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Par Pestoune le 23 Avril 2019 à 21:41
Tu pars !... deux jours hélas, et tu n'es plus pour nous
Qu'un de ces souvenirs solitaires et doux
Dont le cœur s'empare en silence.
Pourquoi donc venais-tu si tu devais nous fuir ?
Hélas ! mes jours sereins au nonchalant loisir
Ne renaîtront pas de l'absence.
Ah ! je devais penser (mais comment le pouvoir
Quand je laissais mes yeux s'égarer chaque soir
Sur cette place où tu reposes)
Que l'amour ici-bas n'a que de courts instants,
Que la vie est un songe, et qu'avec le printemps
Hélas ! s'en vont toutes les roses.
Tu t'en vas donc aussi !... Pars, s'il est quelque bord
Où tu sois plus aimée, où plus d'âmes d'abord
Recherchent ton heureux empire,
Où tu puisses ravir, sans effort et sans art,
Plus de regards d'amour avec un seul regard,
Plus de cœurs avec un sourire.
Tu pars ! je les maudis ces lieux où tu n'es plus,
Et cependant jamais ne furent répandus
Plus de trésors sur les campagnes,
Jamais Dieu n'épancha de son sein paternel
Parfums plus purs aux fleurs, plus mol azur au ciel,
Plus douce rosée aux montagnes.
Tu parus, aussitôt tout s'embellit de toi ;
Tu parus, et le jour devint plus doux pour moi,
Et la nuit devint plus sereine...
Adieu, gloire, avenir ! Oh ! j'aurais tout donné
Pour sentir un moment sur mon front incliné
L'ombre de tes cheveux d'ébène.
Tu n'étais pas venue et déjà cependant
Je ne sais quel parfum de ton nom s'exhalant
Allait devant ta renommée ;
Et le jour où sur moi s'abaissèrent tes yeux...
Où t'avais-je donc vue ? En quel songe des cieux ?
Je crus déjà t'avoir aimée.
Oh ! comme lentement vont se traîner les mois !
Plus de brise dans l'air, plus d'ombre sous les bois,
De rêverie au bord des fleuves !...
Encore si ta voix eût laissé sur mon cœur
Tomber un de ces mots d'ineffable douceur
Qui consolent les âmes veuves !
Ce mot eût fait éclore un magique univers
Où pour l'entretenir de mes regrets si chers
J'aurais enseveli ma vie ;
Ainsi pour se bercer d'une image d'amour
Le cygne sous son aile en attendant le jour,
Ramène sa tête endormie.
Mais pas même ce mot ! A l'heure du départ
Ma furtive douleur s'exhalant à l'écart
Évitera jusqu'à ta vue,
Et quand de ton exil tu reviendras enfin,
Ton œil indifférent retrouvera le mien
Sans y chercher la bienvenue.Antoine de Latour
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Par Pestoune le 21 Avril 2019 à 21:25
ŒUFS DE PAQUES
Voici venir Pâques fleuries,
Et devant les confiseries
Les petits vagabonds s'arrêtent, envieux.
Ils lèchent leurs lèvres de rose
Tout en contemplant quelque chose
Qui met de la flamme à leurs yeux.
Leurs regards avides attaquent
Les magnifiques œufs de Pâques
Qui trônent, orgueilleux, dans les grands magasins,
Magnifiques, fermes et lisses,
Et que regardent en coulisse
Les poissons d'avril, leurs voisins.
Les uns sont blancs comme la neige.
Des copeaux soyeux les protègent.
Leurs flancs sont faits de sucre. Et l'on voit, à côté,
D'autres, montrant sur leurs flancs sombres
De chocolat brillant dans l'ombre,
De tout petits anges sculptés.
Les uns sont petits et graciles,
Il semble qu'il serait facile
D'en croquer plus d'un à la fois ;
Et d'autres, prenant bien leurs aises,
Unis, simples, pansus, obèses,
S'étalent comme des bourgeois.
Tous sont noués de faveurs roses.
On sent que mille bonnes choses
Logent dans leurs flancs spacieux
L'estomac et la poche vides,
Les pauvres petits, l'œil avide,
Semblent les savourer des yeux.
