• Enigme de la peinture

     

    Lorsqu’on admire une peinture, pleins d’émotions nous saisissent mais parfois aussi pleins de questions. Qui est cet artiste qui a peint, que voulait-il nous raconter, quels sentiments voulait-il nous partager ? Et si en plus nous découvrons dans l’œuvre des détails inattendus, parfois cachés, les questionnements prennent un tout autre ordre. Pourquoi ce détail figure-t-il dans l’œuvre, quel secret cache-t-il ? Nous allons voir quelques perles tapies au cœur de toiles célèbres. Certaines énigmes resteront sans réponses, d’autres trouveront une explication. Toujours est-il que nous regarderons dorénavant les peintures avec un autre regard.

     

    Triptyque du jugement dernier de Hans Memling

     

     

    Dans cet œuvre du XVème siècle, nous voyons en haut le Christ assis sur l’arc en ciel de l’alliance et de l’espérance, les pieds reposant sur un globe d’or entouré des élus du paradis. Sur la partie gauche du triptyque, les élus escaladant l’escalier de cristal les amenant vers le paradis, sur la partie droite les damnés de l’enfer.

    Au centre se trouve l’archange St Michel cuirassé, tenant la balance de justice pour la pesée des âmes. A sa gauche St Pierre fait le tri entre les uns et les autres avec des âmes en attente du jugement. A sa droite toutes les âmes repoussées qui iront rejoindre la damnation éternelle.

    Mais le détail qui nous intéresse, se trouve sur la cuirasse de l’archange.

     

     

    Contrairement à ce que l’on pourrait croire, il ne s’agit pas d’un effet lumineux. En effet Memling y a reproduit comme dans un miroir les âmes qui l’entourent élus comme damnés. Qu’a voulu dire l’artiste par cet effet ?  St Michel est le soldat de Dieu, celui qui combat au nom de Dieu et qui guide vers la solution. C’est donc contre lui que viendront se réfugier les âmes en perdition lors du jugement dernier.

     

     

    La vision de St Bernard  de Fillipino Lippi

     

     

    Ce retable représente St Bernard (le fondateur de l’abbaye de Clairvaux) en train de composer sa célèbre homélie, dite homélie de la Vierge où il la compare à une étoile resplendissante. Celle-ci lui apparait entourée d’anges. La peinture est riche en personnage dont le commanditaire en bas à droite et en détails. On voit des rochers ressemblant à des livres sur lesquels reposent en strates de vrais livres. Une bible est ouverte sur la lecture de l’Annonciation et une lettre est mise en valeur. Un écriteau est au-dessus de la tête sur lequel on peut lire : « Résiste et abstiens-toi ». Un diable hideux et un hibou sont tapis dans une anfractuosité au pied de laquelle pousse un rosier. Et en arrière-plan nous voyons un paysage avec une ville, des personnages, un clocher. L’ensemble donne l’impression d’une coupure nette entre le monde réel et l’univers de St Bernard. Mais le sens de cette peinture nous échappe. Pourquoi cette multitude de détail ? Pourquoi la présence du commanditaire ? Qu’est-ce à dire cet écriteau ? Et cette strate de livres isolant le Saint dans un huis-clos ?  Et la Vierge, pourquoi pose-t-elle la main sur l’homélie ? Autant de questions légitimes mais ne trouvant pas de réponses à l’heure actuelle.      

                                                 

     

    Vertumme  de Giuseppe Arcimboldo

     

     

    Peintre d’abord classique, Arcimboldo peignait les portraits des grands de la cour, des familles régnantes dont le plus connu étant son Portrait de Maximilien II de Habsbourg et de sa famille. Alors comment est-il arrivé aux compositions potagères ?

    C’est probablement grâce à la découverte des cabinets de curiosités de Maximilien II (protecteur bienveillant d’Arcimboldo). Lui et son successeur Rodolphe II à la personnalité fantasque et solitaire (entretenant une amitié complice avec le peintre) tous deux très érudits se passionnaient pour toutes sortes de curiosités allant du scientifique à l’art. Parmi ses trésors des masques anthropomorphes datant de l’antiquité et d’autres venant des amérindiens qui l’ont particulièrement inspirés. Ses peintures doivent être lues comme des rébus pour certaines et comme des allégories du pouvoir.

