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La Fin de l’âge d’or

La Fin de l’âge d’or

 

Lorsque Jupmele, le Créateur, créa le monde, il le créa bon et beau de toutes les manières. Les montagnes étaient recouvertes d’or et d’argent, les vallées émaillées de fleurs retentissaient de chants d’oiseaux.

La nourriture était abondante. Les arbres portaient non seulement des fruits, mais aussi des rôtis et des fromages, les buissons ployaient sous les baies, et les sources jaillissaient de partout, pleines de lait bien crémeux. Les rivières et les ruisseaux regorgeaient de poissons. L’abondance régnait, et personne ne savait ce qu’était le travail.

Jupmele donna le monde qu’il venait de créer en cadeau à son fils le Soleil, avec mission de bien veiller sur lui du haut du ciel. Là où le Soleil règne, il chasse les ténèbres. On ne connait ni la nuit, ni le froid, ni le malheur.

Et dans ce pays merveilleux vivaient deux frères : Naevi, qui était bon et pieux, et Adtjis, qui était avide, violent et sans scrupules. On raconte que le Soleil appréciait tellement Naevi qu’il lui donna sa fille en mariage et l’appela Naevi-ietnie. En revanche, il donna à Adtjis une épouse qui lui convenait parfaitement : Adtjis-ietnie. Elle venait des enfers et régnait sur toutes les maladies, qu’elle portait partout avec elle dans une besace.

L’univers regorgeait de biens de toutes sortes, dont les hommes profitaient gratuitement. Mais l’oisiveté est mère de tous les vices, et un beau jour Adtjis, pris d’avidité, voulut posséder la terre, et décida de mettre une clôture autour de son bien. Puis il alla trouver Naevi et lui dit :

  • Partageons la terre entre nous deux, comme cela nous aurons chacun notre domaine.
  • Pourquoi ? demanda Naevi. La terre regorge de biens, nous pouvons en profiter ensemble.

Mais Adtjis tient bon, et Naevi finit par céder.

Un beau jour, Adtjis se dit que sa part était trop petite. En douce, il déplaça sa clôture et empiéta sur le domaine de Naevi. Celui-ci fit comme si de rien n’était.

Quelque temps après, Adtjis se dit avec envie que l’herbe était bien plus verte sur la terre de Naevi. Et il déplaça sa clôture encore plus loin dans les terres de son frère.

Le bon Naevi ne voulait toujours pas se quereller avec son frère.

« Cette fois sûrement, il a assez de terrain » se dit-il, et il le laissa encore une fois empiéter sur ses propres terres.

De sorte que Naevi n’eut bientôt plus qu’une seule source de lait, et juste le petit lopin de terre où se dressait sa cabane pour lui et les siens.

Alors la jalousie rendit Adtjis fou furieux. Il saisit un bois de renne, frappa Naevi à la tête et le tua d’un coup.

Au même instant, un horrible cri retentit, venant de la forêt. Il s’intensifia, donna de l’écho contre la montagne, et toute la lumière disparut. Des silhouettes effrayantes jaillirent de toutes les brèches, des mares et des étangs. Alors Adtjis-ienis, l’épouse d’Adtjis, éclata d’un rire horrible. Elle défit le cordon de sa besace et déversa les maladies sur le monde. Bientôt une odeur de malheur et de mort s’éleva des eaux et des forêts. Les oiseaux cessèrent de voler, les poissons de nager. Les humains commencèrent à se battre. Les hommes erraient dans les campagnes en frappant tout sur leur passage et les femmes tuaient leurs propres enfants.

Voyant que les hommes n’avaient pas supporter de jouir des fruits de la terre sans devoir travailler, le Soleil leur tourna le dos et pleura.

Quand Jupmele réalisa le méfait d’Adtjis, son cœur se remplit de colère et de tristesse.  Ses présents n’avaient pas été source de bénédiction pour les hommes. Alors il descendit sur terre. Il fait tarir les sources de lait, ôta les viandes qui poussaient encore sur les arbres et vida les ruisseaux de leurs derniers poissons. Il décida de cacher les fruits de la terre, pour que personne ne puisse désormais en jouir sans un dur labeur.

Il retourna les montagnes et enfouit l’or et les minerais précieux dans leurs profondeurs. Quant à la viande, il la répartit sur le corps des animaux, et ne laissa qu’un tout petit peu de lait dans leurs mamelles. Il donna aux poissons des nageoires et inculqua à tous les animaux la peur des hommes, pour les inciter à s’enfuir à leur approche.

Ainsi, la vie devient de plus en plus difficile pour les hommes. Désormais ils durent travailler et peiner pour survivre.

Mais Jupmele voulut que les hommes se souviennent de Naevi et de l’âge d’or. C’est pourquoi il dota les rennes mâles d’une longue barbiche qu’il appela naevi.  Il n’y a rien au monde de plus doux et de plus bénéfique. Les lapons en garnissent le berceau des nouveau-nés, pour leur procurer un sommeil paisible.

Et Jupmele déclara que lorsque les hommes deviendraient aussi bons et pieux que Naevi, ce serait à nouveau l’âge d’or. Tout redeviendrait alors comme avant qu’il ait mis la terre sens dessus dessous.

Quant au Soleil, il veille toujours sur le monde du haut du ciel. Et tant que le Soleil brillera, il y aura de l’espoir pour les hommes…

 

                Aux origines du monde – Contes et légendes de Laponie (Ed Flies France)

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B
Un très joli conte.<br /> Bonne journée Brigitte.<br /> Christian
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