• Les deux loups de Patrick Bousquet

    Les deux loups avançaient côte à côte dans la neige épaisse qui recouvrait le sol de la forêt. Ils marchaient prudemment, d’un pas égal, s’arrêtant de temps à autre en humant l’air, comme pour mieux se repérer. Spectacle étrange, et plutôt inhabituel, ils tenaient dans leur gueule le même long morceau de bois qui semblait les enchaîner l’un à l’autre.
    Le plus jeune, un magnifique loup blanc, ralentit l’allure à l’approche d’un petit fossé qui traversait le chemin.
    Son compagnon, un loup gris à la fourrure clairsemée par endroits, ralentit à son tour sans pour autant lâcher le morceau de bois qui le reliait à son ami.
    Peu après, le loup blanc lui donna un gentil coup de patte, comme pour le prévenir de l’obstacle, et bondissant ensemble, ils franchirent le fossé avant de continuer leur route du même pas tranquille, tandis qu’à l’horizon un soleil timide commençait à percer les nuages.
    A quelques kilomètres de là, un trappeur nommé Jack Scot entendit frapper à la porte de sa maison.
    - Entrez ! cria-t-il.
    - Salut, Scot ! dit un grand homme blond emmitouflé dans un grand manteau en daim, il ne fait pas chaud ce matin.
    - Bonjour, Larry ! Qu’est-ce qui me vaut le plaisir de te voir ?
    - Des ennuis, j’en ai peur… Deux loups ont été aperçus près de la rivière.
    - Deux loups ?
    - Oui… énormes, paraît-il ! Alors je me demandais si tu ne pouvais pas faire quelque chose avant qu’il ne commettent des dégâts ou ne s’attaquent à quelqu’un.
    - Compte sur moi. Le temps de me couvrir.
    - Bonne chasse alors ! Et fait attention à toi ! ajouta Larry en quittant le trappeur.
    Jack Scot n’eut aucune difficulté à repérer le passage des deux loups qui paraissaient se diriger droit vers la ferme de Tom, un bonhomme solitaire qui vivait avec sa fille au milieu des bois.
    Un peu plus tard, il descendit de son véhicule pour examiner leurs traces, qui, à certains endroits, semblaient hésitantes.
    - Bizarre… dit-il. On dirait qu’ils avancent exactement en même temps, comme si…
    Allons ! continuons nos recherches. Ils ne doivent pas être loin…
    Pendant ce temps, les deux loups avaient poursuivi leur chemin. Soudain, le plus âgé s’arrêta en poussant un gémissement de douleur. Le loup blanc fit halte à son tour et, lâchant le morceau de bois, s’approcha de son ami comme pour lui dire : « Encore un effort ! ».
    Ce dernier, rassuré, hocha la tête, et le loup blanc reprit sa place à côté de lui après avoir replanté ses crocs dans le morceau de bois.
    Ils parvinrent bientôt à la lisière d’une clairière près de laquelle, assise dans la neige, une fillette jouait à la poupée, sans se douter de la présence des deux animaux.
    Apercevant la scène, Jack Scot, qui arrivait au même moment, appuya sur l’accélérateur tout en criant :
    - Attention, petite ! Il y a deux loups derrière toi !
    Mais les rugissements du moteur couvraient sa voix, et la fillette ne l’entendit pas. Les loups n’avaient pas bougé. Le plus jeune tourna la tête dans la direction de Scot, puis se plaça devant son ami pour le protéger en grondant.
    Jack Scot bondit du 4 x 4 et braqua son arme sur le loup menaçant. À cet instant, la fillette se retourna et se mit à hurler :
    - Non, ne tirez pas ! Ces loups sont mes amis ! Ils ne sont pas dangereux. Le plus vieux est aveugle et l’autre l’a pris sous sa protection… Il n’y a rien à craindre ! Vous voyez ce morceau de bois que le plus âgé tient dans sa gueule : c’est moi qui leur ai donné pour les aider à marcher ensemble. Je vous en prie, ne leur faites pas de mal !
    Scot abaissa son arme, et le jeune loup cessa alors de gronder.
    - C’est extraordinaire ! Je n’ai jamais vu ça ! dit Scot à l’enfant en s’approchant prudemment… Quel bel exemple de solidarité ! Mais ces loups, reprit le trappeur, comment les as-tu connus ?
    - J’ai trouvé le plus jeune quand il était bébé, à côté de sa mère morte d’épuisement, la patte prise dans un piège, précisa la fillette. Je l’ai recueilli, je l’ai nourri au biberon, puis je lui ai rendu sa liberté. Un jour, il est venu me voir avec son ami aveugle, et depuis ils me rendent visite de temps en temps. Je suis Sarah, la fille de Tom, le bûcheron. Mon père ne sait rien de cette histoire. Vous garderez mon secret, n’est-ce pas ?
    - Je te le promets… répondit Scot. Tu es sûre qu’il n’y a pas de danger ?
    - Certaine ! dit Sarah. Ces loups, je les connais… par cœur ! ajouta-t-elle en souriant.
    - Alors, à bientôt !
    Jack Scot regagna son 4 x 4. Puis, se tournant vers les deux loups, il leur fit un petit signe de la main, tandis que les deux animaux se couchaient aux pieds de Sarah dans l’attente d’une caresse.


                                                               Texte de Patrick Bousquet

     

    Une histoire, belle dans tous les sens, où même les fusils se taisent... pour laisser place à la paix et à la tendresse.

     

    https://www.youtube.com/watch?v=7KHMehblpE0

     

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  • Commentaires

    1
    renal
    Samedi 4 Octobre 2014 à 08:53
    En effet une belle histoire !! de solidarité et d'amitié. On a tous besoin au moins un fois dans sa vie quelqu'un pour nous guider, un ami, un parents,...... Merci pour cette belle histoire Pestoune.
      • Pestoune Profil de Pestoune
        Samedi 4 Octobre 2014 à 11:18
        Je crois qu'on en a besoin toute notre vie Au cours de notre existence nous faisons la rencontre de bien des personnes qui vont influer sur notre cheminement de vie, qui vont savoir nous conseiller ou nous éclairer. Et il y a tous ces gestes d'entraide quotidiens qui allègent souvent le fardeau. Bonne journée Renal
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