Nous sommes nombreux à connaitre et à être touché par la chanson de Léo Ferré : Le chien dont les paroles vont suivre Mais quel est le morceau musical qui donne tellement de corps et de puissance à ce texte, qui lui colle comme un gant. Il s'agit d'un motet polyphonique du XVIè siècle de Tomas Luis de Victoria.
À mes oiseaux piaillant debout, chinés sous les becs de la nuit Avec leur crêpe de coutil et leur fourreau fleuri de trous À mes Compains du pain rassis, à mes frangins de l'entre bise À ceux qui gerçaient leur chemise au givre des Pernods-minuit À l'Araignée la toile au vent, à Bifteck baron du homard Et sa technique du caviar qui ressemblait à du hareng À Bec d'Azur du pif comptant qui créchait côté de Sancerre Sur les Midnight à moitié verre, chez un bistre de ses clients
Aux spécialistes d'la scoumoune qui se sapaient de courants d'air Et qui prenaient pour un steamer la compagnie Blondit and Clowns Aux pannes qui la langue au pas, en plein hiver mangeaient des nèfles À ceux pour qui deux sous de trèfle, ça valait une Craven A À ceux-là je laisse la fleur, de mon désespoir en allée Maintenant que je suis paré et que je vais chez le coiffeur Pauvre mec, mon pauvre Pierrot, vois la lune qui te cafarde Cette Américaine moucharde qu'ils ont vidée de ton pipeau
Ils t'ont pelé comme un mouton avec un ciseau à surtaxe Progressivement contumax, tu bêles à tout va la chanson Tu n'achètes plus que du vent encore que la nuit venue Y a ta cavale dans la rue qui hennit en te klaxonnant Le Droit, la Loi, la Foi et Toi et une éponge de vin sur Ton Beaujolais qui fait le mur et ta Pépée qui fait le toit Et si vraiment Dieu existait, comme le disait Bakounine Ce Camarade Vitamine, il faudrait s'en débarrasser
Tu traînes ton croco ridé, cinquante berges dans les flancs Et tes chiens qui mordent dedans le pot-au-rif de l'amitié Un poète ça sent des pieds, on lave pas la poésie Ça se défenestre et ça crie aux gens perdus des mots fériés Des mots, oui, des mots comme le Nouveau Monde Des mots venus de l'autre côté clé la rive Des mots tranquilles comme mon chien qui dort Des mots chargés, des lèvres constellées Dans le dictionnaire des constellations de mots Et c'est le Bonnet Noir que nous mettrons sur le vocabulaire Nous ferons un séminaire particulier Avec des grammairiens particuliers aussi Et chargés de mettre des perruques Aux vieilles pouffiasses littéromanes
Il importe que le mot "amour" soit rempli de mystère Et non de péché, de tabou, de vertu, de carnaval romain Des draps cousus dans le salace Et dans l'objet de la policière voyance ou voyeurie Nous mettrons de longs cheveux aux prêtres de la rue Pour leur apprendre à s'appeler dès lors monsieur l'abbé Rita Hayworth Monsieur l'abbé BB fricoti fricota et nous ferons des prières inversées Et nous lancerons à la tête des gens des mots sans culotte Sans bande à cul, sans rien qui puisse jamais remettre en question La vieille, la très vieille et très ancienne Et démodée querelle du "qu'en diront-ils" Et du je fais quand même mes cochoncetés en toute quiétude Sous prétexte qu'on m'a béni Et que j'ai signé chez monsieur le maire de mes deux mairies Alors que ces enfants dans les rues sont tous seuls Et s'inventent la vraie galaxie de l'amour instantané Alors que ces enfants dans les rues s'aiment et s'aimeront Alors que cela est indéniable Alors que cela sera de toute évidence et de toute éternité Je parle pour dans dix siècles et je prends date On peut me mettre en cabane On peut me rire au nez, ça dépend de quel rire Je provoque à l'amour et à la révolution Yes! I am un immense provocateur
Je vous l'ai dit, des armes et des mots c'est pareil, ça tue pareil Il faut tuer l'intelligence des mots anciens Avec des mots tous relatifs, courbes, comme tu voudras Il faut mettre Euclide dans une poubelle Mettez-vous le bien dans la courbure C'est râpé vos trucs et manigances Vos démocraties où il n'est pas question De monter à l'hôtel avec une fille Si elle ne vous est pas collée par la jurisprudence C'est râpé, Messieurs de la Romance Nous, nous sommes pour un langage Auquel vous n'entravez que couic Nous sommes des chiens et les chiens Quand ils sentent la compagnie ils se dérangent Et on leur fout la paix Nous voulons la Paix des Chiens Nous sommes des chiens de "bonne volonté" Et nous ne sommes pas contre le fait Qu'on laisse venir à nous les chiennes Puisqu'elles sont faites pour ça et pour nous
Nous aboyons avec des armes dans la gueule Des armes noires et blanches comme des mots noirs et blancs Noirs comme la terreur que vous assumerez Blancs comme la virginité que nous assumons Nous sommes des chiens et les chiens Quand ils sentent la compagnie, ils se dérangent Ils se décolliérisent Et posent leur os comme on pose sa cigarette Quand on a quelque chose d'urgent à faire Même et de préférence si l'urgence contient l'idée De vous foutre sur la margoulette Je n'écris pas comme de Gaulle ou comme Perse Je cause et je gueule comme un chien Je suis un chien!
Tomás Luis de Victoria (né à Sanchidrián (province d'Ávila) vers 1548, et mort le 27 août 1611 à Madrid) est un prêtre catholique, compositeur, maître de chapelle et organiste, le plus célèbre polyphoniste de la Renaissance espagnole. Tout l'œuvre de Victoria appartient au genre de la musique vocale sacrée, soit 200 titres. (Source)
Le motet que nous allons entendre et qui accompagne la chanson de Ferré se nomme O vos omnes
O vos omnes - qui transitis per viam, - attendite, et videte, - si est dolor similis - sicut dolor meus. - Attendite, universi populi, - et videte dolorem meum, - si est dolor similis - sicut dolor meus
- O vous tous - qui passez, - Regardez, et voyez, - S’il est douleur pareil - à la douleur de mon coeur. - Regardez, peuples de toutes nations, - Et voyez ma douleur, - S’il est douleur pareil - à la douleur de mon coeur.
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B
Balaline
07/09/2021 18:32
J'aime beaucoup Léo Ferré que j'ai eu la chance d'écouter deux fois.La première, dans un village Lotois où il a chanté en se balladant dans la salle, un vrai partage de son répertoire de chansons et la deuxième fois, il était seul avec son piano et nous avons eu une belle soirée Poésie.<br />
Je te souhaite une belle soirée, nous attendons la pluie avec impatience .
Hélas, je n'ai jamais été fan de Ferré, En revanche cette musique est une petite merveille.<br />
Heureuse de te retrouver Brigitte.<br />
Je t'embrasse
J'aime bien l'oeuvre musicale... mais "moyennement" les paroles de Léo Ferré... ce n'est que mon avis, d'autres peuvent les aimer beaucoup....<br />
Très bonne journée et gros bisous.