Marcel PAGNOL
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Par Pestoune le 11 Avril 2019 à 21:16
Chaque jour tu rattrapais la lune
qui fuyait
Chaque jour tu approchais de mon silence
pour y mêler le tien
Je me voyais poser la main sur une ombre
Moi-même j’étais une ombre
sans paupières
Nous étions notre propre désert
pierre au vif des sables
et source dans l’amour du monde
Nous étions l’oiseau blanc
qui porte le nuage entre ses ailes
Nous étions le vol et l’oiseau
fendant le ciel du regard
quand s’abolit la distance
et que renaît le feu
Soleil à son lever
chaque jour tu rattrapais la lune
qui fuyait
Nous étions la lune et le soleil
et la couleur qui soutient le ciel
et son commencement
Nous étions lumière et ténèbres
Nous étions la roue
qui assemble le jour et la nuit
Nous étions l’homme la femme
et l’enfant que je voyais en toi
Chaque jour tu approchais de mon silence
pour y mêler le tien
Nous étions la totalité
des voyelles et des consonnes
que scellaient nos bouches de chair
Nous étions le feu vif et la cendre
et nos propres décombres
Nous étions tout ce qui n’eut pas lieu
et qui dure
Amina Saïd « soleil à son lever », La douleur des seuils
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Par Pestoune le 27 Mars 2019 à 22:02
Tu parles de ton âge, de tes fils de soie blanche.
Regarde tes mains pétales de laurier-rose, ton cou le
seul pli de la grâce.
J’aime les cendres sur tes cils tes paupières, et tes yeux
d’or mat et tes yeux
Soleil sur la rosée d’or vert, sur le gazon du matin
Tes yeux en Novembre comme la mer d’aurore autour
du Castel de Gorée.
Que de forces en leurs fonds, fortunes des caravelles,
jetées au dieu d’ébène !
J’aime tes jeunes rides, ces ombres que colore d’un
vieux rose
Ton sourire de Septembre, ces fleurs commissures de
tes yeux de ta bouche.
Tes yeux et ton sourire, les baumes de tes mains le
velours la fourrure de ton corps
Qu’ils me charment longtemps au jardin de l’Eden
Femme ambiguë, toute fureur toute douceur.
Mais au coeur de la saison froide
Quand les courbes de ton visage plus pures se
présenteront
Tes joues plus creuses, ton regard plus distant, ma
Dame
Quand de sillons seront striés, comme les champs
l’hiver, ta peau ton cou ton corps sous les fatigues
Tes mains minces diaphane, j’atteindrai le trésor de
ma quête rythmique
Et le soleil derrière la longue nuit d’angoisse
La cascade et la même mélopée, les murmures des
sources de ton âme.
Viens, la nuit coule sur les terrasses blanches, et tu
viendras
La lune caresse la mer de sa lumière de cendres
transparentes.
Au loin, reposent des étoiles sur les abîmes de la nuit
marine
L’Île s’allonge comme une voie lactée.
Mais écoute, entends-tu? les chapelets d’aboiements
qui montent du cap Manuel
Et monte du restaurant du wharf et de l’anse
Quelle musique inouïe, suave comme un rêve
Chère !….
Léopold Sédar SENGHOR : "Lettres d'hivernage"
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Par Pestoune le 6 Mars 2019 à 21:08
Premier sourire du printemps de Théophile Gautier
Tandis qu'à leurs oeuvres perverses
Les hommes courent haletants,
Mars qui rit, malgré les averses,
Prépare en secret le printemps.
Pour les petites pâquerettes,
Sournoisement lorsque tout dort,
Il repasse des collerettes
Et cisèle des boutons d'or.
Dans le verger et dans la vigne,
Il s'en va, furtif perruquier,
Avec une houppe de cygne,
Poudrer à frimas l'amandier.
La nature au lit se repose ;
Lui descend au jardin désert,
Et lace les boutons de rose
Dans leur corset de velours vert.
Tout en composant des solfèges,
Qu'aux merles il siffle à mi-voix,
Il sème aux prés les perce-neiges
Et les violettes aux bois.
Sur le cresson de la fontaine
Où le cerf boit, l'oreille au guet,
De sa main cachée il égrène
Les grelots d'argent du muguet.
Sous l'herbe, pour que tu la cueilles,
Il met la fraise au teint vermeil,
Et te tresse un chapeau de feuilles
Pour te garantir du soleil.
Puis, lorsque sa besogne est faite,
Et que son règne va finir,
Au seuil d'avril tournant la tête,
Il dit : " Printemps, tu peux venir ! "
Théophile Gautier (Emaux et Camées)
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