Par Pestoune
Si j'avais décidé de rester solitaire
De vivre en compagnie de mes arbres fruitiers
Si j’avais pris le soin d’entourer mon repaire
Si j’avais mis partout des « Défense d’entrer »
Ce n’était pas du tout pour protéger mes pommes
Pour qu’on ne puisse pas piller mes châtaigniers
Mais c’était avant tout pour m’éloigner des hommes
Ou plutôt de quelqu’un qui m’avait fait saigner
Oui j’étais la blessée ou j’étais la sauvage
Depuis le jour de l’an jusqu’au premier janvier
Et s’il m’est arrivé de descendre au village
Je n’allais pas plus loin que chez le boulanger
Si je m’étais offert un beau fusil de chasse
Je dormais avec lui dans un coin du grenier
Ce n’était pas du tout pour chasser la bécasse
La caille ou la perdrix le lièvre ou l’épervier
C’était pour une idée c’était pour moi peut-être
On croit qu’il est perdu l’oiseau qu’on a blessé
Qu’il vaudrait mieux pour lui dans le fond disparaître
Que c’est trop douloureux de vivre sans chanter
Le jour j’étais perdue comme un oiseau nocturne
La nuit je gémissais comme un oiseau piégé
C’était si déchirant j’étais si taciturne
Qu’on ne pouvait avoir envie de m’approcher
Voilà qu’un soir pourtant j’ai levé les paupières
Il était dans ma cour au pied du cerisier
Il est venu s’asseoir sur mon vieux banc de pierre
Et moi j’aimais déjà ses gestes familiers
Il était près de moi sans passer mes frontières
Mes bouquets d’acacias comme font les sorciers
Il avait survolé mes maquis de fougères
Ou bien tout simplement déniché mon sentier.
Guy Thomas
extrait du recueil « Chevrotines et Folies douces »
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