    Mais la toile Vertumme a ceci de particulier qu’elle représente Rodolphe II en Vertumme, roi d’Etrurie devenu Dieu de la nature, des saisons garant de l’abondance. C’est un hommage appuyé que rend l’artiste à son mécène avec lequel il a tissé une relation faite de complicité et de goût partagé pour l’ésotérisme et les bizarreries de la nature.

     

     

    La Mort de la Vierge de Caravage

     

     

    Dans l’œuvre, on peut voir la Vierge, usée par la vie, son auréole à peine dessinée, vêtue d’une robe rouge, la tête renversée, un bras pendant, les pieds gonflés, le corps abandonné à l’agonie et violemment éclairée reposant dans une chambre complètement dénudée. Entourée par les Onze, Marie Madeleine est là elle aussi et pleure. Et au-dessus un sanglant rideau rouge formant comme un dais.

    Cette œuvre a été accueillie avec enthousiasme et ferveur par la population mais a été violemment rejetée par le clergé. Pourquoi ?  Parce que le modèle ayant servi à la Vierge était une prostituée que l’artiste aimait beaucoup et dont le corps avait été repêché dans le Tibre. Marie-Madeleine la prostituée aimée du Christ et la Vierge ayant le visage d’une courtisane aimé du Caravage, la symbolique était forte. Reste une autre énigme : comment les prêtres pouvaient-ils savoir que le modèle était une prostituée ?

     

     

    L’île des morts de Arnold Böcklin

     

     

    Une œuvre fascinante qui a inspiré beaucoup de personnalités tels : Lénine, Apollinaire, Freud, Dali, Rachmaninov…

    Tant d’interprétations ont été données de l’œuvre et pourtant aucune d’entre elles n’est totalement satisfaisante pour expliquer cette énigme.

    En regardant le tableau, nous avons le sentiment que le visible cache l’invisible.

    Le soleil se couche et une barque approche d’une île. A son bord, le bateleur transporte un personnage en blanc semblant être vêtu d’un linceul. Homme ou femme ? Rien ne permet de le dire. Aux pieds du personnage un cercueil ? Est-il vide ? Est-il occupé ? Est-ce le sien ? Et cette barque entre les deux rives, semble être entre la vie et la mort dans un voyage sans retour.

    Cette lumière qui éclaire le personnage principal avec le cercueil, est-ce la lumière du crépuscule ou celle d’une aube nouvelle ? Et le personnage, est-il déjà mort ? Le sait-il ? Autant de questions et plus encore dans cette œuvre dont les réponses sont peut-être en chacun de nous.

     

    Et pour découvrir plus d’énigmes encore, je vous invite à consulter le livre d’où j’ai tiré ses exemples : Cent énigmes de la peinture de Gérard-Julien Salvy.

    Vous irez de découvertes en découvertes et de surprises en surprises.

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  • Commentaires

    1
    Jeudi 14 Avril 2016 à 21:12

    Bonsoir Pestoune,

    Chaque détail est dans la pensée de l'autre et ce qui peut sembler n'avoir aucun sens pour l'un peut être une évidence pour l'autre.

    Le cerveau humain est une machine complexe car si beaucoup de choses s'expliquent, il y en a encore plus qui ne s'expliquent pas de façon rationnelle.

    Pourquoi? comment? sont des questions qui restent très souvent sans réponse quand ion veut comprendre l'inexplicable.

    En tout cas, j'ai beaucoup aimé ton message.

    Belle soirée à toi Pestoune

      • Jeudi 14 Avril 2016 à 21:56

        C'est le privilège de l'art.  L'interprétation d'une oeuvre est libre. Chacun y voit ce qu'il veut en fonction de son ressenti, de son état émotionnel. Et la découverte puis la tentative de compréhension d'une énigme suit le même processus.

        A bientôt Patricia

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