• La création du Grand Chariot

    La création du Grand Chariot

     

    Dans la plaine, au temps où la paix régnait entre les maîtres du paysage, il était une fois cinq loups, tous frères, qui erraient en bande pour le plaisir et leur pitance. Quand ils chassaient, ils partageaient toujours leurs prises avec le Navajo Coyote. Un soir, Coyote les vit qui regardaient le ciel. « Qu’est-ce que vous regardez là-haut, frères ? » s’enquit-il.

    « Oh, rien ! » répondit le plus âgé des loups. Le lendemain, Coyote les découvrit à nouveau, tous les cinq plus un louveteau qui apprenait la vie, en train de regarder le ciel. Il les questionna, par rang d’âge. Le premier hocha simplement la queue et la tête. Le second ne voulut rien dire et tous les autres l’imitèrent gentiment. Le silence à la fois amical et ferme se poursuivit de la sorte pendant quelques soirées. Aucun ne voulait dire à leur ami Navajo, qu’ils connaissaient pourtant depuis des lustres, ce qu’ils observaient tous avec constance. De crainte qu’il ne mette son grain de sel dans leurs affaires – on a beau être amis et se fréquenter quotidiennement, il est des secrets que l’on préfère préserver. Un soir, Coyote insista pourtant auprès du plus jeune de la bande pour qu’il dise de quoi il s’agissait et ce qu’ils cherchaient tous dans le ciel. Ce dernier -ci se tourna vers les autres : « A quoi bon nous taire, disons donc à notre frère ce que nous voyons là-haut. Il ne va certainement pas s’en mêler, c’est un ami en qui nous avons confiance comme pour tous les partages passés »

    Ils s’exprimèrent sans dissiper le mystère : « Là-haut, tout là-haut, il y a deux animaux, inaccessibles.

    - Eh bien, allons-y pour voir, répondit le Navajo en souriant, comme si nous partions de concert à la chasse.

    - Aller là-haut ? Comment serait-ce possible ? Nul animal connu ne peut nous transporter et nous ne savons pas à quel dieu demander de l’aide…

    - Rien de plus simple, répondit Coyote le Navajo. Je vais vous montrer. »

    Coyote puisa dans son carquois un grand nombre de flèches et commença à les décocher dans le ciel. La première resta accrochée au ciel ; la seconde se ficha dans la première, et ainsi de suite, si bien qu’elles formaient ensemble une échelle reliant le ciel à la terre. « Maintenant, nous pouvons facilement monter là-haut pour voir » dit Coyote.

    Le plus vieux des loups ouvrit l’escalade, emmenant son chien. Il était suivit des quatre autres loups, et enfin de Coyote. Le louveteau fut prié d’attendre au pied de l’escalier de flèches colorées. Ils grimpèrent tout le jour et jusque tard dans la nuit. Toute la journée suivante, ils grimpèrent encore. Ils grimpèrent pendant des jours et des nuits, et atteignirent enfin le ciel. Ils s’arrêtèrent dans le ciel et contemplèrent les deux animaux que les loups avaient aperçus d’en bas : deux grizzlis.

    « N’approchez pas, prévient Coyote. Ils vous mettraient en pièces. » Mais les deux plus jeunes loups s’étaient déjà rapprochés, bientôt suivis de deux moins jeunes. Seul le plus âgé restait en arrière. Quand les loups s’approchèrent des ours, il ne se passa rien. Les loups s’assirent en silence, oreilles dressées, et examinèrent calmement les ours ; et les ours, assis aussi, toisaient les loups. Quand il vit qu’il n’y avait pas de danger, le vieux loup vient rejoindre les autres et s’assit là avec son chien.

    Coyote, lu, n’approcha pas davantage. Il n’avait pas une grande confiance dans les ours ; même s’il trouvait que la scène était bien belle et apaisante à voir, et qu’ils avaient tous une bien belle allure, paisiblement assis et se toisant presque amicalement. Le Navajo pensait aussi qu’il avait fort envie de les laisser ensemble, pour que tout le monde puisse les voir. Et quand les gens verront ce tableau de paix dans le ciel, ils s’en iront, en répétant que je suis l’homme à l’origine de ce tableau, et ils me loueront jusqu’à la fin des temps.

    Il laissa donc les loups et les grizzlis à leur paix et à leur contemplation réciproque, et entreprit de revenir sur terre, regrettant fugitivement de laisser ses vieux amis de chasse et de courses. Sur le chemin du retour, il arracha les flèches une à une derrière lui : ainsi, personne ne pourrait plus redescendre. Revenu sur la terre, il contempla, admiratif, la coexistence qu’il avait laissé en haut. Et qui n’a jamais changé depuis. De nos jours, on appelle cette constellation le Grand Chariot. En regardant bien, on voit que trois loups composent le timon, et que le plus vieux, celui du milieu, a toujours son chien à ses pieds. Les deux jeunes loups forment l’avant du chariot, et les deux grizzlis l’arrière, qui pointe vers l’étoile Polaire.

    De voir comme cela était beau, Coyote eut envie de remplir le ciel d’étoiles. Il disposa donc des étoiles partout en motifs célestes schématisant le tableau ; puis pour utiliser ce qui lui restait, il traça la Voie lactée.

    Quand il eut fini son ouvrage, Coyote manda Alouette, sa sœur Navajo. « Raconte à tous, je te prie, quand je ne serai plus de ce monde, que cette ordonnance des étoiles qu’ils voient au firmament, c’est moi qui l’ai conçue ; c’est mon œuvre. Dis-leur aussi que j’ai voulu que l’on se souvienne de l’amitié entre les loups et l’homme, et aussi que les animaux, après s’être craints mutuellement, découvrent toujours, un jour, qu’ils ne sont pas des ennemis. »

                         Extrait de  Le Roman du Loup de Claude-Marie VADROT

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  • Commentaires

    1
    Samedi 14 Janvier 2017 à 09:58
    Séverine

    On va finir par connaitre tout le livre ! J'ai un sacré paquet de livres à lire avant de m'en procurer d'autres.

      • Samedi 14 Janvier 2017 à 10:22

        L'essentiel du livre n'est pas dans ces trois contes.  C'est ce que le loup nous y raconte de son expérience face à l'homme qui prime. Les contes n'y sont qu'anecdotiques mais j'espère qu'ils donneront envie aux lecteurs de lire ce livre.

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    2
    Samedi 14 Janvier 2017 à 18:37

    j aime bien  

    les  contes nous apprennent  toujours  quelque chose 

     bonne soirée  Pestoune 

      • Samedi 14 Janvier 2017 à 19:16

        Oui Monica. Beaucoup d'entre eux sont des transmissions orales et contiennent une leçon.

        Bonne soirée à toi aussi

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