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Poème au soleil de Homero Aridjis

Poème au soleil de Homero Aridjis

 

 

Ô tournesol voyant,

ô graine jaune,

ton nom tient dans une syllabe, dit le poète.

 

Ô père des mythologies,

le rêve de la lumière produit des formes,

dit le peintre.

 

Si l’œil n’était pas solaire,

comment pourrait-il voir la lumière,

dit le poète.

 

Si la lumière n’était pas maîtresse de la couleur,

comment pourrait-elle peindre ses yeux,

dit le peintre.

 

Sur la grande pyramide de Gizeh, le Soleil se lève chaque jour,

à l’orient de tes yeux la nuit se pose chaque matin,

dit le poète.

Le Soleil ne se pose pas sur l’horizon,

le Soleil ne connaît pas la nuit,

celui qui s’obscurcit, c’et l’œil, dit le peintre.

 

Je n’ai pas besoin d’aller voir les gloires du Soleil

dans les champs de l’après-midi, parce que le Soleil

des mythologies, c’est l’œil, dit le poète.

 

Le poème du Soleil est infini,

nous pouvons seulement le peindre avec des paroles,

dit le peintre.

 

Quand le Soleil parle,

toutes les créatures se taisent,

dit le poète.

 

Le Soleil est un Être,

le Soleil est lumière présente,

dit le peintre.

 

Le sourire infini de la lumière

est un vers qui est un poème, 

qui est un univers,

 

l’œil pensant est un œil riant,

l’œil qui nous pense nous le peignons

avec ses propres rayons, dit le poète.

 

Le Soleil n’a pas d’histoire,

le Soleil vit dans l’éternité du moment,

dit le peintre.

 

Le Soleil tête rayée est un jaguar

qui parcourt le ciel nocturne dévorant les ombres

dévorant les instants, dit le poète.

 

Soleil passé, Soleil déifié,

Soleil mental, Soleil dément,

dit le peintre.

 

L’histoire de la lumière

est une archéologie des yeux,

dit le poète.

 

La lumière intelligente vient du Soleil

avec la température exacte pour peindre tes mains,

dit le peintre.

 

Une figure qui projette une ombre, une silhouette

immatérielle qui te suit dans la rue, c’est moi,

dit le poète.

 

Qu’est-ce qu’une ombre ?

Une splendeur dans le dos,

une tache sur le sol, dit le peintre.

 

Le Soleil est la forme de son amour,

l’homme emporte dans ses yeux la forme de cet amour,

à la fin de sa vie, l’homme sera le spectre de cet amour.

 

A la fin du jour, dans les ombres étendues du soir,

l’homme regrettera sa splendeur passée,

dit le peintre.

 

Dieu n’existe pas, dit un troisième,

Dieu vit dans ta tête,

si tu ne penses pas à Lui, Il mourra loin de ta pensée

 

Si Dieu n’existe pas, qui existe ?

Ton ombre ?  Ton spectre ? Ton oubli ?

réplique le peintre.

 

Dieu n’existe pas,

mais un grand vide,

dit le troisième.

 

Si existe un grand vide,

il existe déjà quelque chose,

dit le poète. 

 

Tout ça, ce sont

pures paroles,

dit le troisième.

 

Si Dieu existait,

tes paroles n’existeraient pas,

dit le poète.

 

Avant l’aube, mes yeux

déjà s’étaient figurés les créatures que tu es en train de voir

en ce moment, sous le Soleil, dit le peintre.

 

Tout a commencé à une image,

tout a commencé avec la parole « lumière »,

dit le poète.

 

quand les chiens aboient à la Lune,

en réalité ils aboient au Soleil,

dit le peintre.

 

L’univers en expansion tient dans notre esprit,

dans notre esprit en expansion tiennent tous les astres :

notre esprit est un vers envoyé à l’univers, dit le poète.

 

Je me suis rendu compte de ma propre vieillesse

quand j’ai vu le premier cheveu blanc sur la tête de ma fille,

dit le peintre.

 

Devoir d’homme,

n’être pas triste sous la lumière,

dit le poète.

 

L’encyclopédie du Soleil est mon libre de chevet,

l’encyclopédie du Soleil est un œil qui brille

à travers les couvertures fermées, dit le peintre

 

Dans les recoins de ma bibliothèque,

par les milliers de paroles, occulté

le poème du Soleil brille, dit le poète.

 

Curieux que jamais auparavant

je n’ai dessiné de figures plus éblouissantes

avec les rayons de la lumière ténue, dit le peintre.

 

N’est-ce pas curieux que le poème du Soleil

arrive de nuit, les yeux fermés ?

dit le poète.

 

Le caractère généreux des êtres humains,

la condition donnée aux choses de la vie,

nous les devons au Soleil, dit le peintre.

 

A tant Le voir, mes yeux sont devenus solaires,

à tant Le nommer, mes paroles brillent,

dit le poète.

 

A tant peindre Ses yeux, je suis resté aveugle,

Ses images brûlent mes doigts,

dit le peintre.

 

La peinture du Soleil,

d’autres l’achèveront,

dit le poète.

 

Le poème du Soleil,

a commencé il y a longtemps,

dit le peintre.

 

Ô syllabe jaune,

ô tournesol voyant,

dit le poète.

 

                                                      Homero Aridjis (Les poèmes solaires)

 

 

Poème au soleil de Homero Aridjis

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