Par Pestoune
Noël de Roland Bouhéret (extrait de Invocations)
Obscurité de l’an pour un nouveau solstice
Caverne des saisons où se fige l’espoir
Le jour s’abrège au vif du gel
Et s’entr’ouvre à nouveau la grange de mémoire
Où se blottit l’enfance aux prévisibles caches
Laisse un dernier soleil de fête sur la neige
Distiller ce très vieux parfum d’orange
Une fois l’an dans notre cœur
Noëls anciens à cœurs tendus
Noëls d’enfants à mains ouvertes
Combien d’années perdues nous faut-il prendre en compte
Combien de galaxies ont roulé sur notre âge
Où tant d’étoiles gaspillées
Gisent comme de fausses perles ?
A voir la paille morte et flétrie dans la crèche
Asile froid du cœur à présent délaissé
Litière désertée de fausse transhumance
Nous faut-il vaincre l’âcre odeur
Des étables à l’abandon
Où l’on savait trouver le lait de la tendresse
Avec le pain austère du savoir
Sous les voies lactées de pacotille et les clinquants
Dérisoire clarté des villes
A l’envers d’autres nuits affolées par les flammes
Au moins qu’il nous en reste toujours quelque chose
D’avoir su mendier le soleil
Aux premiers gestes de l’enfance
La mandarine à pleine paume
la noisette et la noix du pauvre
Les présents rares de l’an neuf
Dans le tapage des banquets prévus
Pour la célébration des conquêtes spatiales
Parmi les masques de la fête
Où viennent grimacer nos ivresses gloire
Que vive en nous de fière écorce
De neige dure pour la ronce et le mensonge
De gel à fendre le rocher d’orgueil
Mais de premier printemps si doux
pour les flammèches des crocus
Et la caresse de l’accueil
Le berger que nous fûmes à l’ombre des bêtes
L’enfant seul aux ruses candides
Avec son cœur trop gros pour la montée du soir
Que veille en nous de fine écorce
A la frontière de son rêve
Le pâtre aux yeux ardents pour le feu des brindilles
Très loin dans le brouillard sur les Grands-Communaux.
Thème Magazine © - Hébergé par Eklablog