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Une cartographie des cours d’eau de France.
Le 3 juin 2015 les services de l’état décident de cartographier les cours d’eau du pays avec pour objectif une obligation d'entretien et l'application de la police de l'eau. En effet, avant 2015, aucune cartographie officielle n’existe en France. Il en existe bien plusieurs, souvent contradictoires et peu claires.
Le premier problème sur le terrain va être de déterminer ce qu’est un cours d’eau. Comme il n’y avait pas de loi le définissant clairement, on était arrivé sur le terrain à des situations extrêmement douteuses. Les enjeux sont très importants pour les riverains (règles d’entretien différentes s’il s’agit d’un fossé ou d’un vrai cours d’eau). Mais ils le sont aussi pour les agriculteurs, au nom de la loi sur l’eau, qui n’ont plus le droit d’épandre de pesticides autour des cours d’eau, de détourner l’eau pour leurs champs ou de faire des travaux sur les berges.
Quels sont les critères pour déterminer un cours d’eau ?
Pour déterminer les cours d’eau on se sert des cartes IGN à l’échelle 1/25 000ème (dites TOP25 et Série bleue) ou du site Géoportail de l’IGN (http://www.geoportail.gouv.fr/accueil ) qui donnent une cartographie des cours d’eau (traits pleins ou discontinus).
Le premier critère est la présence d’eau.
Le second critère est un débit suffisant une majeure partie de l’année.
Le troisième critère est la présence et la permanence d’un lit naturel (il ne doit pas avoir été creusé de main d’homme). Le lit correspond au chenal d’écoulement et comprend :
- les berges : que l’on retiendra comme définies par un dénivelé d’au moins 10 cm entre le fond du lit et le niveau moyen des terrains adjacents
- le fond : on recherchera en particulier la présence d’un fond différencié par rapport aux terrains avoisinants (matériaux roulés, vases, litières, marques de transport et/ou de sédimentation...)
Le quatrième critère concerne l’alimentation, qui doit être "indépendante" des précipitations. Les fossés et les ravines sont alimentés par le ruissellement des eaux de pluies, ce qui n’est pas le cas des cours d’eau.
Et enfin le dernier critère porte sur la présence de macro-invertébrés aquatiques benthiques et d’une flore aquatique.
Tout parait simple ainsi mais sur le terrain, la mauvaise foi a considérablement changé la donne avec d’importants conflits d’interprétation de la FNSEA.
De l’intérêt de cartographier les cours d’eau
L’intérêt est écologique soit protéger nos cours d’eau (rivières, ruisseaux…) de la pollution (nitrate, produits phytosanitaires…), de travaux sur les berges ou dans les lits (mettant la biodiversité en danger).
En bref, la cartographie est essentielle afin d’appliquer la loi sur l’eau.
Et pour cela il faut déterminer, sur le terrain, les cours d’eau des fossés et ravines.
La Loi sur l’eau
Cette loi date du 30 décembre 2006 (Journal Officiel du 31 décembre 2006) et comprend 102 articles qui réforment plusieurs codes (environnement, collectivités territoriales, santé, construction et habitat, rural, propriétés publiques…).
Cette loi permettrait la reconnaissance du droit à l’eau pour tous et la prise en compte de l’adaptation au changement climatique dans la gestion des ressources en eau.
Pour le détail de la loi, suivez ce lien :
http://www.eaufrance.fr/IMG/pdf/DGALN-Loi_sur_l_eau_cle01b31b.pdf
Voici les points essentiels de la loi (wikipédia)
Préservation des milieux aquatiques
L’autorisation d’installations hydrauliques est modifiée au plus tard en 2014 si leur fonctionnement ne permet pas la préservation des poissons migrateurs. Dans le même délai, ces ouvrages doivent, sauf exception respecter un débit réservé de 10 % du débit moyen (2,5 % aujourd’hui).
