• Julien et Marinette de Bernard Clavel

    Julien et Marinette de Bernard Clavel

    Chaque année, dès qu’arrivaient décembre, le petit Julien devenait très sage. A l’école, il s’appliquait beaucoup et évitait de se dissiper. Le soir, à la maison, il se hâtait de réviser sa table de multiplication. Puis il se mettait à écrire au Père Noël.

    Il lui fallait toujours plusieurs brouillons. Sa maman corrigeait les fautes. Une fois proprement recopiée sur une page de cahier, il pliait sa lettre en quatre, la glissait dans une enveloppe et la confiait à sa maman qui y collait un timbre en promettant :

    - Demain matin, en allant chercher le pai, je la mettrai à la poste.

    Comme elle n’était pas riche, la brave femme décollait le timbre et cachait la lettre dans un tiroir de sa commode, sous des serviettes de toilette. Elle aurait pu la mettre au feu, mais elle aimati tellement son petit Julien que tout ce qui venait de lui était précieux. Et puis, quand on est pauvre, on ne gâche pas une feuille de cahier qui n’a été utilisée que d’un côté.

    L’année de ses six ans, Julien s’appliqua particulièrement : sa lettre faisait au moins dix lignes et comptait à peine une douzaine de fautes d’orthographe. Il avait mis grand soin à la recopier, car il demandait un train électrique. Et pas n’importe quel train. Pour être bien certain que le Père Noël ne se trompe pas, Julien avait précisé en soulignant d’un gros trait tiré à la règle :

    « Celui qui est dans la vitrine droite du Grand Bazar, où tu achètes les jouets. »

    Sa maman leva les bras au ciel.

    - Tu es trop exigeant, mon petit ! Le Père Noël ne roule pas sur l’or. Si tous les enfants font comme toi, le pauvre homme sera désespéré. Il finira par ne plus faire sa tournée !

    Mais Julien était têtu. Et la lettre était partie. Partie dans le tiroir, comme les autres.

    Le matin du 25 décembre, levé bien avant sa maman, Julien descendit à la cuisine.

    Il faisait très froid. Il avait neigé de bise toute la nuit. Le jardin dormait encore, tout blanc sous l’aube grise.

    Dans les souliers, qu’il avait posés devant la cheminée, Julien trouva trois oranges, un petit cornet de chocolats et une boîte qui lui sembla vraiment petite. Il se hâta tout de même de dénouer la ficelle rouge. Pui il déplia le papier bariolé pour découvrir quoi ?

    Un chemin de fer, mais minuscule : juste deux wagons, une locomotive dont il fallait remonter le mécanisme avec une clef, et une gare en carton.

    Déçu, l’enfant se mit à sangloter en accusant le Père Noël de s’être moqué de lui. Il fallut longtemps à sa maman pour le consoler.

    Julien finit par s’amuser avec ce petit train, mais sans y prendre beaucoup de plaisir. Car il pensait à l’autre, celui du Grand Bazar.

    L’après-midi, la bise noire cessa de souffler et le soleil parvient à déchirer les nuages gris. Comme Julien sortait pour s’amuser dans la neige, il vit venir Marinette. Cette fillette de son âge avait perdu ses parents. Elle habitait chez sa grand-mère, tout au bout de la rue, en haut d’une petite maison triste sans jardin. Elle accourait en riant :

    - Viens vite voir ce que le Père Noël m’a apporté… Vite !  

    Les enfants coururent dans l’escalier sombre qui conduisait à la mansarde. Assise devant une minuscule lucarne donnant sur le toit, la grand-mère ravaudait une blouse noire ;

    Julien avait très peur de trouver chez son amie le train électrique dont il avait tant et tant rêvé.

    Mais non, sur la table trônaient deux grosses oranges posées sur une assiette blanche. Marinette les lui montra en disant :

    - Tu vois, le Père Noël a pensé à toi. Il en a apporté deux. Une pour moi, une pour toi : ma grand-mère n’en mange pas.

    Julien prit l’orange que Marinette lui tendait et, sans comprendre pourquoi, il se mit à pleurer et partit en courant.

    Un peu plus tard, il revient avec sa maman. Ses larmes avaient séché. Il portait un panier où il y avait des pommes rouges, des mandarines, une tablette de chocolat, un paquet de biscuits et un de se plus beaux livres d’images.

    La maman de Julien dit à Marinette :

    - Le sacré Père Noël est bien gentil, mais il commence à se faire vieux. Le pauvre homme n’a plus toute sa tête. Il t’apporte deux oranges au lieu d’une, et voilà qu’il dépose devant notre cheminée un panier qui est pour toi.

    Emerveillée, pleurant de joie, la petite Marinette ne pouvait plus prononcer un mot.

    Julien ne pensait plus au chemin de fer électrique du Grand Bazar. Il regardait Marinette et c’était le bonheur de cette petite fille qui le rendait heureux.

    Julien a grandi. Il est devenu un homme. Depuis ce jour de Noël, chaque fois qu’il lui arrive de désirer une chose inaccessible, il  se dit qu’il y a toujours quelque part une petite Marinette que la vie n’a pas gâtée autant que lui.

     

                                    Bernard Clavel

                                    Histoires de Noël.

     

    Julien et Marinette de Bernard Clavel

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  • Commentaires

    1
    Mercredi 8 Décembre 2021 à 06:13

    La conclusion est belle 

    Merci pour ce petit moment de lecture 

    Bon mercredi Brigitte 

    2
    Mercredi 8 Décembre 2021 à 06:57

    Joli conte.

    Bon mercredi Brigitte.

    Christian

    3
    Mercredi 8 Décembre 2021 à 06:57

    Une belle histoire... certains enfants trop gâtés devraient la lire (et même des "grands" enfants aussi !)....

    Très bonne journée et gros bisous.

    4
    Mercredi 8 Décembre 2021 à 15:07

    bonjour  brigitte,

    qu'i fait bon de lire ou de relire ces petit contes etils  sont l'occasion de renouer avec l'univers magique  de noel   belle journée à toi et des gros bisous monette

     

    5
    Jeudi 9 Décembre 2021 à 17:11

    Cela fait du bien de relire ces contes, de renouer avec ces belles valeurs de partage et d'amitié. 

    J'ai toujours eu des Noëls choyés, j'étais même gâtée et pourtant mon plus beau cadeau a été celui où j'ai reçu des sabots de bois décorés de roses bleues, j'en voulais tant pour marcher comme mon grand-père ; ils restent tellement présents dans ma mémoire, un  matin tout blanc à les étrenner dans la neige,bien plus beaux que la belle poupée qui était laissée de côté.

    Merci Brigitte pour ce conte sensible; belle soirée.

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