Par Pestoune
L'araignée affamée d'amour profond de Homéro Aridjis
L’araignée affamée d’amour profond,
le désir sans nom de la fleur obscure,
tissèrent la peur de mourir en copulant,
griffèrent les corps qui s’aimaient.
Dans le lit noir des bras moites,
des filets troubles et des ongles dans la bouche,
l’araignée rouge de l’amour nocturne,
déroule ses fils de sa poitrine.
Tandis que plein de désir je m’empêtrais en elle,
suspendu à ses lianes et à ses cuisses,
sa bouche dévorait ma bouche
et son corps consommait mon corps.
« Une Telle » est une araignée, me disait-on,
elle paraît mouche morte, mais c’est une viveuse
et dans les ordures du soir,
elle ramasse avec ardeur des restes d’amour ;
avec quatre paires de pattes et un corps divisé
en céphalothorax, abdomen et venin d’invertébré,
son amour parcourt les murs et les sols,
par des ponts mous et des toiles qui te piègent.
Jouer au jeu de l’araignée, c’est aller
par le monde égratignant des chairs intimes
avec doigts, dents, ruses et dagues
et saisir en l’embrassant l’amour abyssal.
Partisane des rêves partagés,
elle tissait des petites et des grandes quantités
de peaux, pattes, ailes, têtes elliptiques,
et toute matière de quoi est faite une mouche.
Flexible, indestructible, traîtresse,
elle montait et descendait les murs avec ses mains-pieds.
Elle n’utilisait pas de bas ni des jarretières serrées
car ça lui faisait mal aux jambes.
Au crépuscule, sur la balançoire visqueuse étaient bercés
les corps griffés et les visages en lambeaux.
Oubliés, les griffures mal données,
les lianes, les cheveux, l’argile des briques.
Ne vous en préoccupez pas, disais-je. A moi peu m’importe
les baves qu’elle secrète pour ourdir sa toile ;
quand dans le lit noir nous nous unissons,
dans sa bouche ses toiles me donnent de l’appétit.
attrapés tous deux par l’ingénieuse machination,
nous grimpions au cinquième soleil de la joie,
bien que nous descendions aussi vers l’Inframonde,
égratignant les instants au-dedans de nous.
Labourer la mer et griffer les murs
était mon travail de rêveur solitaire.
J’ai rompu les liens et m’échappai,
J’ai connu la mort et me suis levé. oudra
Homéro Aridjis (Les poèmes solaires).
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