Des obligations de respect de la connectivité écologique sont imposées aux ouvrages sur certains cours d’eau, pouvant éventuellement conduire à l'interdiction d'implanter des ouvrages.
Des tranches d’eau peuvent être réservées dans les ouvrages dédiés à d’autres usages, notamment hydroélectriques, pour le maintien des équilibres écologiques et la satisfaction des usages prioritaires (eau potable, …).
Les riverains ont l'obligation d’entretenir régulièrement les cours d’eau sans travaux néfastes pour les écosystèmes aquatiques et les collectivités locales ont la capacité de s’y substituer par le biais d’opérations groupées par tronçons de cours d’eau.
La délimitation des eaux libres et des eaux closes sera prise en tenant compte des conditions de circulation des poissons.
La destruction des frayères est qualifiée de délit et le tribunal peut ordonner la remise en état du milieu aquatique et la publication du jugement. Leur définition et leur identification seront précisées par décret.
La vente et l’achat de poissons braconnés sont punis de 3 750 euros, amende portée à 22 500 euros lorsqu’il s’agit d’espèces protégées.
L’accès des piétons aux berges des cours d’eau domaniaux est facilité.
Un régime de transaction est institué pour les infractions à la police de l’eau sous le contrôle du procureur de la république.
La réglementation du stationnement ou de l’abandon des péniches sur le domaine public fluvial est renforcée.
Gestion quantitative
La répartition des volumes d’eau d’irrigation est confiée à un organisme unique pour le compte de l’ensemble des préleveurs dans les périmètres où un déséquilibre existe entre le besoin et la ressource.
La modification de certaines pratiques agricoles peut être rendue obligatoire dans des zones de sauvegarde quantitative, en amont des captages d’eau potable.
Lorsqu’un ouvrage hydraulique présente des risques pour la sécurité publique, une étude de dangers doit être faite et l’interdiction d’aménager des terrains de camping ou de stationnement de caravanes peut être prononcée.
Préservation et restauration de la qualité des eaux
Les distributeurs de produits antiparasitaires doivent tenir un registre sur les quantités mises sur le marché.
Les matériels de pulvérisation des produits antiparasitaires sont soumis à un contrôle périodique obligatoire.
La modification de certaines pratiques agricoles peut être rendue obligatoire en amont des prises de captage et de certaines zones à protéger.
Assainissement
Il est créé un fonds de garantie chargé d’indemniser les dommages causés par l’épandage des boues d'épuration urbaines.
Les communes peuvent instaurer une taxe sur les surfaces imperméabilisées pour permettre de financer les travaux en matière d’assainissement pluvial.
Un crédit d’impôt est créé pour les équipements de récupération et de traitement des eaux pluviales.
Les particuliers doivent effectuer un entretien régulier de leur installation d’assainissement non collectif et les communes doivent assurer le contrôle des installations (cf. Service public d'assainissement non collectif SPANC).
Les communes qui le souhaitent peuvent participer à la construction, la rénovation et l'entretien des installations des particuliers qui le demandent, via le SPANC.
Aménagement et gestion des eaux
Les schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) sont opposables au tiers.
Agences de l’eau
Elles financeront à hauteur de 14 Milliards d’euros pour les 6 prochaines années des actions liées au milieu et aux usages. Au moins un milliard d’euros sera consacré à la solidarité envers les communes rurales.
Les redevances sont modulées en fonction des enjeux et des investissements.
La taxe piscicole est remplacée par une redevance pour la protection du milieu aquatique payée par les pêcheurs.
Office national de l’eau et des milieux aquatiques
Un Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA) se substitue au Conseil supérieur de la pêche (CSP), pour renforcer la surveillance des cours d’eau sur le terrain, bâtir un pôle national d’étude et d’expertise et mettre en place un véritable système d'information sur l’eau et les milieux aquatiques ainsi que sur les performances des services publics de l’eau et de l’assainissement.
