• Lettre à l’Amazonie par Sarah Roubato. 5 septembre 2019.

    Vénérable Dame,

    Je vous écris, sachant qu’à la fin de cette lettre une autre partie de vous sera déjà consumée. Il est sans doute bien tard, mais je préfère m’adresser à vous tant que vous existez encore. Car aussi impressionnant que soit le feu qui vous dévore en ce moment, aussi loin que peuvent s’étendre les chiffres des kilomètres carrés dans les colonnes des médias, nous savons bien, vous et moi, que ce n’est là que le début. Et que dans ce craquement et ces cris du vivant calciné, c’est la naissance d’un nouveau monde qui s’annonce.

     

    Il y a peu, une autre vieille dame brûlait de ce côté-ci de l’océan. Aujourd’hui elle ne sonne plus. Elle, chef d’œuvre d’humain que nous avons cru éternel, Vous, chef d’oeuvre naturel que nous avons cru notre propriété. L’Histoire et la Nature grondent contre les hommes. Devant la cathédrale, nous assistions à la destruction accidentelle de notre oeuvre. Devant vous, nous assistons à la destruction consciente et criminelle de ce que nous avons cru notre oeuvre. Car derrière chaque arbre, chaque fleur, chaque animal calciné, il y a le geste tout à fait banal d’un homme sortant du travail et courant au supermarché s’acheter un steak nourri au soja, il y a la femme qui regrette qu’ils ne vendent pas que des ailes de poulet ensemble car c’est ce que les enfants préfèrent. Il y a les yeux de nos ados s’allumant devant le pot de pâte à tartiner qui décime d’autres forêts tropicales. Ils ont entendu parler, mais après tout, un pot de plus ou de moins… Il y a tous ceux qui vont s’acheter du papier toilette molletonné tout doux pour nos fesses fragiles qu’il n’est pas question de laver à chaque défécation, et qui vaut bien que vos cousines les forêts boréales elles aussi soient décimées. Il y a tout ce qui est normal et qui nous constitue. Il y a aussi tous ceux qui posteront des émoticônes enragés devant les images de votre destruction. Il y a sans doute en fait, chacun de ceux qui sont en train de lire cette lettre.

     

    PORTO VELHO, RONDÔNIA, BRAZIL. Crédit : Victor Moriyama / Greenpeace

     

    Comme Notre-Dame, vous êtes un symbole. Et les humains ont besoin de symboles. Ils ont besoin du spectacle grandiose de l’horreur qu’ils créent et contre laquelle chaque individu consommateur, insignifiant et entièrement responsable, sait qu’il ne peut rien faire. On parlera donc de votre incendie plutôt que d’autres, comme on parle de certains génocides ou de certaines guerres et que d’autres restent dans le silence. L’homme est ainsi fait : il sélectionne, il trie, il tait. Regarder en face toutes les forêts qui brûlent, tous les océans et les rivières qui asphyxient, toutes les espèces qui disparaissent sous terre, dans les profondeurs, dans les airs, près de nous, nous rendrait fous. Ne pas le faire nous permet de prolonger ce mode de vie insensé qui est le nôtre. À choisir entre deux folies, préférons la plus confortable.

     

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    Ces images vont vous donner envie de sauver l'Amazonie

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  • Commentaires

    1
    Mardi 10 Septembre 2019 à 07:29

    Un texte et une vidéo qui interpellent.

    Bonne journée Brigitte.

    Christian

     

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