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Procès des khmers rouges
Dans cette histoire de génocide, on peut se demander qui sont les bourreaux, qui sont les victimes ? En effet beaucoup de Khmers Rouges étaient de simples exécutants, pour beaucoup ils étaient eux-mêmes terrorisés donc à la fois victimes du système et bourreaux par obligation. Ils ne pouvaient pas refuser d’entrer dans le camp des Khmers de peur de voir les leurs condamner ou de risquer leur propre vie car considérés comme des traîtres à la cause. Donc il est très difficile de juger et de condamner les exécutants. Aujourd’hui beaucoup de victimes vivent près de leurs tortionnaires.
Mais il fallait rendre un hommage et la justice à toutes les victimes et pour cela, cinq hauts-dignitaires dont on ne peut pas douter de la culpabilité et de la responsabilité, se sont vus traduits devant une cours de justice. C’est peu, trop peu bien sûr. Ce sont plus des procès symboliques qu’une véritable justice rendue et c’est une douleur pour les victimes. Il aura fallu trente ans pour que les responsables du massacre de millions de cambodgiens aient à rendre des comptes. Le principal responsable Pol Pot n’aura jamais été jugé.
Pol Pot
Mort dans des conditions mystérieuses, très rapidement incinéré, le doute reste permis quant à sa disparition. C’est en France, sur le banc de la Sorbonne qu’il se familiarisera avec l’idéologie Marxiste et qu’il prendra la direction des khmers rouges. Il prendra le pouvoir à la tête de l’armée Khmer en 1975. Très vite il multiplie les purges dans son propre parti afin d’éliminer toute vélléité. Il renforce les frontières du pays qui prendra le nom de Kampucha démocratique, en parsemant des mines anti-personnelles.
Il définit également quatre catégories d’individus à réprimer:
- l’ensemble des Vietnamiens présents au Cambodge
- les khmers parlant vietnamien
- les khmers entretenant des relations ou ayant des intérêts avec les Vietnamiens.
- et les individus ayant reçu une éducation ou manifestant une appartenance religieuse quelconque.
A la chute du régime, il prendra le maquis et ne sera jamais arrêté. Il sera jugé par contumace, responsable du génocide. Sa mort mystérieuse laisse la part belle à toutes les rumeurs d’autant que son incinération précoce n’a pas permis une reconnaissance officielle du corps.
Les 5 accusés du régime Khmer
Kaing Guek Eav, alias « camarade Duch »
Kaing Guek Eav, est né le 15 février 1945.
Ancien professeur de mathématiques, il est reconnu comme l’un des leaders du régime khmer rouge (KR) du fait de sa position de directeur du centre de détention S-21. (lien section reportage)
Il était également le chef de la « Santebal», une branche spéciale des forces khmères rouges responsable de la sécurité intérieure du Kampuchéa Démocratique.
Dans le cas de Duch, à la différence des autres accusés, les preuves de culpabilité abondent (recensement des prisonniers exécutés, témoignages directs,…), c’est pourquoi il est en haut de la liste des accusés.
Son instruction a pris fin le 12 août 2008.
Son dernier appel ayant été rejeté, il sera vraisemblablement le premier des accusés à devoir répondre de ses actes devant la cour des CETC.
Nuon Chea, alias « Long Bunruot », alias «frère numéro deux»
Né le 7 juillet 1926, Nuon Chea est l’idéologue du régime khmer rouge.
Le tribunal aurait en sa possession des « preuves substantielles » de son rôle majeur dans les massacres, notamment le lancement de la « politique d’exécution » khmère rouge.
Il a notamment été identifié comme un décideur clé lors d’une réunion qui détermina la conduite d’une « purge massive dans la zone est » en mai 1978.
Politicien bien avant la prise de pouvoir du régime, il fut élu secrétaire général du « parti communiste cambodgien » en 1960.
Durant la période du Kampuchéa Démocratique (1975-1979), il occupera le poste de Président de l’ « Assemblée Nationale du Kampuchéa Démocratique » où il sera reconnu comme le frère numéro deux, l’adjoint principal de Pol Pot (frère numéro un).
A la chute du régime, il rejoindra la guérilla pendant vingt ans, jusqu’à sa reddition en 1998.
Le gouvernement de l’époque, dirigé par le premier ministre Hun Sen (toujours en place aujourd’hui), souhaitait gracier Nuon Chea, ce qui provoqua beaucoup de tensions avec la communauté internationale et les organisateurs du procès.
Malgré l’accusation de crimes contre l’humanité dont il fit l’objet depuis la création du tribunal mixte, Nuon Chea vécut paisiblement pendant des années dans sa villa proche de la frontière thaïlandaise avec sa femme jusqu’à son arrestation définitive en janvier 2007 !
Il est depuis lors tenu en détention aux CETC malgré ses nombreuses demandes de remise en liberté. S’adressant à la cour en février 2008, il a demandé le report de son procès, son nouvel avocat n’étant pas encore arrivé.
Nuon Chea est accusé de crimes de guerre ainsi que de crimes contre l’humanité.
Ieng Sary
Ieng Sary, né le 24 octobre 1925, est également l’un des leaders du régime en tant qu’ancien ministre des affaires étrangères du Kampuchéa Démocratique (1975-1979).
Il y a pour lui également des « éléments signifiants » confirmant sa part de responsabilité dans les massacres. Il aurait notamment tenu en public des « discours encourageant des arrestations et des exécutions » lors de son mandat de ministre des affaires étrangères.