Organisation de la pêche en eau douce
Une fédération nationale de la pêche en eau douce est créée ainsi qu’un comité national de la pêche professionnelle en eau douce.
Conflit d’intérêts.
Mais le problème est que l’Etat ne s’est pas donné les moyens de faire ce travail lui-même et l’a délégué au grand syndicat des exploitants agricoles, la FNSEA (un véritable lobby) qui s’est même porté volontaire pour cette tâche.
Or sachant que les agriculteurs sont les principaux visés par les règles concernant la lutte contre la pollution, force est de constater qu’il y a conflit d’intérêts.
Sur le terrain, nous avons été amenés à constater que la FNSEA a fait déclasser un nombre important de cours d’eau. De nombreux ruisseaux ont été déclassés et effacés des cartes hydrographiques. On estime que près de 20 % de cours d’eau ont été déclassés. « C’est principalement le cas des têtes de bassin, notamment celles des petites rivières », précise Bernard Rousseau, spécialiste de l’eau à France nature environnement (FNE). Les têtes de bassin sont constituées de rus, de ruisseaux et d’aubettes qui représentent l’arborescence — le chevelu — en amont des rivières et des fleuves. Le chevelu détermine la qualité de l’eau et est un refuge de la biodiversité animale et végétale (source reporterre). C’est dire son importance écologique. Déclasser ces zones, c’est permettre l’épandage de produits phytosanitaire en amont qui s’écoulera en aval. Une évidence enfantine qui ne semble pas perturber le raisonnement de la FNSEA ne voyant que ces intérêts propres.
Alors que la France s’est engagée auprès de l’Europe à atteindre un bon état écologique des cours d’eau d’ici à 2027, obligeant des particuliers non raccordés au réseau de collecte des eaux usées à faire des travaux onéreux afin de se mettre aux normes, les agriculteurs vont eux, pouvoir continuer à polluer en masse nos rivières remettant en cause l’engagement du pays. Pour parler chiffres, les travaux de mises aux normes pour un particulier représentent une somme allant de 4 à 7000 € et même s’il y a une subvention, la majeure partie des frais restent à leur charge. De plus seront à payer des contrôles annuels du traitement des eaux usés. Les particuliers vont devoir faire des sacrifices et les agriculteurs pourront continuer à polluer avec la complicité de l’Etat démissionnaire ? Il y a là quelque chose de pourri.
Ci-dessous une enquête en trois articles de Fabrice Nicolino et Lorène Lavocat pour Reporterre :
- Quand le gouvernement et la FNSEA redessinent la carte des cours d’eau
https://reporterre.net/Quand-le-gouvernement-et-la-FNSEA-redessinent-la-carte-des-cours-d-eau
- La FNSEA veut faire disparaître les petits cours d’eau de nos cartes
https://reporterre.net/La-FNSEA-veut-faire-disparaitre-les-petits-cours-d-eau-de-nos-cartes
- La nouvelle cartographie des cours d’eau menace l’intérêt général
https://reporterre.net/La-nouvelle-cartographie-des-cours-d-eau-menace-l-interet-general
Sources :
Pour trouver les cartes IGN qui vous intéressent : le geoportail
https://www.geoportail.gouv.fr/
http://www.coordinationrurale.fr/cartographie-des-cours-deau-regardez-bien-votre-ign/
http://www.charente.gouv.fr/content/download/12167/72737/file/reconnaitre%20un%20cours%20d'eau.pdf
http://www.eaufrance.fr/IMG/pdf/DGALN-Loi_sur_l_eau_cle01b31b.pdf
https://reporterre.net/La-FNSEA-veut-faire-disparaitre-les-petits-cours-d-eau-de-nos-cartes
Tags : d’eau, cours, eau, rivière, cartographie, aquatique
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Commentaires
Excellent travail de recherche et d'information... Bravo et merci de cet éclairage.
Merci à toi de m'avoir fourni deux clichés pour illustrer l'article