit de participer aux réjouissances nationales, nous n’avons jamais été décolonisés. Plus tard, certains, individuellement, au prix d’une grande force intérieure et souvent grâce des personnes qui les ont reconnus, ont réussi  poser des actes individuels pour se décoloniser et trouver leur place dans la société française. Mais collectivement, aucun acte symbolique fort n’a été encore accompli ; il reste encore beaucoup à faire pour une reconnaissance de la communauté dans le domaine symbolique. Des avenirs sont en jeu. Car de génération en génération, l’humiliation et la honte détruisent des vies. »

     

    Il est temps, plus que temps de reconnaitre que la France à abandonner ses harkis. Il est plus que temps de leur demander pardon officiellement, de leur dire qu’ils sont Français comme tout un chacun et non pas des sous citoyens.

    « Mis à l’écart, les adultes se sont sentis parqués et condamnés rester des sous-citoyens, Français de seconde zone, traités comme s’ils n’avaient toujours pas été décolonisés. »

     

    Ce livre m’a bouleversé. Je n’avais qu’une vague idée de l’histoire de cette population, de leur martyre, de leur souffrance. Il y a tant à faire encore pour les aider à guérir, pour les aider à se reconstruire. La reconnaissance de leur statut de victimes est le premier pas à franchir. Mais l’état Algérien se doit aussi de reconnaître que bien des exactions ont été commises injustement. L’Algérie doit aujourd’hui faire face à son histoire, accepter de la regarder en face et tourner la page. Il n'y a jamais eu de guerre propre dans l'histoire de l'humanité. Dans chaque camps, des atrocités ont été commises, dans chaque camps. Horreurs, tortures, crimes, assassinats, vengeances, trahisons ont émaillé ce pan de l'histoire, chacun est à la fois coupable et victime. Nous sommes tous frères sur cette terre. L’Algérie et les harkis ont une histoire commune, des liens de sang. Des familles sont séparées depuis trop longtemps, des tombes attendent la visite des leurs. Il est temps de pardonner les uns aux autres et d’avancer.

    Je vous invite à lire ce livre pour comprendre le vécu, l’histoire des harkis. Ces gens sont courageux, ils ont eu tant à affronter mais ils ont continué leur route malgré toutes les difficultés, malgré le poids du passé et malgré la souffrance.

    « Eterna Adamo - Je voudrais mourir dans tes bras »

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  • Commentaires

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    Pestoune Profil de Pestoune
    Vendredi 7 Mars 2014 à 07:12
    Merci Mr Louanchi pour cette vidéo. Elle m'a permise d'en apprendre davantage. Je ne sais pas trop quoi dire sinon qu'il y a eu et qu'il y a encore de grandes souffrances. Les harkis sont les victimes de l'Histoire. Ils ont quitté leur pays d'origine avec l'espoir de vivre en paix dans ce nouveau pays qui n'a pas su leur faire la place à laquelle ils avaient droit. Difficile de se construire dans cette situation.
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