Le tribunal possèderait également des preuves confirmant le fait qu’il ait également facilité les arrestations de membres du personnel de son propre ministère, lors de purges internes.
En 1996, il se rend au gouvernement. La même année, le roi Norodom Sihanouk lui pardonne officiellement. Il vivra dans une villa confortable de la capitale jusqu’à son arrestation, sur mandat du tribunal, en novembre 2007.
Son état de santé délicat est contrôlé en permanence par le tribunal, qui veut éviter, comme pour les autres accusés, un décès avant le verdict final.
Ieng Sary est également accusé de crimes contre l’humanité et crimes de guerre.
“Ieng Thirith, alias “Khieu Thirith”, alias “soeur Phea”
Kieu Thirith est née en 1932 dans la province de Battambang. Elle prendra par la suite le nom de son époux Ieng sary. Sa grande sœur étant mariée à Pol Pot, on les surnommera le « gang des quatre ».
Elle est également sur le banc des accusés du fait de son rang élevé dans le régime khmer rouge. Assistant son mari au ministère des affaires étrangères, elle obtiendra également le portefeuille de Ministre des affaires sociales du Kampuchéa démocratique. Rôle qu’elle faillira cruellement à tenir. Des centaines de milliers de cambodgiens sont morts à la suite de famines et de maladies.
Arrêtée en même temps que son mari, en novembre 2007. Ils résidaient dans une luxueuse villa en plein centre de la capitale.
Ieng Thirith sera poursuivie pour crimes contre l’humanité.
Khieu Samphan
Né le 27 juillet 1931, Khieu Samphan fut le chef d’État du Kampuchéa démocratique. Même si Pol Pot avait plus de pouvoir, Khieu Samphan n’en fut pas moins le président officiel.
Comme pour Ieng Sary, il existe des preuves concernant ses discours publics dans lesquels il encouragea les arrestations et exécutions de masse. A la tête de l’État, il donna de nombreuses consignes qui seront appliquées par les pouvoirs locaux de façon radicale.
Le 13 novembre 2007, le jour suivant l’arrestation de Ieng Sary et de sa femme, Khieu Samphan sera hospitalisé pour crise cardiaque. Il sera finalement arrêté à sa sortie et accusé de crimes contre l’humanité et crimes de guerre.
De plus la publication de son livre « Reflection on Cambodian History Up to the Era of Democratic Kampuchea” dans lequel il ne montre aucun repentir, vient corroborer les accusations dont il fait l’objet.
Il écrit notamment que Pol Pot « a œuvré pour la justice sociale et la défense de la souveraineté nationale (…) Il n’y avait pas de politique planifiée pour affamer les gens ni de politiques de massacres de masse (…) Il y avait toujours comme considération le bien-être des citoyens…»
Khieu Samphan reconnaît juste qu’il a ordonné le travail forcé de citoyens dans l’objectif de produire plus de nourriture du fait des pénuries.
En avril 2008, lors de sa première comparution devant le tribunal, son avocat Jacques Vergès utilisa le même système de défense que les autres accusés.
Il ne nie pas le fait que de nombreux cambodgiens soient décédés mais la plupart des décès seraient dus à la famine et aux maladies.
Même si certains civils furent exécutés, lui-même ne peut en être responsable directement par sa seule position de chef d’État. Dans les faits, Pol Pot était le seul habilité à prendre des décisions.
* Sources : ces informations proviennent des organes officiels des CETC (Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens)
http://www.eccc.gov.kh/french/default.aspx
http://www.cambodiatribunal.org
Seconde partie du procès de Khieu Samphan et Nuon Chea
Le 7 août 2014. Khieu Samphan et Nuon Chea, se retrouvent dans le box des accusés des Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC). Ils sont accusés de crimes contre l'humanité. Une seconde partie de leur procès s'est ouvert le 17 octobre 2014.
En cet été 2014, parmi les 4 000 victimes cambodgiennes qui se sont constituées parties civiles, dix sont françaises, soutenues par la FIDH (Fédération internationale des ligues des droits de l'homme). Le 4 août 2014, elles se rendent à Phnom Penh pour assister au verdict. Un verdict historique qu'elles attendent depuis plus de 40 ans.
Le procès des deux plus hauts dirigeants du régime khmer encore vivants : Nuon Chea, 88 ans, décrit comme l'idéologue du régime, et Khieu Samphan, 83 ans, chef de l’État du « Kampuchéa démocratique », a été découpé en plusieurs chefs d'accusation pour s'assurer d'obtenir un jugement avant leur mort. Les audiences ont débuté en 2011.
Le 7 août 2014, ils ont été reconnus « coupables de crimes contre l’humanité, d’extermination, de persécution politique, et d’autres actes inhumains » et condamnés à la prison à perpétuité par la justice de Phnom Penh. Ils ont décidé de faire appel.
Ce 17 octobre 2014 s'ouvre à Phnom Penh une autre partie du procès, autour du chef d'accusation de génocide.
En 2009, le tribunal avait ouvert le procès de Duch, chef de la prison de Phnom Penh S-21, où 15 000 personnes ont été torturées puis exécutées entre 1975 et 1979. Duch a été condamné en appel en 2012 à la prison à perpétuité.
Dossier n°002 raconte l’histoire, la mémoire, les appréhensions des victimes françaises qui se sont portées partie civile.
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