Par Pestoune
Une jeune Labourdine avait pris service dans une maison de Peyrehorade. Il y avait, à quelque distance de cette maison, une fontaine bien fraîche, au fond d’une colline couronnée par une vieille tour. La jeune servante commençait sa journée an allant à la fontaine puiser une cruche d’eau.
La première fois, elle aperçut un lamigna assis à côté de la fontaine. Elle eut un peu peur ; cependant elle remplit sa cruche, et alors le lamigna lui dit :
« Voulez-vous que je vous aide à mettre cette cruche sur votre tête, la belle ?
- Merci, je n’ai besoin de personne. »
En disant cela, la servante posa lestement la cruche sur sa tête et s’en alla sans regarder le lamigna. Elle craignait qu’il ne lui jetât quelque sort.
Le lendemain matin et les matins suivants, elle aperçut encore le lamigna assis et chaque fois il lui renouvelait l’offre de l’aider ; chaque fois aussi elle refusait.
Mais peu à peu elle s’habitua à le voir et eut moins peur ; en sorte qu’un matin qu’il lui répétait son offre : « Voulez-vous que je vous aide à mettre cette cruche sur votre tête, la belle ? », elle répondit : « Bien volontiers. »
Le lamigna se leva tout satisfait, posa bien légèrement la cruche où il fallait, puis montra à la servante une pierre plate au bord de la fontaine.
« Regardez sous cette pierre, lui dit-il, toutes les fois que vous viendrez puiser de l’eau, vous y trouverez quelque chose pour vous, dont il vous est défendu de rien dire à personne. »
Bien Le lendemain la servante n’aperçut plus le lamigna assis au bord de la fontaine. Elle eut donc toute la liberté de contenter sa curiosité. Elle souleva la pierre, et trouva sous la pierre un louis d’or.
Et tous les jours qui suivirent, il y eut sous la pierre un nouveau louis d’or, si bien qu’en peu de temps la jeune servante se trouva riche. Et alors elle s’acheta une chaîne d’or pour se mettre au cou les dimanches et des boucles d’oreilles.
Les voisins commencèrent à jaser ; les maîtres surveillèrent la servante, et prirent avec elle des précautions. Mais les précautions n’amenèrent aucune fâcheuse découverte. L’honnête Basquaise rendait un compte exact des dépenses du ménage et rien ne se perdait à la maison.
Mais puisqu’elle n’était pas voleuse, il fallait donc que ce fût une mauvaise fille :
« Car, disaient les voisins, d’où lui viendrait cette bague qu’elle vient encore d’acheter. »
On en dit tant, on lui fit si laide mine dans le quartier, on lui rendit la vie si dure qu’à la fin, elle raconta d’où lui venait l’argent.
Ce fut le bout de sa fortune. Elle eut beau regarder ensuite sous la pierre, elle n’y trouva plus de louis d’or.
Jean-François Cerquaud
extrait de « Les contes du Petit Peuple »
de Pierre DUBOIS
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